Questions relatives aux bibliothèques de recherche

Un document de discussion présenté par Guy Berthiaume,
Bibliothécaire et archiviste du Canada émérite
au Groupe de réflexion des institutions de mémoire sur le paysage post-COVID-19

Table des matières

Remarque

Le document fourni par le présentateur a été légèrement modifié, sans que le sens ne soit altéré, afin d’en faciliter la lecture sur le Web.

Des voies ensoleillées – Sérieusement ?

En novembre 2015, contre toute attente, un nouveau gouvernement fédéral de centre gauche a été élu au Canada. Cette élection a suscité de grands espoirs dans le milieu culturel, car le Parti libéral nouvellement élu avait fait du réinvestissement dans la culture l’une de ses plus importantes promesses électorales. Et, en effet, dès sa formation, le nouveau gouvernement a tenu promesse en annonçant des investissements dans la culture qui se sont avérés les plus importants de l’histoire récente du Canada : 1,9 milliard de dollars au cours des cinq années suivantes (2015-2020).

Cependant, les institutions de mémoire, c’est-à-dire les bibliothèques, les services d’archives et les musées, ont rapidement déchanté : aucune partie des nouveaux fonds ne leur était destinée. Le financement allait plutôt être exclusivement destiné à l’aide directe aux artistes (par l’entremise du Conseil des arts du Canada) et aux trois organismes gouvernementaux chargés de porter la culture à l’écran : le diffuseur public CBC-Radio Canada, Téléfilm Canada et l’Office national du film. De plus, le cadre stratégique du Canada créatif que le nouveau gouvernement a mis en place peu de temps après pour clarifier ses nouvelles orientations, a complètement ignoré les réalités des institutions de mémoire. Le cadre stratégique final du Canada créatif, publié en septembre 2017, ne comprenait pas une seule mesure ciblant les bibliothèques, les services d’archives et les musées et une seule des 38 pages du rapport leur était consacrée, se contentant de mentionner le rôle que ces institutions jouent « dans la préservation, l’interprétation et la promotion de la culture du Canada ». Les institutions de mémoire – en particulier les bibliothèques et les services d’archives – étaient présentées comme les dépositaires d’œuvres créées ailleurs et par d’autres, des établissements sans incidence importante sur le développement de la production culturelle.

À nous la rue : le sommet d’Ottawa (2016)

Préoccupés par ce nouveau contexte, les dirigeants de deux des institutions les plus représentatives de la communauté canadienne des bibliothèques, des services d’archives et des musées – Bibliothèque et Archives Canada et l’Association des musées canadiens – ont décidé d’organiser un événement public afin de sensibiliser leurs pairs et les décideurs des secteurs public et privé à la pertinence et à l’importance des bibliothèques, services d’archives et musées (les institutions de mémoire) dans l’écosystème culturel. À ce moment-là, malgré quelques initiatives locales importantes, notamment à Victoria, en Colombie-Britannique, et à Halifax, en Nouvelle-Écosse, le groupe canadien des bibliothèques, services d’archives et musées n’avait pas encore travaillé ensemble de manière systématique et structurée. La Fondation Mellon avait déjà soutenu certaines initiatives aux États-Unis, mais celles-ci étaient uniquement axées sur la collaboration entre les institutions dans le milieu universitaire, alors que l’événement canadien visait l’ensemble du secteur.

Les organisateurs ont estimé qu’un moyen efficace de marquer le territoire serait de tenir un sommet, à Ottawa, la capitale du pays, lui donnant ainsi une visibilité maximale. C’est ainsi que le 6 décembre 2016, par une froide journée d’hiver, près de 300 participants et quelque trente conférenciers – un certain nombre d’entre eux de l’extérieur du Canada – se sont réunis pour participer à l’événement À nous la rue : Sommet sur la valeur des bibliothèques, archives et musées dans un monde en mouvement.

Nous avons demandé à ce groupe de se pencher sur quelques questions difficiles, par exemple :

  • pourquoi construire de nouvelles bibliothèques, alors qu’Internet permet d’accéder à l’information en tout temps et en tous lieux?
  • pourquoi dépenser pour la construction de nouveaux édifices, puisque les musées virtuels donnent accès à la culture et à l’histoire, où que l’on soit sur la planète?
  • à quoi bon visiter les services d’archives ? Leurs sites Web offrent tout ce qu’il nous faut, sans compter la contribution de sites commerciaux comme Ancestry ou Find my past

Pour ceux parmi nous qui ont consacré des heures et des heures à travailler avec des œuvres d’art, des artéfacts, des livres et des archives, ces questions peuvent sembler ridicules. Pourtant, elles sont posées tous les jours, malgré le fait que les gens sont plus nombreux que jamais à visiter les bibliothèques, les services d’archives et les musées. Devant ce fait contre-intuitif, la British Library (bibliothèque nationale du Royaume-Uni) a conclu ce qui suit dans un récent document :

Il semble que plus nos vies sont centrées sur des écrans, plus la valeur perçue des rencontres avec de vraies personnes et des objets prend de l’importance : l’activité dans chaque sphère alimentant l’intérêt vers l’autreNote de bas de page1.

Voici quelques-unes des conclusions auxquelles le groupe est parvenu en décembre 2016. Tout d’abord, et ce n’est pas une surprise, les bibliothèques, services d’archives et musées ne sont pas étrangers à l’utilisation des technologies de l’information et ils ont une très forte présence virtuelle. En fait, les bibliothèques, les services d’archives et les musées sont très souvent parmi les premiers à adopter les nouvelles technologies. Des participants ont présenté bon nombre d’exemples concrets d’innovations attribuables aux technologies au sein de la communauté des institutions de mémoire. L’on a toutefois rappelé que la technologie est porteuse à la fois de défis et de possibilités nouvelles. Sur le plan des défis, il y a le besoin de trouver les ressources pour faire l’acquisition des technologies, puis pour embaucher et former les gens qui en tireront le meilleur parti. Sur le plan des possibilités nouvelles, la technologie nous permet de rejoindre nos utilisateurs là où ils se trouvent, à savoir principalement en ligne. Mais peut-être que le plus grand défi – qui est aussi la plus grande occasion de succès – tient au fait que plus les gens voient nos collections sur le Web, plus s’accroît leur intérêt à visiter nos installations physiques. En somme, les institutions de mémoire ne peuvent pas réduire leurs investissements dans les services en personne au profit des services virtuels. Les bibliothèques, services d’archives et musées doivent faire les deux.

Une autre conclusion du Sommet d’Ottawa a été que les institutions de mémoire jouent de plus en plus de nouveaux rôles, malgré le fait que, dans l’imagerie populaire, les bibliothèques, les services d’archives et les musées sont constitués uniquement de rayonnages de livres, d’étagères d’archives et de salles d’exposition. Des exemples des nouveaux rôles des bibliothèques, services d’archives et musées comprennent l’offre d’espaces confortables de rencontre, l’accueil des immigrants et des réfugiés, et même l’accès à Internet haute vitesse pour les personnes qui ne peuvent en disposer autrement. L’importance des espaces publics des bibliothèques, services d’archives et musées commence seulement à être largement comprise et, dans le monde entier, des millions de dollars sont investis dans des bâtiments qui invitent les gens à entrer. Ces espaces sont parfois appelés «  salons urbains  » ou « troisièmes lieux ». Il y a une magie dans ces espaces : les institutions de mémoire représentent non seulement la sécurité, mais aussi la liberté. La liberté de penser et de questionner, de créer, et bien sûr de manifester son désaccord. Et cette liberté est au cœur de nos sociétés démocratiques.

Au cours du Sommet d’Ottawa, nous avons également conclu qu’un des aspects les moins bien compris du rôle des bibliothèques, services d’archives et musées est le lien entre leurs activités et le développement économique. Quand il s’agit de prouver notre valeur, c’est pourtant un sujet qui revient souvent. On nous a rappelé qu’une étude réalisée en 2013 pour la British Library par la firme Oxford Economics Inc.Note de bas de page2 a estimé que pour chaque livre sterling de financement public que la bibliothèque reçoit annuellement, 4,90 livres sterling sont générées pour l’économie britannique. Ce ratio de cinq pour un s’est avéré similaire au Canada, selon les récentes études menées pour la Toronto Public Library ainsi que pour la Bibliothèque publique d’Ottawa. Malheureusement, si cette valeur est bien connue des institutions de mémoire elles-mêmes, elle est pratiquement inconnue des élites politiques, économiques et médiatiques qui passent très peu de temps dans ces institutions – en particulier dans les bibliothèques et les services d’archives. En effet, ces personnes préfèrent acheter plutôt qu’emprunter et, en raison de leur statut économique, elles n’ont pas vraiment besoin de services gratuits. Pour ce groupe, la consommation culturelle est très différente de ce qu’elle représente pour de nombreux usagers des bibliothèques. Pourtant, ce sont précisément ces élites que nous devons convaincre de la valeur des bibliothèques, services d’archives et musées.

Une autre conclusion digne de mention du Sommet de décembre 2016 concerne le rôle des institutions de mémoire dans l’écosystème créatif. Durant le Sommet, il a été clairement montré que ce rôle ne pouvait se réduire à la simple fonction de collecte et de préservation des œuvres et des documents. Les bibliothèques, les services d’archives et les musées ont également un rôle important à jouer au tout début de la chaîne créative, là où ils sont source d’inspiration et de matière première pour les artistes de toutes les disciplines – non seulement les auteurs et les poètes, mais aussi les artistes numériques, les musiciens, les peintres et les réalisateurs. Il s’agit d’une nouvelle reconnaissance qui connaît une croissance rapide au sein des institutions de mémoire, lesquelles, jusqu’à récemment, étaient perçues comme l’ultime destination où reposent les œuvres créatives, et non comme l’inspiration qui les fait naître. Les participants ont été surpris de savoir combien d’artistes et de créateurs dépendent des bibliothèques, services d’archives et musées. On a vu comment la matière des collections des institutions de mémoire prend un souffle nouveau dans l’interprétation créative d’artistes de toutes les disciplines. Grâce au Sommet, ces institutions se sont révélées être des sources d’inspiration et des lieux où l’on peut établir des connexions, collaborer, comprendre l’histoire et imaginer l’avenir.

La Déclaration d’Ottawa

À la fin du Sommet de décembre 2016, les participants ont adopté collectivement la Déclaration d’Ottawa, un engagement à poursuivre leurs efforts. La déclaration s’appuie sur une reconnaissance partagée de ce que nous avons en commun et sur l’opportunité de travailler ensemble. Les participants ont déclaré vouloir :

  • accroître la collaboration entre leurs institutions afin de mettre de l’avant de nouveaux partenariats qui vont stimuler la créativité et renforcer l’engagement.
  • élaborer des programmes et des services novateurs qui leur donneront les moyens de faire participer davantage leurs publics;
  • enrichir et élargir l’accès à leurs collections, afin de contribuer de façon significative au bien commun et au développement durable.

En quittant le Sommet, les participants étaient convaincus qu’ils devaient continuer sur leur lancée. Un groupe de travail a donc été créé pour mettre en œuvre la Déclaration d’Ottawa. Il était composé de huit membres, dont les compétences couvraient l’ensemble du champ des institutions de mémoire. Le mandat du groupe de travail était d’étoffer la vision de la Déclaration d’Ottawa, d’explorer et d’étudier les façons dont les bibliothèques, les services d’archives et les musées créent de la valeur pour la société canadienne et de contribuer activement à repérer de nouvelles occasions de partenariats.

La première tâche que le groupe de travail entreprit fut de travailler à la création d’un modèle pour une étude sur la valeur des institutions de mémoire. Des études sur la valeur des bibliothèques avaient été réalisées dans un passé récent, notamment celles de la British Library, de la Toronto Public Library et de la Bibliothèque publique d’Ottawa mentionnées précédemment. Mais, à la connaissance des membres du groupe de travail, il n’y avait jamais eu d’étude sur la valeur du secteur des bibliothèques, des services d’archives et des musées dans son ensemble.

Pour s’assurer que la réalité de tous les types d’institutions de mémoire soit prise en compte, en février 2018 le groupe de travail a chargé Brightsail Research Inc. de réaliser une étude de cadrage. Le rapport de Brightsail a été publié fin mars 2018 et a confirmé que « bien qu’il existe un nombre important d’études sur la valeur des bibliothèques… à ce jour, aucune étude n’a été réalisée sur la valeur des institutions de mémoire en tant que communauté multisectorielleNote de bas de page3 [traduction] ». L’exercice de cadrage de Brightsail a également révélé un degré élevé d’incohérence en ce qui concerne les données recueillies par les bibliothèques, les services d’archives et les musées et il a conclu qu’une étude globale sur leur valeur présenterait une occasion unique d’innovation pour le secteur canadien des institutions de mémoire.

Dans l’intervalle, les coprésidents du groupe de travail ont recueilli les fonds nécessaires à la réalisation de l’étude. Grâce aux dons généreux de la Fondation de la famille McConnell, de Mme Rosamund Ivy et du ministère du Patrimoine canadien, l’on a pu procéder à un appel d’offres pour sélectionner une firme chargée de réaliser l’étude sous la supervision du groupe de travail. Oxford Economics Inc, la même entreprise qui avait réalisé l’étude pionnière sur la valeur de la British Library, a été choisie pour mener l’étude.

À nous l’avenir : le Sommet de Toronto (2018)

Pour continuer sur la lancée, un deuxième sommet des bibliothèques, services d’archives et musées s’est tenu le 30 janvier 2018 au Musée royal de l’Ontario à Toronto. Ce sommet, intitulé À nous l’avenir, a attiré quelque 280 participants en une autre journée froide de notre hiver canadien. Le Sommet s’est concentré sur quatre sujets qui ont été considérés comme les moteurs de l’évolution du secteur :

  1. Les communautés : comment la collaboration entre institutions de mémoire peut-elle bénéficier aux communautés locales et permettre de tisser des liens et de promouvoir l’identité communautaire ?
  2. Les peuples autochtones : comment les institutions de mémoire peuvent-elles collaborer plus étroitement avec les peuples autochtones pour renouveler leurs relations mutuelles, basées sur la compréhension et le respect ?
  3. Le Secteur privé : comment les institutions de mémoire peuvent-elles collaborer avec le secteur privé pour stimuler l’innovation ?
  4. Les priorités gouvernementales : comment les institutions de mémoire peuvent-elles travailler avec les divers ordres de gouvernement ?

Une grande conclusion s’est dégagée de ce deuxième sommet, à savoir qu’il était urgent que les institutions de mémoire se dotent d’une trame narrative commune qui démontrerait la valeur et l’ampleur de leur impact sur les plans social et économique. Cette trame narrative devait être pertinente, illustrer l’importance des bibliothèques, services d’archives et musées et mettre en évidence les avantages qu’ils peuvent offrir aux partenaires d’autres secteurs d’activité, comme le secteur privé, les gouvernements et les organismes sans but lucratif.

Plus près des gens : le Sommet de Montréal (2019)

Le 13 mai 2019, le troisième et plus récent Sommet des bibliothèques, services d’archives et musées s’est tenu à Montréal. Une fois de plus, plus de 280 participants de l’ensemble du secteur se sont présentés à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) pour faire avancer le programme contenu dans la Déclaration d’Ottawa. Le thème était « Plus près des gens » et la discussion s’est centrée sur trois thèmes.

  1. La collaboration : quels sont les avantages, les défis et les stratégies efficaces découlant de la collaboration au sein du secteur des institutions de mémoire, et entre ces institutions et les autres secteurs ?
  2. Les Premières Nations, les Inuits et les Métis : de quelle façon les bibliothèques, services d’archives et musées peuvent-ils resserrer leurs liens avec les Autochtones, individuellement et collectivement, pour établir des relations fondées sur la compréhension et le respect mutuels ?
  3. La technologie : de quelle façon les bibliothèques, services d’archives et musées peuvent-ils collaborer avec des partenaires du secteur des technologies pour améliorer l’expérience de leurs utilisateurs ?

Plusieurs thèmes transversaux ont été développés au cours du Sommet. Tout d’abord, la volonté de réinventer les formes traditionnelles de collaboration. Deuxièmement, l’urgence de valoriser le travail des bibliothèques, services d’archives et musées en tant qu’agents de cohésion sociale à l’heure où les idéologies se fragmentent de plus en plus. Troisièmement, la nécessité pour les bibliothèques, services d’archives et musées de miser sur l’agilité dans une optique d’innovation. Outre les panels et les allocutions, le Sommet a également été l’occasion pour les représentants d’Oxford Economics Inc. de présenter un aperçu des résultats préliminaires de l’Étude sur la valeur qu’ils avaient menée au cours des quatre mois précédents. Leur présentation a été suivie de séances interactives au cours desquelles les participants ont eu l’occasion de donner leur avis sur ces résultats.

Une nouvelle trame narrative pour le secteur des institutions de mémoire

Toujours à Montréal, des échanges ont eu lieu sur les éléments fondamentaux d’une trame narrative destinée à soutenir le secteur dans son ensemble. Sous le thème Dans un monde en rapide mutation, les bibliothèques, services d’archives et musées sont essentiels, l’objectif de la trame narrative était de démontrer la valeur et l’étendue des avantages des instituions de mémoire pour nos sociétés. Elle a été élaborée à partir de quatre déclarations fortes :

  1. Quand les gens ont besoin d’information crédible et fiable, c’est vers nos institutions qu’ils se tournent. Les bibliothèques, les services d’archives et les musées sont toujours considérés comme les plus fiables des institutions publiques.
  2. Grâce aux bibliothèques, aux archives et aux musées, les gens se réunissent pour tisser des liens, vivre des expériences et écrire leur histoire. À l’ère numérique, les bibliothèques, services d’archives et musées sont des espaces physiques et virtuels inclusifs où les gens établissent des rapports entre eux et se comprennent mutuellement.
  3. Nos institutions aident le Canada à prospérer et à innover. Nos institutions sont des moteurs économiques qui propulsent l’ingéniosité et la créativité des collectivités. Elles inspirent les entrepreneurs et les artistes et stimulent l’innovation et la créativité sous toutes leurs formes.
  4. Notre secteur est bénéfique pour les gens et les collectivités. Les bibliothèques, services d’archives et musées enrichissent nos vies et jouent un rôle fondateur dans la croissance et l’épanouissement personnel et communautaire. Ils favorisent la conscience émotionnelle, la compassion, la résilience et l’ouverture d’esprit.

L’étude sur la valeur des bibliothèques, des services d’archives et des musées au Canada

En tenant compte des conversations tenues lors du Sommet de Montréal, Oxford Economics Inc. a publié son Étude sur la valeur des GLAM au Canada en décembre 2019. Reconnaissant que les bibliothèques, les services d’archives et les musées sont bien plus que de simples attractions touristiques, le rapport vise à saisir le rôle fondamental que jouent ces institutions en utilisant une combinaison de mesures quantitatives et qualitatives. Les conclusions de l’étude sont basées sur les données déjà disponibles ainsi que sur une enquête nationale menée par Oxford Economics auprès de 2 045 Canadiens. Un ensemble de techniques économiques ont été utilisées, afin de refléter la diversité des activités du secteur des institutions de mémoire.

L’étude estime que 150 millions de visites sont effectuées chaque année dans les bibliothèques, les services d’archives et les musées canadiens par des membres du public. Les visites en ligne (sites Web, catalogues, Facebook, Twitter et Instagram) ont également été prises en compte, ainsi que la valeur éducative et – mesure la plus innovante – l’effet de mieux-être provoqué par l’utilisation des bibliothèques, des services d’archives et des musées. Le modèle utilisé par Oxford Economics suggère que la valeur au titre du bien-être pour un utilisateur canadien de la fréquentation des bibliothèques, services d’archives et musées équivaut à recevoir un bonus de 1 440 $. Pour citer l’étude : « la visite de GLAM a le même effet sur le bien-être que l’obtention d’une prime monétaire de 1 440 $ par annéeNote de bas de page4 ».

En combinant tous les intrants, la valeur brute totale des bibliothèques, services d’archives et musées pour le Canada est de 11,7 milliards de dollars par année (dollars canadiens de 2019). Étant donné que les dépenses opérationnelles nécessaires au fonctionnement des bibliothèques, des services d’archives et des musées sont estimées à 3 milliards de dollars, la division des 11,7 milliards de dollars d’avantages par les 3 milliards de dollars de coûts donne un rapport coûts-bénéfices de 3,9. En d’autres termes, pour chaque dollar investi dans les bibliothèques, les services d’archives et les musées, la société reçoit près de quatre dollars en retour. Les auteurs de l’étude ont ajouté que « les GLAM affichent un rendement très favorable par rapport aux autres grands investissements sociaux, comme les infrastructures de transportNote de bas de page5 ».

Faire plus avec plus

Au moment où nous écrivons ces lignes (printemps 2020), le secteur canadien des institutions de mémoire est à la fin d’un premier cycle de travail collectif. Grâce à l’organisation de trois sommets très fréquentés, la cohésion du secteur a progressé de manière importante au cours des trois dernières années et le groupe s’est doté des deux outils majeurs qu’il avait identifiés comme absolument nécessaires : une trame narrative pour l’ensemble du secteur et une étude sur la valeur du secteur des bibliothèques, services d’archives et musées canadiens qui démontre la rentabilité d’investissements accrus dans les institutions de mémoire. Le travail est maintenant prêt à passer à une deuxième phase, en se concentrant davantage sur les activités de sensibilisation, de communication et de promotion. S’appuyant sur la cohésion développée par le secteur au cours des dernières années, il y a maintenant lieu d’intensifier le dialogue avec les décideurs publics et privés et le grand public afin de mettre en évidence la contribution des bibliothèques, des services d’archives et des musées à notre avenir collectif.

Lors du Sommet d’Ottawa de décembre 2016, Maureen Sawa, la directrice générale de la Greater Victoria Public Library, a inventé une formule heureuse en déclarant qu’au lieu de chercher à faire « plus avec moins », l’objectif collectif des bibliothèques, services d’archives et musées canadiens devait être de faire « plus avec plus ». Plus de collaborations, plus de partenariats, plus de sensibilisation du public, plus de pertinence. Parce qu’il résume toutes les merveilleuses possibilités que peut offrir le fait de travailler ensemble, je pense que la formule de Maureen constitue un mantra parfait pour le secteur : Faire plus avec plus.