Transcription d'épisode 16
Jessica Ouvrard : Bienvenue à « Découvrez Bibliothèque et Archives Canada : votre histoire, votre patrimoine documentaire ». Ici, Jessica Ouvrard, votre animatrice. Joignez-vous à nous pour découvrir les trésors dont recèlent nos collections, pour en savoir plus sur nos nombreux services et pour rencontrer les gens qui acquièrent, protègent et font connaître le patrimoine documentaire du Canada.
Dans cet épisode, Gilbert Gignac, gestionnaire à la retraite de la collection des œuvres d’art et Mary Margaret Johnston-Miller, archiviste en art, tous les deux de Bibliothèque et Archives Canada, se joignent à nous pour discuter de William Hind, un artiste qui a joué un rôle de premier plan dans le développement des arts au Canada. Nous nous penchons sur la vie de William Hind, sur son apport unique aux arts du Canada et sur le contenu de la collection William Hind de Bibliothèque et Archives Canada.
Merci d’être ici aujourd’hui avec nous Gilbert.
Gilbert Gignac : Merci bien! Je suis enchanté d’être avec vous aujourd’hui.
JO : Je sais que vous avez beaucoup étudié et écrit sur William Hind. Qu’est-ce qui vous a attiré dans son travail?
GG : C’est un artiste hors du commun. Il est exceptionnel. Nous avons une collection assez vaste aux Archives nationales, et j’ai eu la chance de pouvoir examiner ses œuvres pendant environ 30 ans avant de commencer à écrire. J’aime écrire sur lui, car ses œuvres sont inusitées si on les compare à celles de ses contemporains, notamment Paul Kane ou William Armstrong. Il utilisait des couleurs très vives; ses compositions sont toujours d’un style unique. Il a toujours su attirer l’œil, sans effort, ce qui suscite l’intérêt. Les œuvres des autres artistes n’offrent pas cet attrait.
JO : Qui était William Hind et quelles sont ses origines? Quel chemin a-t-il parcouru pour devenir un tel artiste?
GG : Tout d’abord, il était Anglais. Il est né dans la région de Robin des bois, soit Nottingham en Angleterre. Il a fréquenté une école des beaux-arts très particulière, la School of Design. Cette école formait des artistes qui allaient devenir des chefs de file du design pour chaque aspect de la fabrication anglaise.
JO : D’accord.
GG : Bien entendu, les illustrations de livres faisaient partie de ce travail. William Hind a suivi, à cette école, les cours de James Hammersley qui a été concepteur à Wedgewood : il était donc un artiste accompli. Monsieur Hammersley a représenté des scènes canadiennes à partir d’œuvres d’artistes qui avaient visité le Canada. Durant ses études, William Hind a appris à dessiner et à peindre la réalité de la nature, et à utiliser les matériaux en ce sens. Il a aussi appris à tenir compte du fait que ses images allaient servir d’illustrations. Il avait donc une connaissance du design axé sur l’utilisation des images. Il est né en 1833, et la presse avec illustrations a été inventée en 1842. C’était la première fois que les journaux hebdomadaires étaient illustrés avec 30 à 40 images, des gravures sur bois. Cette façon d’imprimer les journaux s’est répandue comme une traînée de poudre partout dans le monde et, la première année, plus d’un million d’exemplaires du journal The Illustrated London News ont été vendus. Il s’agissait alors d’un record. La présence d’illustrations dans les journaux a permis à de nombreux artistes de travailler.
JO : Pourquoi est-il venu au Canada?
GG : Son frère habitait déjà Toronto et il enseignait à l’école normale. Il était un scientifique. Il avait étudié à Cambridge et il avait appris à connaître le continent. Il est venu enseigner au nouveau collège des enseignants Egerton Ryerson à Toronto. Egerton Ryerson a conçu le système d’éducation du Haut‑Canada, soit l’Ontario, et les cours de dessin étaient au programme. Dans l’ensemble, le dessin était important pour l’éducation : il facilitait l’étude des sciences naturelles, des mathématiques et de la géométrie. Il facilitait en outre l’apprentissage de l’écriture. Les enseignants devaient savoir dessiner pour enseigner aux enfants à l’aide de dessins, et les enfants devaient savoir dessiner afin de pouvoir comprendre les notions enseignées. Les enfants apprenaient ce qu’ils dessinaient. C’est une méthode d’enseignement et d’apprentissage que William Hind a appris à connaître. Il avait alors 18 ans. Il était adolescent lorsqu’il a immigré au Canada et qu’il a décroché un emploi. Fait intéressant, il n’était qu’un jeune homme, et il souhaitait participer au développement de la culture canadienne : jeunes enfants à l’école et enseignants adultes.
JO : Qu’est-ce qui l’a poussé à voyager?
GG : En fait, c’est son frère. Celui-ci était à la fois scientifique, géologue et aussi chimiste. Il a été embauché par le gouvernement de l’Ontario et le gouvernement du Canada afin d’explorer le Nord-Ouest, car le pays était en plein changement à l’époque. Il a quitté l’enseignement et il a accepté un poste afin d’effectuer ce travail durant l’été, et il s’est rendu dans l’Ouest. On ne sait trop pourquoi son frère ne l’a pas accompagné pour produire les illustrations. Notre recherche n’a pas permis de déterminer ce fait, mais il se peut fort bien que le gouvernement n’ait pas autorisé un artiste à accompagner l’équipe d’exploration. C’était une équipe scientifique. Il ne s’agissait pas de dessiner de belles images des lieux, mais plutôt de recueillir des renseignements valables au sujet du Nord-Ouest, qu’ils voulaient intégrer au reste du Canada, car on parlait déjà de la confédération à ce moment-là. C’était en 1857 et 1858. Nous savons que William Hind a quitté le collège des enseignants et, selon nous, il voulait se joindre à son frère. Une fois qu’il a terminé le travail, son frère, grâce à ses aptitudes, a pu réunir toute l’information dont il disposait dans une publication destinée au gouvernement. Ainsi, grâce à ce rapport, les députés ont pu se faire une bonne idée de ce qu’était le Nord-Ouest. On y retrouvait des cartes, des plans, des aperçus, des spécimens géologiques, des études sur la société : l’étude d’une société complexe dans l’ouest, notamment les Métis, les relations de la baie d’Hudson au sein de la communauté et les diverses communautés religieuses qu’on trouvait à cet endroit. Il s’agissait d’une étude très complète, et William aurait dû y participer, il aurait pu produire des dessins, mais je ne crois pas que le gouvernement l’aurait permis (ou l’aurait payé) et, ainsi, Hind a été forcé d’agir autrement pour obtenir l’information visuelle. Lorsque les membres de l’équipe sont revenus, il a remis à son frère toute l’information visuelle dont il disposait et il lui a dit : « Fais de grandes peintures », ce qu’il a fait. Ces peintures ont été présentées au gouvernement. On lui a versé 100 $ pour la création de 20 grandes images à partir des données visuelles qui lui avaient été fournies. Ainsi, il n’est jamais allé dans l’Ouest, mais il a produit la première grande exposition sur l’Ouest, à l’intention des Canadiens. Il était un artiste fort doué à bien des égards, capable de bien plus que de peindre le paysage qui l’entourait. Il pouvait résumer et réévaluer un document visuel, puis le réinterpréter.
JO : Il n’avait donc pas encore quitté Toronto?
GG : Non.
JO : Où est-il allé?
GG : Il est allé dans l’Ouest trois ou quatre ans plus tard, soit en 1862, lorsqu’un groupe de 150 immigrants de l’Est du Canada ont décidé d’aller dans l’Ouest, attirés par la découverte d’or dans la Cariboo, dans la partie centrale-sud de la Colombie-Britannique. La ruée vers l’or faisait l’objet de nombreux reportages dans les journaux et elle a attiré des personnes des quatre coins de la planète. Les gens arrivaient surtout par bateau, en provenance d’Australie, d’Europe, de Chine, de Russie et d’Amérique du Sud. Ils arrivaient à Vancouver, puis se rendaient à Victoria, d’où ils partaient après avoir réuni leur attirail. Mais ce groupe-ci de Canadiens a choisi de traverser le pays. Le périple en bateau pouvait demander jusqu’à cinq mois et était très coûteux.
JO : Oui.
GG : Par voie terrestre, le voyage durait deux mois. Les 150 immigrants sont partis de Winnipeg à bord de charrettes de la rivière Rouge et de charrettes tirées par des bœufs, ainsi qu’à cheval. Ils ont traversé les Prairies et il a dessiné chaque jour. On peut voir, dans le carnet de croquis « Overlanders », qui est conservé dans les archives, que la page 1 débute à Winnipeg et que la dernière page représente les Rocheuses.
JO : Incroyable!
GG : C’est un document remarquable que nous possédons. Il comporte des dates et, ainsi, on peut faire le voyage, un page après l’autre, avec une carte des Prairies en main. On peut savoir avec précision à quel endroit les scènes correspondent. Il montre de quelle façon le voyage a eu lieu; quels étaient leurs vêtements; quels étaient leurs loisirs; comment ils établissaient leur campement; de quelle façon ils se nourrissaient de viande de bison dans les Prairies. Il a décrit le périple à travers les régions plates des Prairies, jusqu’aux Rocheuses. Il a continué à dessiner après ça. Nous n’avons pas de carnet de croquis de la traversée des montagnes Rocheuses jusqu’à l’arrivée à Victoria, mais nous disposons de nombreux dessins et d’aquarelles et de peintures à l’huile de ce voyage. On était alors en 1862, cinq ans avant l’établissement de la Confédération, à une époque où des Canadiens de l’Est du Canada ont immigré dans l’Ouest. Le périple de ces immigrants passait par la baie d’Hudson, avec l’aide de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Pour des gens ordinaires, le fait de quitter Toronto et Montréal et de traverser les Prairies était un accomplissement incroyable. Des chansons ont été composées sur ce voyage. Certaines personnes tenaient un journal, dont nous nous servons de pair avec le carnet de croquis de William Hind; ils sont complémentaires. Il n’était pas un artiste officiel, car il ne s’agissait pas d’un projet gouvernemental et il n’y avait donc pas d’artiste officiel. Il était un artiste qui a profité de l’occasion pour voyager avec le groupe, afin de dessiner, en espérant comme à l’habitude de pouvoir publier ses images, afin de dire aux gens : « Oui, nous pouvons le faire. Nous pouvons le faire en tant que pays. Nous pouvons maintenant voyager à l’intérieur du pays, comme jamais nous l’avons fait. » Le carnet de croquis est donc remarquable. Il les a accompagnés et, en se sentant en sécurité au sein du groupe, il a pu dessiner et peindre. Il est parti de Winnipeg, il a traversé la Saskatchewan et l’Alberta, puis les montagnes Rocheuses jusqu’en Colombie-Britannique et enfin, il s’est rendu à Victoria. Il a habité Victoria pendant environ 10 ans puis il est revenu dans l’Est. Son frère était à Halifax à l’époque. Il a donc traversé le pays d’un océan à l’autre tout en peignant.
JO : Il est donc retourné en peignant?
GG : En effet. Il a traversé le pays deux fois. Ses peintures et ses dessins représentent vraiment le pays à l’époque de la Confédération, avec beaucoup de réalisme. Durant la période du voyage jusqu’à la côte du Pacifique et de son retour à l’Atlantique, la Confédération avait vu le jour. Le Canada est devenu une nation indépendante parmi les autres états indépendants du monde. Le premier historien qui a écrit à son sujet l’a appelé le peintre de la Confédération à cause de cela.
JO : Bonjour Mary Margaret.
Mary Margaret Johnston-Miller : Bonjour.
JO : Je vous remercie d’être des nôtres aujourd’hui. Pourquoi William Hind est-il important pour l’histoire du Canada?
MMJ : Je crois qu’on peut explorer plusieurs aspects. Premièrement, il y a son importance comme artiste, car il a pris part au développement des arts dans la société canadienne, et en raison de l’importance de ses aptitudes et de sa maîtrise des arts. Il est aussi important pour nous à Bibliothèque et Archives Canada, car il fournit des représentations documentaires du développement et de la progression du Canada. Plus particulièrement, à son époque, ses œuvres étaient utilisées pour concevoir des lithographies, qui illustraient différents livres dignes de mention que son frère avait publiés. Il a aussi envoyé des œuvres d’art en Angleterre et en Écosse, afin d’inciter les gens à immigrer au Canada. Il a donc eu une importance à cet égard. Même s’il n’était pas très célèbre, il a une importance, car il a produit ces illustrations et, par la suite, des générations d’historiens, de géographes et d’anthropologues ont pu tirer avantage de ses œuvres, tout comme d’autres chercheurs. Il a été une excellente source d’information sur l’exploration et le développement du Canada.
GG : William Hind voulait à tout prix parler du Canada, des caractéristiques de notre pays et de sa nature : ainsi, ses œuvres revêtaient une importance toute particulière. Il s’est toujours efforcé de dire la vérité au sujet du Canada, car ses œuvres étaient reproduites et redistribuées partout dans le monde. C’était son ambition et, donc, il faut tenir compte de cette réalité lorsqu’on admire ses œuvres. Il souhaitait décrire le Canada et non uniquement produire de belles images.
JO : Ses œuvres sont donc très réalistes, notamment les arbres et les plantes. Les paysages représentés étaient très près de la réalité.
GG : Oui. Lorsqu’on commence à examiner ses œuvres, on voit des détails qui ne se retrouvent pas dans les œuvres d’autres artistes de son époque. Il était capable de communiquer non seulement la nature d’un paysage, mais également l’ensemble de l’environnement, un terme qui n’était pas employé fréquemment à l’époque. C’est pourtant le cas. Dans ses paysages, il dessine les chasseurs dans les champs et un ciel magnifique puis, tout d’un coup, on remarque de petites fleurs à l’arrière-plan. On constate donc l’abondance de la nature.
JO : Bien.
GG : On peut voir, dans les œuvres de Paul Kane que celui-ci n’était pas nécessairement attiré par ce genre de détails. Il souhaitait plutôt créer une belle image et, ainsi, il supprimait et ajoutait des éléments, tandis que William Hind n’apportait pas de modifications de la sorte. Il dessinait ce qu’il voyait. À cette époque, la photographie prenait de l’expansion et menaçait la peinture et le dessin. La photographie d’alors avait un défaut : elle ne pouvait pas produire des images en couleur et la couleur est une des principales caractéristiques de ses œuvres; il utilisait des couleurs vives.
JO : Oui.
GG : Nous sommes très chanceux que William Hind représente sa propre expérience au Canada. Mais il avait toujours l’intention de produire des œuvres pour illustrer les livres que son frère écrirait sur le Canada. Son frère a écrit de nombreux ouvrages sur le Canada. En fait, ils voulaient rédiger une encyclopédie.
JO : Sur le Canada?
GG : Oui, sur le Canada. Cette encyclopédie devait être distribuée à l’échelle de la planète, ce qui aurait attiré des immigrants. Malheureusement, elle n’a jamais été publiée. L’encyclopédie devait renfermer des illustrations de William Hind.
JO : Oui.
GG : Lorsqu’il travaillait, il le faisait toujours avec l’intention d’illustrer des livres sur le Canada. Il l’a fait une fois, lorsque son frère a exploré la péninsule du Labrador. C’était au Québec, à l’intérieur des terres principalement. Les colonies du Québec se trouvaient sur la côte. Il était très difficile de pénétrer à l’intérieur, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Étonnamment, cette région a toujours été la dernière à être explorée. Certaines rivières, du nord jusqu’au Saguenay, avaient été explorées et cartographiées, en raison de l’industrie forestière, pendant presque 100 ans. C’est la région plus au nord, jusqu’à Sept-Îles. Personne ne s’était rendu à cet endroit sauf les Montagnais et les Naskapis, qui habitaient ces lieux depuis des milliers d’années. Bien sûr, dans le Nord, on retrouvait les Inuits. William Hind a décidé d’explorer ces terres, car elles faisaient partie de l’encyclopédie. Il devait donc explorer ces régions, tout comme il l’a fait dans l’Ouest.
JO : Comment a-t-il pu dessiner et peindre une telle quantité d’œuvres en si peu de temps?
GG : Cela n’a pas été facile. L’accès à l’intérieur du Québec était très difficile, car il fallait traverser les forêts vallonnées, et la seule façon de le faire était de naviguer sur les rivières. Ils ont donc choisi la meilleure rivière, celle qui se déversait dans un fleuve qui se jetait dans l’Atlantique, et que les Autochtones utilisaient fréquemment.
JO : D’accord.
GG : Mais les Européens ne savaient pas comment y accéder. William Hind s’est bien préparé. Il savait qu’il devait travailler rapidement, car le périple était ininterrompu. Ils ont poursuivi leur route, jour après jour, en faisant du portage. Il avait avec lui un appareil de dessin visuel appelé chambre claire, qui est un minuscule prisme par lequel on regarde et qui projette une image sur une page, qu’on peut ensuite tracer de quelques traits rapides. Il pouvait ainsi faire des dessins en un clin d’œil; et il a de cette façon griffonné plusieurs carnets de croquis, en plus de produire des aquarelles. Lorsqu’il est revenu à Toronto, dans son studio, il a transformé ces dessins en illustrations pour le livre de son frère. Lorsque le livre a été publié à Londres, un an plus tard, tout juste avant son départ pour l’Ouest, il comportait des illustrations de ses œuvres en couleur. C’est le seul livre qui a été publié par William Hind et son frère et nous l’avons; c’est donc un document remarquable. Plus tard, les chercheurs qui ont relaté l’histoire des pêcheries – autrement dit, l’histoire économique des pêcheries et leur importance pour le Canada – ont utilisé le livre de Henry. Selon eux, il s’agissait d’une des meilleures études de l’état des pêcheries à l’époque. C’était une reconnaissance de la précision de leur travail. À Toronto, il a produit environ une douzaine de peintures à l’huile et 150 aquarelles. Nous avons maintenant à peu près 30 dessins réalisés à l’aide de la chambre claire, mais je suis convaincu qu’il y en a beaucoup plus. Nous disposons des dessins qui ont résisté au passage du temps. Puis, il est allé dans l’Ouest.
JO : D’accord, il s’est donc rendu tout d’abord…
GG : Au Québec.
JO : Au Québec, puis il a réalisé les croquis « Overlanders ».
GG : Ensuite, il a eu l’occasion de se rendre dans l’Ouest.
JO : Est-ce que nous connaissons l’apparence de William Hind? Avons-nous des portraits de lui?
GG : Oh oui! Il voulait que nous sachions à quoi il ressemblait, parce qu’il a réalisé neuf autoportraits – plus que tout autre artiste du 19e siècle – et ces portraits sont magnifiques. Ils sont petits, mais ils ne sont pas datés, ce qui pose problème. Il est difficile de les classer chronologiquement, et j’ai même tenté de le faire. Je crois que nous avons réussi, mais il a produit des peintures à l’huile qui étaient non seulement des autoportraits, mais également des représentations de ses activités. Par exemple, il a fait des autoportraits à son chevalet, qui montrent sa palette et ses pinceaux. Il se présente à nous en montrant non seulement son apparence, mais aussi une des principales activités de sa vie : la peinture à l’huile. Il a aussi produit un autoportrait dans lequel on le voit faire un croquis dans la forêt. C’est un des meilleurs autoportraits, car il se représente dans un boisé à l’automne après une partie de chasse, assis sur une bûche, et on peut voir son fusil et des perdrix. Il nous regarde pendant qu’il dessine. Un autoportrait est semblable à un miroir et, ainsi, en regardant ce portrait dans la forêt, on se demande où est le miroir. C’est un autoportrait très inusité, le plus inusité de William Hind, car il est artificiel. Il s’agit d’une description parfaite de lui-même, mais le « décor » a été fabriqué de toutes pièces.
JO : D’accord.
GG : Il a dessiné le paysage, puis il s’est dessiné lui-même dans ce paysage. Cet autoportrait se trouve à la Galerie d’art de l’Ontario. L’autoportrait de William Hind qui peint sur un chevalet fait partie de la collection de Bibliothèque et Archives Canada. Dans ses autoportraits, William Hind maîtrise l’image. Il se représente comme il souhaite être perçu. Nous avons trouvé une photo qu’un de ses descendants avait en sa possession. C’est une « carte de visite » prise au studio des frères Carson à Toronto, probablement vers 1862, un peu avant son départ pour l’Ouest avec les « Overlanders ». Ses descendants ont toujours ce petit autoportrait. Cette photo est importante, car ce n’est pas lui qui l’a prise. Nous avons quelques photos prises par une autre personne; donc c’est un portrait de lui par une autre personne. C’est un élément intéressant, car on peut comparer ses propres représentations avec celles faites de lui par d’autres personnes.
JO : Est-ce que vous avez une œuvre préférée?
GG : Oui. Les Archives ont acquis une magnifique peinture à l’huile d’un paysage d’un négociant de New York. L’œuvre avait été attribuée à un autre artiste, mais nous savons qu’il s’agissait de William Hind. Le nom de l’artiste n’était pas celui de William Hind, car William Hind signait rarement ses œuvres. Nous n’avons donc pas été surpris : le nom de l’artiste était en fait celui du propriétaire précédent de la peinture et le négociant a présumé qu’il s’agissait du nom de l’artiste. Nous avons donc fait des recherches au sujet de ce propriétaire. La peinture représente un paysage de la vallée de Sussex au Nouveau-Brunswick : William Hind a vécu et est mort à Sussex. C’est sa maison, qu’on peut voir depuis le haut de la colline de la vallée de Sussex. La peinture est panoramique et sublime. On y voit vraiment l’ensemble des éléments de l’univers. Au premier plan, on peut voir des agriculteurs qui récoltent le foin et, au loin, un petit village. On voit aussi une petite église blanche à travers les arbres, qui passe presque inaperçue. Plus loin, on voit la fumée du train qui traverse la vallée; on voit donc toute la richesse du paysage. Il est recouvert de collines sur lesquelles poussent des arbres, et ainsi on peut voir les agriculteurs faire une récolte abondante sous un magnifique ciel bleu.
JO : C’est prospère.
GG : C’est prospère et invitant. Une personne vivant dans la ville de Londres qui regarde cette œuvre et qui souhaite quitter l’agitation de la vie urbaine serait convaincue que c’est le paradis. J’ai toujours qualifié cette peinture de « paradis au Nouveau-Brunswick ». Les Archives nationales ont une douzaine de peintures à l’huile de William Hind, ce qui est très rare. Il existe moins de 50 peintures, et nous en avons environ un quart d’entre elles. La collection des Archives nationales est une riche représentation de la culture visuelle du Canada, et William Hind est un élément important à cet égard.
JO : Mary Margaret, selon vous, quel a été le grand accomplissement de Hind?
MMJ : Je crois que c’est l’héritage de ses œuvres. En effet, on retrouve ses aquarelles, ses toiles et ses dessins partout au pays. Il a décrit le Québec, le Labrador, Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse, le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique. Il a véritablement couvert tout le pays. Aujourd’hui, ses œuvres se retrouvent d’un océan à l’autre, et les Canadiens peuvent les admirer et en apprendre davantage sur le développement du pays, et surtout sur cette idée du progrès, et sur tout le potentiel et les possibilités immenses offertes par le pays. Il a représenté ces notions dans ses œuvres, qu’on peut voir au musée McCord, aux Archives de la Colombie-Britannique, à l’Université McGill, aux Archives de l’Ontario, à la bibliothèque publique de Toronto, à Dalhousie dans l’Est, et partout ailleurs au pays.
JO : Ses œuvres se retrouvent donc partout au Canada?
MMJ : Oui. On les retrouve partout au pays, ce qui rend ses œuvres intéressantes : on peut les étudier et tenter de déterminer les rapports entre celles-ci.
JO : Quelles œuvres figurent dans la collection de Bibliothèque et Archives Canada?
MMJ : La collection d’archives de Bibliothèque et Archives Canada contient 149 aquarelles, peintures, imprimés et dessins. La plupart de ces œuvres se retrouvent dans la Collection William Hind et elles ont été acquises de diverses façons. Certaines œuvres proviennent de la famille de l’artiste. En 1937, nous avons acheté 15 œuvres du mari de la nièce de William Hind. D’autres œuvres proviennent de ministères du gouvernement du Canada. Par exemple, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien nous a remis certaines œuvres. Nous avons acheté des œuvres à l’encan. Enfin, nous avons acquis des œuvres d’autres membres de la famille.
JO : Ainsi, BAC a été très actif…
MMJ : Oui. Bibliothèque et Archives Canada a été très actif. Avant 1937, l’Archiviste national du Canada, M. Doughty, a acquis le carnet de croquis « Overlanders » datant de 1862. Ce furent les premières œuvres à faire partie de la collection. Puis, d’autres œuvres ont été acquises au fil des ans.
JO : Est-ce que les œuvres que BAC a en sa possession sont accessibles sur Internet?
MMJ : Oui. En fait, la grande majorité des œuvres le sont. Au total, 145 des 149 œuvres ont été numérisées et sont accessibles sur Internet.
JO : Peut-on voir le carnet « Overlanders » sur Internet?
MMJ : Oui. En fait, c’est un des projets spéciaux pour le site Web de BAC. Un fait intéressant au sujet du carnet de croquis « Overlanders », c’est qu’on peut le consulter sur Internet, une page à la fois. On peut changer de page et voir tout le carnet et les œuvres de William Hind et suivre le périple de ces hommes qui se sont rendus en Colombie-Britannique.
JO : Avez-vous autre chose à ajouter Gilbert?
GG : Les artistes qui peignent des paysages n’ont pas à représenter uniquement et exactement ce qu’ils voient. Ils peuvent ajouter un arbre, déplacer une colline, « détourner » une rivière, ajouter un canot, hisser un drapeau et ajouter des branches pour améliorer la représentation. Dans l’une de ses aquarelles importantes, William Hind ne montre que des jambes d’hommes. C’est comme si on était sur place, c’est du journalisme, un cliché. Je ne songeais pas à l’homme qui était allongé et qui se reposait. Je regardais l’homme qui se déplaçait au centre. Qu’en est-il de la périphérie? Elle est supprimée, ce qui est une technique de travail moderne propre à Manet, Monet et Degas. On composait les éléments de cette façon. Je crois que c’est une influence de la façon qu’a la photographie de regarder le monde. Ce sont des instantanés : on regarde à un endroit et c’est tout. On peut ensuite rogner, mais William Hind utilisait en fait ce cadre pour réaliser ses œuvres. Elles sont donc très modernes et on remarque et reconnaît ces éléments modernes. Si on regarde une de ses œuvres, on se dit que c’est très joli ce cheval qui boit de l’eau; puis on la regarde de plus près et on se demande pourquoi il a représenté le cheval dans cette position. Ce n’est pas par accident. On voit ensuite la structure dans la composition; c’est de la conception. Il a étudié à la School of Design. Ses compositions, surtout les peintures à l’huile, les toiles terminées, sont construites avec minutie et elles sont équilibrées. Je crois qu’elles le seront toujours.
JO : Pour en savoir plus sur le carnet de croquis « Overlanders » de William Hind, visitez notre site Web collectionscanada.gc.ca/hind. Pour consulter la collection d’œuvres d’art de Bibliothèques et Archives Canada, consultez notre site bac-lac.gc.ca. À notre page d’accueil, sélectionnez « Découvrir la collection », puis sélectionnez « Art ». Vous trouverez sur cette page des liens menant à nos bases de données et à des expositions virtuelles.
Merci d’avoir été des nôtres. Ici Jessica Ouvrard, votre animatrice. Vous écoutiez « Découvrez Bibliothèque et Archives Canada – votre fenêtre sur l’histoire, la littérature et la culture canadiennes ». Je remercie tout particulièrement nos invités, Gilbert Gignac et Mary Margaret Johnston-Miller.
Pour plus d’information sur nos balados ou si vous avez des questions, commentaires ou suggestions, veuillez nous visiter à www.bac-lac.gc.ca/balados. Sur cette page, vous pouvez également voir l’album Flickr de William Hind, qui se trouve sous des liens connexes.