Transcription de Trésors dévoilés épisode 3
Théo Martin (TM) : Bienvenue à Découvrez Bibliothèque et Archives Canada : votre histoire, votre patrimoine documentaire. Ici Théo Martin, votre animateur. Joignez-vous à nous pour découvrir les trésors que recèlent nos collections, pour en savoir plus sur nos nombreux services et pour rencontrer les gens qui acquièrent, protègent et font connaître le patrimoine documentaire du Canada.
Bienvenue à Trésors dévoilés!
Dans cette nouvelle série de balados, nous vous présenterons certains objets de la collection de Bibliothèque et Archives Canada, ou BAC. Dans chaque épisode, nous discuterons avec un employé de BAC pour mettre en lumière un élément qui, à son avis, représente un véritable « trésor » de la collection.
Il peut s’agir de pièces rares, parfois inhabituelles ou précieuses, ou d’articles ayant une importance historique. Peut-être nos experts auront-ils également une histoire intéressante, voire fascinante à vous raconter! Tous mettront certainement en valeur notre vaste et riche collection qui constitue le patrimoine documentaire partagé par tous les Canadiens.
Pour notre troisieme épisode, intitulé « Le meilleur des deux mondes », nous recevons Geneviève Morin, archiviste à BAC et ancienne animatrice du balado « Découvrez Bibliothèque et Archives Canada ».
Geneviève Morin (GM) : Bonjour, je m’appelle Geneviève Morin, je travaille comme archiviste à Bibliothèque et Archives Canada depuis 16 ans. Je fais actuellement partie de l’équipe de la Direction générale des documents gouvernementaux, et je suis spécialiste des collections artistiques produites par le gouvernement du Canada.
TM : Commençons avec la première question traditionnelle de la série Trésors dévoilés : de quel article allez-vous nous parler aujourd’hui?
GM : J’aimerais vous parler d’études botaniques réalisées à l’aquarelle par une botaniste adjointe de la Ferme expérimentale centrale, à Ottawa, qui s’appelait Faith Fyles. J’en ai retenu deux en particulier. La première montre deux vues d’une pomme de variété Scarlet Pippen; on a le fruit entier, puis une vue en coupe qui montre le milieu du fruit, avec la chair et les pépins.
La deuxième aquarelle que j’ai choisie montre une pomme de terre Garnet Chili. Cette illustration n’a peut-être pas la même élégance que la première, mais elle a tout de même quelque chose de particulier, et j’ai hâte de vous en parler!
TM : Expliquez-nous pourquoi ces articles font partie de la collection de BAC.
GM : J’ai trouvé ces aquarelles pendant que j’inventoriais une partie de la collection des œuvres gouvernementales qui n’avait pas été entièrement cataloguée. J’ai été très surprise d’apprendre que ces aquarelles faisaient partie d’une série de 79 illustrations léguées à BAC en 1989! Seulement trois d’entre elles figuraient au catalogue. En ouvrant ces boîtes, j’ai été ravie par ma découverte : un trésor comprenant toutes sortes de variétés de fruits et de légumes colorés, dont certaines sont aujourd’hui inconnues.
TM : Les 79 illustrations botaniques dont parle Geneviève ont été léguées à BAC en 1989 par le ministère de l’Agriculture. Nous avons demandé à notre experte pourquoi ces articles étaient des trésors incomparables.
GM : Ces documents sont uniques pour de nombreuses raisons. Premièrement, ils illustrent bien de quoi il est question quand on parle de la collection d’œuvres d’art documentaire de BAC. Ces deux aquarelles sont visuellement intéressantes, mais elles ont d’abord une visée scientifique. Pour constituer sa collection d’œuvres d’art, BAC privilégie toujours l’aspect informatif aux qualités esthétiques, mais ces aquarelles offrent le meilleur des deux mondes : en plus d’être belles, elles nous renseignement sur divers sujets comme l’histoire du Canada, l’agriculture dans notre pays et le travail d’une femme artiste.
Ces aquarelles sont aussi uniques parce qu’elles témoignent d’une expertise à laquelle nous ne pensons plus aujourd’hui. Elles remontent aux années 1920 (la pomme date de 1921, et la pomme de terre, de 1925). Or, on l’oublie parfois, mais la photographie couleur n’est arrivée qu’un peu plus tard.
Alors comment les scientifiques de la Ferme expérimentale pouvaient-ils communiquer des informations à propos, par exemple, des maladies menaçant une variété de pomme, de sa coloration parfaite ou de sa couleur typique? Comment pouvaient-ils transmettre des renseignements précis pour identifier une herbe ou une graine? Ils devaient demander à de talentueux aquarellistes de produire des rendus ayant une précision presque scientifique, ou plutôt, une précision rigoureusement scientifique des végétaux qu’ils étudiaient.
Lorsqu’on regarde ces aquarelles, on voit tout de suite que le gouvernement du Canada pouvait compter sur des artistes exceptionnellement doués. On se demande même, dans ce cas-ci, si Mme fyles n’a pas coupé quelques poils de son pinceau pour parvenir à tracer des lignes aussi fines. Quand on examine la surface de la pomme de terre, on voit tous ces petits plis dans la pelure fine comme du papier. On peut presque sentir la texture quand on regarde la pomme de terre, on a l’impression de pouvoir la saisir, on devine quel effet ça ferait. La peau de la pomme est rendue avec la même précision, par exemple dans les touches de rouge qui colorent la robe jaune brillant.
Il s’agit d’œuvres scientifiques, qui communiquent des renseignements exacts, mais beaucoup aimeraient les encadrer dans leur cuisine. Elles sont magnifiques!
TM : Parlons maintenant de l’artiste qui a signé ces aquarelles. Qui était Faith Fyles?
GM : BAC est très fier d’être une des premières institutions au Canada à avoir collectionné le travail d’artistes féminines. C’est grâce à cette tradition que nous possédons aujourd’hui une fantastique collection d’œuvres signées par des femmes artistes, tant amatrices que professionnelles. Faith Fyles, en tant qu’artiste professionnelle à l’emploi du gouvernement du Canada, a contribué à cette collection. Son travail nous aide aussi à mieux comprendre le rôle des femmes dans la sphère scientifique et dans la fonction publique au début du XXe siècle.
La passion de Faith Fyles pour la vie intellectuelle, l’art et la botanique l’a suivie pendant toute sa vie. Son père est un botaniste amateur. À la fin du XIXe siècle, lorsqu’elle fréquente l’Université McGill – où elle obtient un baccalauréat en arts –, elle côtoie Carrie Derick, une pionnière de la génétique et de la botanique au Canada.
Mme Fyles est aussi la première femme à occuper un poste de botaniste adjointe à la Ferme expérimentale d’Ottawa. Et ce n’est pas un petit mandat : elle est responsable du jardin botanique et de l’herbier du Dominion du Canada. Elle récolte et identifie les végétaux, donc elle étiquette tous les arbres, arbustes et vivaces du jardin. Surtout, elle mène des recherches scientifiques et publie les résultats. Elle voyage même dans l’Ouest pour ses travaux et pour récolter de nouvelles espèces.
Comme Mme fyles a aussi une formation en arts, elle prend l’initiative de réaliser des études botaniques des spécimens qu’elle cultive. Elle réalise ces études d’une précision exceptionnelle à l’aquarelle. Au début, elle s’en sert pour ses propres publications et permet à ses collègues de les utiliser. Le ministère de l’Agriculture, reconnaissant bien vite son talent, commence à illustrer ses publications officielles avec les œuvres de Mme fyles. J’étais aux anges quand j’ai trouvé une collection entière de ses aquarelles dans nos archives!
TM : En 1914, Mme fyles fait deux voyages de recherche : un premier dans l’Ouest canadien et un deuxième au Nouveau-Brunswick. Lors du premier voyage, elle prélève près de 800 spécimens d’herbes sauvages et de plantes indigènes comestibles. Les recherches réalisées pendant sa seconde expédition mènent à l’identification d’une nouvelle espèce de champignon. Ses travaux à ce sujet sont publiés dans la revue Wild Rice de 1920. La même année, elle rédige et illustre un article intitulé Principal Poisonous Plants of Canada.
GM : Malheureusement, Mme fyles est un peu victime de son talent. En 1919, la Commission de la fonction publique transforme son poste de botaniste en poste d’artiste, ce qui la prive de son titre et de ses fonctions de scientifique, tout en diminuant son salaire. Par chance, son directeur parvient à annuler cette baisse de salaire et à lui restituer certaines tâches scientifiques, mais elle ne portera plus jamais le titre de botaniste adjointe.
Sa carrière, qui dure jusqu’en 1931, se termine donc sur une note un peu amère. C’est pour cette raison que j’ai choisi de parler de ces deux aquarelles : elles symbolisent parfaitement les deux grandes inclinations de cette femme. D’abord, on a la pomme, qui est d’une grande beauté esthétique. La pomme de terre n’a pas la même délicatesse – on aurait moins envie de l’afficher dans la cuisine – mais elle évoque la ténacité, la passion et le souci du détail de Mme fyles. Elle excellait dans son domaine et tenait à ce que son travail soit bien documenté.
TM : Les illustrations botaniques de Faith Fyles sont préservées dans le fonds du ministère de l’Agriculture de BAC. La collection compte aussi des publications auxquelles elle a participé, et notre collection d’art privé comprend un de ses tableaux de paysages représentant la vallée de la Gatineau vue de Kingsmere.
GM : Comme j’ai pu faire numériser les aquarelles dont nous avons parlé aujourd’hui, elles sont accessibles à nos auditeurs. Certaines illustrations de la série ne sont pas encore cataloguées, mais vous pouvez tout de même en voir quelques-unes. Je vous invite à visiter notre site Web et à saisir les termes « Scarlet Pippen » (ça s’écrit « p-i-p-p-e-n ») et « Garnet Chili » dans l’outil Recherche dans la collection.
En terminant, je voulais vous dire qu’il y a une belle collection numérique des aquarelles de cette artiste sur le site Web du Musée des sciences et de la technologie. Ce musée possède d’ailleurs bon nombre des archives de la Ferme expérimentale.
TM : Pour voir ces deux études botaniques, vous pouvez utiliser l’outil Recherche dans la collection sur le site Web de BAC, comme le disait Geneviève, ou visiter notre page Flickr. Vous y trouverez un album intitulé Trésors dévoilés, où nous publierons à chaque épisode des photos des archives présentées. Vous trouverez un lien vers cet album dans la section Liens connexes de cet épisode.
Merci d’avoir été des nôtres. Ici Théo Martin, votre animateur. Vous écoutiez « Découvrez Bibliothèque et Archives Canada, votre fenêtre sur l’histoire, la littérature et la culture canadiennes ». Nous remercions chaleureusement notre invitée d’aujourd’hui, Geneviève Morin. Merci également à Isabel Larocque et à Sandra Nicholls pour leur contribution.
La chanson thème de ce balado est tirée de la banque Blue Dot Sessions.
Cet épisode a été conçu et réalisé par David Knox.
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