Transcription d'épisode 13
Jessica Ouvrard : Bienvenue à « Découvrez Bibliothèque et Archives Canada : votre histoire, votre patrimoine documentaire ». Ici, Jessica Ouvrard, votre animatrice. Joignez-vous à nous pour découvrir les trésors dont recèlent nos collections, pour en savoir plus sur nos nombreux services et pour rencontrer les gens qui acquièrent, protègent et font connaître le patrimoine documentaire du Canada.
Dans cet épisode, Geneviève Morin, archiviste en art, et Lynn Curry, restauratrice, toutes deux de Bibliothèque et Archives Canada, se joignent à nous afin de discuter du fonds William Redver Stark. Nous nous penchons sur ces antécédents, sur son service à titre de soldat pendant la Première Guerre mondiale et sur les œuvres d’art qu’il a produites, plus particulièrement les 14 cahiers de dessins qui font partie de son fonds.
Bonjour Geneviève, bonjour Lynn. Merci d’avoir accepté notre invitation.
Geneviève Morin : Bonjour, je suis enchantée d’être ici.
Lynn Curry : Bonjour, moi aussi je suis heureuse d’être ici.
JO : Excellent. Pouvez-vous nous donner des renseignements sur William Redver Stark et sur ses antécédents?
GM : Nous ne savons pas grand-chose au sujet de Stark. Presque tout ce que nous savons de lui provient de son dossier militaire, à part quelques petits renseignements, par exemple, qu’il est né à Toronto en 1885 et qu’il a étudié au Collège d’art de l’Ontario ainsi qu’aux États-Unis, peut‑être en Pennsylvanie. Nous faisons toujours des recherches à cet égard. Il a été membre de la Society of Graphic Artists et, avant la guerre, il a présenté plusieurs expositions. Il a exposé avec l’Ontario Society of Artists ainsi qu’avec l’Académie royale des arts du Canada. À quelques reprises, il a exposé un nombre important d’œuvres et il préférait les tableaux de paysages ou d’animaux. Ainsi, à la fin de sa carrière, il était connu surtout pour ses tableaux d’animaux. Nous savons qu’après la guerre, il a réalisé quelques autres expositions, notamment à Wembley, en Angleterre, ainsi qu’à Paris, mais la majeure partie de ses expositions a été présentée au Canada. Outre ses expositions, il a été artiste pigiste pour le Toronto Star Weekly et il a également produit des illustrations, à titre de pigiste, pour des livres pour enfants et des livres éducatifs. Il s’est marié en 1921 à une jeune femme de 24 ans, Marjorie Crouch; je crois qu’il avait alors 36 ans. Avec elle, il a entamé un nouveau chapitre de sa vie, après la guerre, et ils ont eu une fille. À peu de choses près, il a vécu ainsi jusqu’à son décès à Toronto en 1953. Sa tombe se trouve au cimetière Mount Pleasant.
JO : À Toronto?
GM : Oui.
JO : Savez-vous à quel moment Stark s’est enrôlé?
GM : Oui. On dispose désormais de sa feuille d’engagement et elle a été numérisée ici à Bibliothèque et Archives Canada. Nous pouvons la consulter sur Internet et apprendre qu’il s’est enrôlé le 6 juin 1916. Nous pouvons aussi y voir d’autres renseignements intéressants : il avait les cheveux bruns et des yeux gris; il avait une cicatrice sur le front et il n’était pas très grand, soit 5 pieds 4 pouces et ¾. Les trois quarts de pouce sont très importants pour les gens de petite taille, croyez-moi. Il habitait toujours avec ses parents lorsqu’il s’est enrôlé, et il a désigné sa mère son plus proche parent. Curieusement, il a mentionné une date de naissance différente lorsqu’il s’est enrôlé, soit le 4 mars 1886, alors que nous savons qu’il est né le 4 février 1885. C’est intéressant, car nous ne savons pas pour quelle raison il aurait précisé avoir 30 ans au lieu de 31. L’explication la plus plausible est qu’il ne connaissait pas sa date de naissance ou qu’il l’avait oubliée ou encore que sa mère l’avait peut-être confondu avec un frère et qu’ainsi il songeait à la date de naissance de son frère. On ne sait trop pourquoi il a agi de la sorte, mais c’est ce qu’il a fait.
JO : Comment Stark a-t-il réussi à créer des œuvres d’art pendant la guerre, puisqu’il n’était pas un artiste de guerre officiel?
GM : Les artistes dessinaient et griffonnaient souvent lorsqu’ils étaient au front. Ils avaient un peu de temps libre en attendant les ordres ou bien, le soir, ils devaient se trouver un passe-temps. Ainsi, ils dessinaient souvent afin de consigner ce qu’ils avaient vécu durant la journée ou tout simplement pour s’occuper. On voyait fréquemment des soldats produire des œuvres, même ceux qui n’étaient pas de véritables artistes. Stark n’était sans doute pas suffisamment important pour être désigné artiste de guerre officiel. Le Fonds de souvenirs de guerre canadiens visait à faire participer les artistes de nombreux pays afin de décrire l’expérience canadienne au front pendant la Première Guerre mondiale. Les responsables disposaient d’un grand nombre de candidats et un important groupe. Trois membres de ce qui deviendrait le Groupe des sept étaient en fait des artistes de guerre officiels : Arthur Lismer, Frederick Varley et A.Y. Jackson, ainsi que d’autres artistes importants comme David Milne et Florence Wyle. Stark, même s’il était un artiste de talent, n’était probablement pas suffisamment réputé pour être retenu. Ainsi, la raison la plus plausible pour laquelle Stark a produit des œuvres est qu’il était artiste et qu’il aimait dessiner.
JO : Est-ce possible de connaître les déplacements de Stark durant la guerre?
GM : Oui, certainement. William Redver Stark faisait partie du 1er Bataillon des Troupes ferroviaires canadiennes et nous avons le journal de guerre de ce bataillon, qui est fascinant. Il est présenté sur notre site Web en format numérique. Le quartier général du bataillon se déplaçait souvent, mais il est toujours demeuré dans une zone restreinte dans le nord de la France et quelque peu dans l’ouest de la Belgique. C’est très intéressant, et j’ai même noté le nom des villes et villages où le bataillon s’est rendu et repéré les endroits où les soldats étaient cantonnés. On peut facilement retracer le chemin sur Google. Il s’agit certes d’une zone restreinte, mais ces hommes ont accompli un important travail, soit l’installation ferroviaire et la pose de voies ferrées, en plus de creuser des tranchées. C’était donc un travail intense dans un territoire de petite taille. C’était un travail rude. Stark n’a pas identifié ni daté un grand nombre de ses dessins. Par conséquent, lorsqu’on regarde les journaux de guerre de concert avec les cahiers de dessins, ces derniers présentent un tout autre niveau d’information. Le meilleur exemple à cet égard est celui des dessins dans les cahiers où on peut voir des soldats construire des structures de bois extrêmement complexes sous un pont entièrement intact, ce qui est curieux, car les troupes ferroviaires s’affairaient toujours à construire des ponts ou à réparer des ponts qui avaient été bombardés ou détruits. Celui du dessin est complètement intact et c’est étrange que les soldats mettent tout ce temps à construire des éléments sous ce pont. Puis j’ai trouvé un élément dans le journal de guerre qui mentionne que le bataillon avait reçu des informations du service du renseignement selon lesquelles les Allemands surveillaient ce pont afin de le bombarder. Les soldats avaient donc été envoyés sur place afin de renforcer le pont avant l’arrivée des Allemands. Je vais vous lire un extrait du journal de guerre de juillet 1918 :
Le travail consiste à installer de lourdes poutres au centre de trois grandes arches de maçonnerie. Les poutres peuvent supporter une charge permanente de la structure, la surcharge du train le plus lourd pouvant se trouver dessus et, de plus, des rails en acier double recouvre ce qui a été posé sur le tablier du pont à titre de dispositif anti-bombe. Le travail comprend le charpentage et l’érection d’environ 200 000 pieds de poutres ainsi que des rails d’acier de plus d’un mille.
Voilà donc le genre de travail que les soldats effectuaient, mais il est fascinant qu’ils faisaient également des travaux préventifs. Grâce à ce court extrait du journal, je peux désormais identifier trois aquarelles et dater dans le cahier de dessins, ce qui les rend encore plus utiles pour les chercheurs qui s’intéressent à ce pont particulier, le pont Wimereux. Ce pont était très important pour le transport de marchandises vers et depuis le front, je crois, Lynn…
LC : Oui. Une autre découverte intéressante dans le cahier de dessins numéro 10 est une étiquette en papier à l’intérieur de la couverture sur laquelle est indiquée l’information du libraire : « Ragons-Boyaval Dunkerque 1 F 10 ». Il s’agit de l’emplacement du libraire de Dunkerque d’où le cahier de dessins provient, ainsi que le prix du cahier, soit 1 franc 10. On peut voir d’autres étiquettes dans des cahiers de dessins, mais aucune de celles-ci ne donne des renseignements aussi précis, notamment l’emplacement et le prix du cahier. Cette information indique qu’il était à cet endroit en plus d’acheter ce cahier.
GM : Dunkerque est un des lieux mentionnés dans les journaux de guerre à titre d’emplacement des quartiers généraux du bataillon. Cette information accompagne le journal de guerre.
JO : C’est incroyable. Comment Stark a-t-il pu dessiner et peindre toutes ces œuvres en si peu de temps?
GM : Stark est demeuré en France d’octobre 1916 à octobre 1919. Si on tient compte de l’entraînement préalable à Valcartier, il a servi pendant près de 1 000 jours. Il a réalisé 480 dessins et nous savons que d’autres cahiers de dessins ont été produits : il n’a donc pas été si prolifique que ça. Il a produit en moyenne un dessin tous les deux ou trois jours. Le côté intéressant des œuvres de Stark a trait au fait que les dessins figurent dans de minuscules cahiers de dessins qui étaient faciles à transporter : il pouvait en mettre un dans une poche ou dans son sac à dos. Ainsi, les cahiers étaient toujours à sa portée et il pouvait en sortir un lorsqu’il était inspiré. Mentionnons par ailleurs la substance utilisée; il travaillait toujours avec un crayon et le plus souvent avec un crayon et l’aquarelle, ce qu’ont fait les explorateurs et les soldats pendant des siècles. Cette méthode est facile et rapide, pas aussi rapide que la prise de photos, mais presque aussi facile si on dessine rapidement sur un calepin et si on termine le dessin plus tard au campement pendant le souper, ou après le souper en grillant une cigarette.
JO : Quels éléments figurent dans le fonds Stark et quelles sont les mesures que prend Bibliothèque et Archives Canada pour veiller à ce que ses œuvres soient à la disposition des générations futures?
GM : J’ai mentionné que le fonds Stark ne contient pas d’archives textuelles. Nous avons les 14 cahiers de dessins qui comprennent environ 480 dessins et aquarelles. Pour nous assurer que le public a accès à ces dessins, nous les avons tous numérisés et nous avons décrit chacun d’eux séparément, afin que les chercheurs puissent voir chaque dessin sur notre site Web. Je crois, Lynn…
LC : Oui, en plus de la copie de préservation et de l’accessibilité des images sur le site Web de BAC, le traitement de conservation des cahiers de dessins aura lieu en vue de réparer et de consolider les reliures et les pages. Des éléments comme la structure cousue qui retient les pages, ainsi que les matériaux qui composent les couvertures extérieures des cahiers de dessins doivent tous être restaurés. Le traitement de conservation fera en sorte que les cahiers pourront être utilisés comme prévu – on pourra de nouveau tourner les pages, entre autres. De plus, les 14 cahiers de dessins ont été placés dans des contenants d’archive et ils se trouvent dans une voûte à environnement contrôlé au centre de conservation de Bibliothèque et Archives Canada.
JO : Quelle est la durée du processus de conservation et quels problèmes rencontrez-vous?
LC : Le processus de conservation débute par un examen approfondi et une documentation, à l’aide de photos et de documents écrits, de nos découvertes. De plus, une proposition de traitement de conservation et une estimation du temps sont effectuées pour chaque cahier. Une consultation a lieu avec l’équipe de conservation, l’archiviste spécialisée, Geneviève, et l’équipe de gestion de la collection. Il s’agit de s’entendre sur la conservation à effectuer ainsi que sur les priorités, afin de déterminer quels cahiers seront traités en premier lieu. Dans le cadre de ce projet, on a établi que cinq des cahiers de dessins seront sans doute les plus empruntés, puis les autres cahiers le seront par la suite. Dans le cas des 14 cahiers de Stark, la conservation demandera entre 8 et 80 heures par cahier, selon la gravité des dommages et de la détérioration. Les cahiers présentent tous les mêmes types de dommages, mais à divers degrés. Je peux donc dire que les dommages consistent principalement en une usure matérielle, plutôt qu’à l’instabilité chimique du papier ou des matériaux de la reliure. La partie la plus difficile du projet découle du fait que des pages ont été retirées de chacun des cahiers. On ne sait trop si ces pages ont été enlevées par Stark lui-même avant de faire le dessin, pendant qu’il le faisait ou après l’avoir fait, ou encore si elles ont été retirées plus tard ou beaucoup plus tard par un membre de sa famille ou une autre personne. En retirant une page d’un cahier, on laisse en place l’autre moitié du feuillet in-folio. Parfois il est en place et bien fixé, mais la plupart du temps il se casse et on retrouve ainsi une page détachée dans le bloc de feuillets. Trois des cahiers de dessins sont ni plus ni moins qu’un amas de demi-feuillets ou de feuilles uniques, apparemment dans un ordre aléatoire. Nous venons de terminer ce que nous appelons une définition de page : il s’agit d’examiner chaque page détachée et de tenter de déterminer son emplacement dans le bloc.
JO : C’est un véritable casse-tête.
LC : En effet. C’est semblable à un examen médico-légal, car nous examinons chaque détail du papier, la reliure, les traits de dessin, les éléments qui se chevauchent, les transferts d’images, les empreintes et les taches. Une fois ce travail terminé, les cahiers de dessins peuvent être réassemblés selon l’ordre d’origine.
JO : Ou l’ordre présumé. Il est impossible d’être absolument certain qu’il s’agit du bon ordre.
GM : En effet. Par ailleurs, j’ai eu une autre surprise au sujet des cahiers car ceux-ci avaient été acquis avant que je sois archiviste à BAC. Moi, j’ai simplement eu la chance de poursuivre les travaux d’un autre archiviste, qui a pris sa retraite après avoir réalisé la moitié des travaux. Ce que je ne savais pas c’est que certains cahiers avaient été remis à la famille, sans doute à la demande de celle-ci. Nous croyions n’avoir que 14 cahiers mais nous savons maintenant qu’il y en a d’autres. Ainsi le casse-tête de Lynn est devenu encore plus complexe, mais moins frustrant, car elle sait que si une page ne convient pas à un endroit particulier, il se peut qu’elle aille dans un des cahiers manquants.
JO : Avez-vous découvert quelque chose d’étonnant?
LC : Oui. Nous avons découvert de nombreux détails très intéressants au sujet des cahiers de dessins. Lors de notre examen, nous observons minutieusement tous les éléments du format du cahier; nous ne regardons pas vraiment les œuvres d’art, mais plutôt le matériau sur lequel l’image a été peinte et la reliure des œuvres. Si on pose les 14 cahiers sur une table, on remarque certaines ressemblances quant au style de la reliure : le matériau de la couverture, la toile très ordinaire, le coton très brut, l’aspect utilitaire et l’absence de décoration sur les couvertures. On retrouve presque sur chaque cahier un emplacement pour y mettre un crayon ainsi qu’un élastique, un bouton-pression ou des attaches, ou quelque chose du genre, sur le rebord avant, afin de maintenir le cahier fermé, lorsqu’il est rangé dans un sac à dos ou ailleurs. Certains détails de la nature du papier et des éléments de la reliure sont très intéressants, car le papier pour aquarelle qu’on retrouve dans six cahiers était de très grande qualité et provenait de papetiers réputés. Il y avait une étiquette du relieur ou du coloriste ou une autre identification du papier dans le cahier.
JO : Pouvez-vous expliquer ce que cela signifie?
LC : Bien sûr. Dans le papier pour aquarelle, les papetiers utilisent un filigrane pour indiquer qu’ils ont fabriqué ce papier. On peut voir le filigrane si on regarde le papier par transparence. Il suffit de tenir la feuille devant une lampe ou une lumière ou d’installer une source de lumière sous la feuille : on peut alors voir le filigrane. On remarque qu’il y a différents filigranes dans les cahiers de dessins de Stark et ils identifient tous des papetiers anglais. On retrouve un filigrane dans le cahier numéro 1, « 1915 England », dans le cahier numéro 7 on voit « 1916 unbleached Arnold » – Arnold était un papetier d’Angleterre –, et dans le cahier numéro 11 on aperçoit le filigrane « England handmade ». D’autres dispositifs sont utilisés par le fabricant ou le libraire, soit des étiquettes du relieur et du coloriste; ces deux dispositifs peuvent se trouver sur une étiquette de papier sur laquelle sont imprimés des renseignements sur le papier ou le cahier de dessins et, dans certains cas, ils indiquent l’adresse de l’endroit où ils ont été achetés. Nous avons un certain nombre de ces étiquettes dans les cahiers. Voici quelques exemples : le cahier numéro 1 indique « Newman Soho Square » comme provenance, qui se trouve à Londres. Le cahier numéro 3 précise « Windsor Newton England ». En fait il y a trois indications « Windsor Newton England ». Puis il y en a deux de France : celle mentionnée plus tôt – l’étiquette de papier Dunkerque – et une autre étampe à l’encre de la « Maison Chambre Paris ». Il s’agit donc des endroits où les cahiers de dessins étaient vendus.
JO : Wow! Intéressant. Est-ce que vous préférez une œuvre de Stark en particulier?
GM : Oui. Mon dessin préféré est très simple et il présente deux femmes dans un champ. C’est une œuvre merveilleuse, car les couleurs sont éclatantes et saturées. Le jeu de couleurs et de lumière dans l’image est tout simplement magnifique. On peut voir le vent qui souffle sur les arbres; on peut se représenter la scène simplement en regardant l’image, car la lumière est en quelque sorte pommelée. Il s’agit de deux femmes vues d’une bonne distance : une des femmes est accroupie et elle cueille quelque chose et l’autre femme se tient debout, les mains dans le dos, et elle regarde au loin. La première fois que je me suis arrêtée pour vraiment regarder cette image, j’ai trouvé qu’elle ressemblait à un instantané, une fraction de seconde où on peut voir une femme accroupie et une autre debout. Stark a peut-être vu cette scène lorsqu’il marchait. Je me suis alors demandé si le bataillon de Stark était ce que la femme regardait. Regardait-elle le bataillon de Stark qui marchait à proximité du champ en route vers le lieu où il devait exécuter des travaux, observait-elle cette colonne d’hommes qui avançaient avec des énormes machines? C’est une scène très intéressante, car on ne cesse de se demander ce que la femme regarde. Où se trouvait Stark lorsqu’il l’a vue? Est-ce que Stark marchait à cet endroit et a-t-il pensé « Il faut que je me souvienne de cette scène »? La beauté à l’état pur, la couleur et la lumière sont éblouissantes.
JO : Lynn, avez-vous une œuvre préféré?
LC : Quant à moi, mon image préférée est sans doute un croquis très simple d’un homme accroupi à la lueur d’une bougie. L’homme dessine un croquis dans un carnet. Je m’imagine qu’il s’agit de Stark ou d’un autre homme qui, dans son temps libre, fait un dessin dans son cahier de dessins à la lumière de la bougie ou écrit dans son journal. Sur les couvertures extérieures de deux cahiers de dessins, nous avons remarqué des gouttes de cire et j’ai donc conclu que ce dessin était un véritable fait vécu, et que ces hommes utilisaient ces carnets dans de telles conditions : pour moi, ce dessin donne vie au passé.
JO : Quels éléments se démarquent au sujet des œuvres d’art produites par Stark durant la guerre? En quoi diffèrent ses œuvres d’art de celles créées par d’autres à cette époque?
GM : Je crois que l’aspect le plus marquant des œuvres de Stark est la sérénité. Nous sommes devant des situations horribles dans des conditions affreuses : les hommes sont en guerre et c’est une des guerres les plus épouvantables de tous les temps. Le journal de guerre des bataillons raconte le cauchemar que ces hommes ont vécu. Ils étaient sans répit sous la menace d’une attaque des troupes allemandes qui ciblaient les voies ferrées que les hommes construisaient et les ponts qu’ils érigeaient : les Allemands tentaient alors, sans relâche, de faire exploser les voies ferrées et les ponts. Ainsi, les hommes étaient sans cesse sous la menace du feu de l’ennemi et ils ont perdu de nombreux amis, qui travaillaient avec eux et qui ont été tués par ces attaques. Ils exécutaient un rude travail physique, ils creusaient, ils poussaient, ils tiraient, ils soulevaient, ils déplaçaient des rails, ils pelletaient, ils accomplissaient tous ces horribles et difficiles travaux dans des conditions accablantes de froid et d’humidité, mais ce n’est pas ce qu’on voit en regardant les cahiers de dessins. Ces cahiers sont empreints de sérénité, les horreurs de la guerre ne sont pas relatées : on songe encore une fois que ces cahiers étaient une échappatoire pour Stark – un moment de calme où il pouvait s’assoir et dessiner. Il produisait les mêmes dessins et illustrations qu’il aurait produits chez lui : les paysages, le chien qui avait adopté le campement, les chevaux. On retrouve de nombreuses représentations de chevaux, car ceux-ci le réconfortaient ou l’auraient réconforté. Le côté paisible indéniable des dessins est très différent des autres œuvres d’art de guerre. Même lorsqu’il représente les soldats dans ses cahiers de dessins, ceux-ci ne sont pas différents des agriculteurs qui récoltent le foin dans les champs. Ce sont tout simplement des gens qui font un travail et il est très intéressant de constater qu’il n’adjoint même pas une nuance propre à la guerre. C’est un carnet d’images ravissant.
JO : Merci d’être venu ici cet après-midi.
LC : Merci Jessica.
GM : J’ai beaucoup apprécié et je vous remercie.
JO : Pour de plus amples renseignements sur William Redver Stark, consultez nos articles de blogue sur ledecoublogue.com ou pour en savoir plus sur la Première Guerre mondiale, visitez notre site Web bac-lac.gc.ca. À la page d’accueil, sélectionnez « Découvrez la collection », puis « Patrimoine militaire ». Sur cette page, vous verrez un lien qui donne accès à notre site « Première Guerre mondiale : 1914-1918 », où vous trouverez la liste de toutes les ressources en rapport avec la Première Guerre mondiale.
Merci d’avoir été des nôtres. Ici Jessica Ouvrard, votre animatrice. Vous écoutiez « Découvrez Bibliothèque et Archives Canada – votre fenêtre sur l’histoire, la littérature et la culture canadiennes ». Je remercie tout particulièrement nos invités, Geneviève Morin et Lynn Curry.
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