Trésors dévoilés épisode 11 – Aquarelles de Robert Hood

Coffre au trésor stylisé de couleur verte dans lequel se trouve la feuille d’érable de Bibliothèque et Archives Canada. Des rayons sortent du coffre. L’image porte le numéro 11. 

Robert Hood n'avait que 24 ans lorsqu'il participa à la première des tristement célèbres expéditions de Franklin en 1821. Hood devait effectuer des observations sur la navigation, la géographie et la météorologie, en plus de créer des dessins de la terre et de divers objets d'histoire naturelle. Malheureusement, Hood ne vivra pas assez longtemps pour voir ses peintures publiées dans le récit de Franklin. Dans cet épisode, l'archiviste de BAC, Shane McCord, nous raconte l'histoire tragique de Robert Hood et nous parle des trésors qu'il a laissés derrière lui, lesquels font maintenant partie de la collection de BAC.

Durée : 16:02

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Date de publication : 11 Mai 2023

  • Transcription de Trésors dévoilés épisode 11

    Théo Martin (TM) : Bienvenue à Découvrez Bibliothèque et Archives Canada : votre histoire, votre patrimoine documentaire. Ici Théo Martin, votre animateur. Joignez-vous à nous pour découvrir les trésors que recèlent nos collections, pour en savoir plus sur nos nombreux services et pour rencontrer les gens qui acquièrent, protègent et font connaître le patrimoine documentaire du Canada.

    Bienvenue à Trésors dévoilés!

    Dans cette série de balados, nous vous présenterons certains objets de la collection de Bibliothèque et Archives Canada, ou BAC. Dans chaque épisode, nous discuterons avec un employé de BAC pour mettre en lumière un élément qui, à son avis, représente un véritable « trésor » de la collection.

    Il peut s’agir de pièces rares, parfois inhabituelles ou précieuses, ou d’articles ayant une importance historique. Peut-être nos experts auront-ils également une histoire intéressante, voire fascinante à vous raconter! Tous mettront certainement en valeur notre vaste et riche collection qui constitue le patrimoine documentaire partagé par tous les Canadiens.

    Et maintenant, voici l’épisode 11, « Aquarelles de Robert Hood ».

    La recherche du Passage du Nord Ouest est sans doute l’un des épisodes les plus excitants de l’histoire du Canada.

    Après les guerres napoléoniennes, l’Amirauté britannique commence à chercher un passage entre les océans Atlantique et Pacifique à travers l’Arctique. L’objectif de la première expédition, dirigée par le lieutenant John Franklin, consiste à explorer et à cartographier la région entre la baie d’Hudson et la côte nord du Canada, à l’est de l’embouchure de la rivière Coppermine.

    L’officier marinier de la Marine royale britannique Robert Hood n’a que 24 ans lorsqu’il participe à une expédition terrestre, en 1821. Il est chargé de recueillir des données nautiques, géographiques et météorologiques, et de faire des illustrations du territoire et de divers éléments d’histoire naturelle. Malheureusement, Robert Hood ne vit pas assez longtemps pour voir ses peintures publiées dans le récit du lieutenant Franklin. Shane McCord, archiviste en art à Bibliothèque et Archives Canada, est venu nous parler plus longuement du sort tragique de Robert Hood et de ses trésors.

    Shane McCord (SM) : Je m’appelle Shane McCord. Je suis archiviste en art à Bibliothèque et Archives Canada et je travaille à BAC depuis environ 10 ans. J’ai commencé en 2010.

    TM : Nous avons demandé à Shane de nous parler de certains joyaux de la collection de Bibliothèque et Archives Canada.

    SM : Il s’agit de quatre peintures réalisées par Robert Hood lors d’une expédition terrestre menée par le lieutenant Franklin, de 1819 à 1822. Robert Hood est l’un des artistes qui participent à cette expédition au destin tragique. J’affectionne particulièrement ces peintures, car la grande majorité de l’œuvre de Hood a été perdue. Il meurt pendant l’expédition – nous y reviendrons –, et son cahier de dessins est perdu au cours du voyage. Heureusement, ces quatre peintures ont été expédiées en Angleterre pendant les premières étapes du voyage, alors elles sont aussi rares qu’intéressantes.

    TM : BAC possède quatre aquarelles de Robert Hood. Une d’entre elles date de mai 1821; c’est probablement la dernière œuvre de Hood qui soit parvenue jusqu’à nous. Son titre peut se traduire par Portraits des interprètes inuit de Churchill embauchés par l’expédition terrestre dans le Nord. Les trois autres aquarelles ont été produites l’année précédente, alors que l’équipe hivernait à Cumberland House.

    En janvier 1820, il peint un vison sur une berge rocheuse touchant l’eau du bout de la patte. Une autre aquarelle représente un renard croisé qui capture une souris dans la neige.

    La dernière aquarelle, la plus intéressante, est produite au cours d’une randonnée dans les collines Pasquia. Elle représente l’intérieur d’une tente crie.

    Qui est Robert Hood? Comment se retrouve-t-il dans l’expédition de sir John Franklin?

    SM : On se pose bien des questions sur de nombreux membres de l’expédition Franklin, dont Hood. Parfois, il s’agit d’être la bonne personne au bon endroit et au bon moment. Hood est un aspirant de marine, un genre d’officier de rang plutôt inférieur, dans la Marine britannique. La véritable raison pour laquelle il est choisi, c’est qu’il a profité d’un entretien d’avancement pour présenter ses journaux personnels contenant des dessins, des aquarelles et des descriptions de la vie en mer.

    C’est exactement ce que les officiers recherchent. L’appareil photo n’existe pas encore, alors on embauche des artistes pour faire des observations scientifiques. En plus, Hood possède des connaissances en cartographie et en sciences.

    TM : Robert Hood n’est pas seulement un marin. Il est également dessinateur, cartographe, scientifique, spécialiste d’histoire naturelle et anthropologue. Pendant l’expédition, il consigne les conditions météorologiques, cartographie plus de 950 kilomètres de littoral et devient le premier Européen à recenser certaines espèces d’animaux et d’insectes. Selon le professeur et docteur Clarence Stuart Houston, de l’Université de la Saskatchewan, Hood découvre également la nature électromagnétique des aurores boréales.

    Au cours de l’hiver 1821, Hood travaille sans relâche sur ses dessins, ses peintures et ses observations, au point où le manque d’exercice et d’air frais fragilise sa santé.

    En juin 1821, l’expédition se dirige vers l’embouchure de la rivière Coppermine. Les vivres se font très rares depuis un bon moment déjà…

    Shane nous en dit plus.

    SM : Plus tard, pendant le voyage de retour, tous les officiers britanniques et les voyageurs sont affamés. Hood est bien faible, mais les autres explorateurs aussi sont dans un état lamentable. Hood a du mal à respirer. Ils mangent de la tripe de roche, une sorte de lichen. Ils en tombent très malades, mais c’est tout ce qu’ils ont. C’est pendant cette expédition que les membres mangent leurs propres bottes, entre autres choses.

    TM : Tous les membres de l’expédition souffrent de malnutrition et d’épuisement. C’est dans ce contexte que sir John Franklin fait sa célèbre déclaration : « Il n’y avait pas de tripe de roche, alors nous avons bu du thé et mangé nos chaussures pour souper. »

    Dans son journal, John Richardson raconte que Robert Hood et lui commencent à soupçonner l’un des voyageurs, Michel Terohaute, d’avoir tué trois de leurs compagnons disparus et de s’éclipser du camp pour manger leurs cadavres.

    SM : Richardson, qui est parti chercher de la tripe de roche, entend un coup de feu. Il revient à la tente et découvre le cadavre de Hood. Michel prétend qu’il s’agit d’un accident, survenu alors qu’il nettoyait son fusil. Personne ne le croit, et on connaît la suite. Richardson finit par tirer sur Michel parce qu’il craint, je suppose, d’être le prochain sur la liste.

    Toute cette histoire est fascinante! Je l’ai racontée brièvement, mais on en trouve un bon résumé dans le Dictionnaire biographique du Canada, et on en parle à plusieurs autres endroits. Je vous encourage à fouiller un peu!

    TM : En 2015, BAC achète quatre aquarelles de Hood qui constituent des sources historiques exceptionnelles sur la première expédition de Franklin. Elles sont d’autant plus remarquables que les pinceaux de Hood gelaient sur le papier tellement il faisait froid. Ses dessins ont rejoint les trésors sur l’Arctique de BAC, notamment un cahier de dessins de l’artiste George Back.

    Nous avons demandé à Shane de nous raconter la première fois qu’il a vu les aquarelles, et comment elles sont arrivées à BAC.

    SM : J’en connaissais déjà quelques-unes, parce que j’avais vu des impressions faites à partir d’œuvres de Hood. Elles avaient été publiées dans les journaux de Franklin lui-même, après l’expédition. Dans ses publications, Franklin utilise souvent les œuvres de Hood. D’ailleurs, nous détenons certaines copies de ces impressions dans notre collection.

    Plusieurs des aquarelles ont cependant été perdues. Nous ne savions pas du tout où elles pouvaient être. En toute franchise, c’est le hasard qui a tout fait. Un jour, nous avons reçu l’appel d’une femme qui avait trouvé les aquarelles dans le grenier de sa grand-mère. Peu avant de mourir, cette dernière lui avait dit que ces peintures étaient vraiment importantes. Ayant vécu au Royaume-Uni, la femme avait des contacts là-bas qui lui ont recommandé de nous contacter. Voilà comment nous les avons trouvées.

    TM : Est-ce que cette femme était une descendante de Robert Hood?

    SM : Elle ne le savait pas vraiment, mais j’ai fait des recherches généalogiques poussées avec ma collègue archiviste en art, Mary Margaret Johnston Miller. Nous avons suivi toutes sortes de pistes, et il y a bien un lien de parenté.

    TM : Shane, pourquoi considérez-vous ces aquarelles de Robert Hood comme des trésors?

    SM : C’est en partie à cause de leur lien avec cette histoire épique. Ce sont des objets tangibles liés à un récit dont on parle tous, d’une certaine façon, au Canada. Pour ma part, j’ai beaucoup écouté Pierre Berton quand j’étais adolescent. Retrouver ces aquarelles m’a donc touché personnellement.

    Je trouve aussi qu’elles sont des manifestations fascinantes des efforts de colonisation de l’époque. Je crois qu’on doit mettre ces aquarelles en relation avec les journaux de Hood, et avec ceux qu’ont écrits Franklin et Back pendant la même expédition. On obtient ainsi le point de vue de trois hommes très différents. À mes yeux, Hood est le vrai scientifique du groupe, et j’y vois une certaine noblesse. Hood incarne l’objectivité à la Francis Bacon. Il veut consigner des informations sur les créatures et les animaux qu’il voit, et sur des terres qu’aucun Européen n’a vues auparavant, afin de ramener toutes ces connaissances avec lui.

    L’image du renard croisé est probablement ma préférée. C’est une scène dramatique d’un renard en train de capturer une souris en posant la patte dessus. Elles sont toutes réalisées à Cumberland House, au début de l’expédition, malgré les grands froids de l’hiver. Je me répète un peu, mais ce sont de tels détails qui rendent les choses passionnantes.

    C’était un hiver extrêmement froid à Cumberland House, et Hood explique dans son journal que ses doigts gèlent sur la partie métallique de son pinceau, celle qui retient les soies. Puis, le pinceau gèle lui aussi sur le papier. Peindre dans ces conditions est très difficile. Et ces peintures sont faites au nom de la science, ce qui les rend très intéressantes à mes yeux. On considère souvent que les artistes sont là pour exprimer des émotions ou leur for intérieur, mais ce n’est pas vraiment le cas ici. Ces peintures consignent des informations, augmentent le bassin de connaissances et exportent le savoir sur l’Amérique du Nord dans le reste du monde.

    TM : Ces quatre dessins fournissent de l’information importante sur la région de Cumberland House, qui se trouve dans le nord de la Saskatchewan actuelle. Ils sont également fascinants en tant qu’artéfacts ayant survécu à une aventure tragique. Les expéditions de Franklin font partie intégrante de l’histoire de la création du Canada en tant que nation. Les aspects tragiques de la première de ces expéditions, surtout, en ont fait l’un des épisodes les plus connus de l’histoire de l’Arctique.

    Pour voir ces aquarelles, entrez « Robert Hood » dans l’outil en ligne de BAC Recherche dans la collection, ou consultez le compte Flickr de BAC. Vous y trouverez un album intitulé Trésors dévoilés. L’album sera mis à jour à chaque épisode, ce qui vous permettra de découvrir les trésors que nous mettrons en valeur. Un lien vers l’album Flickr se trouve dans la section Liens connexes de cet épisode.

    Merci d’avoir été des nôtres. Ici Théo Martin, votre animateur. Vous écoutiez « Découvrez Bibliothèque et Archives Canada – votre fenêtre sur l’histoire, la littérature et la culture canadiennes ». Nous remercions chaleureusement notre invité d’aujourd’hui, Shane McCord. Merci également à Isabel Larocque pour sa contribution.

    La musique de cet épisode est tirée de la banque Blue Dot Sessions.

    Cet épisode a été conçu, réalisé et monté par David Knox, avec un montage supplémentaire et une conception sonore de Tom Thompson.

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Animateur : Théo Martin, Archiviste, Archives des arts de la scène

Invité : Shane McCord, Archiviste principal, Direction générale des Archives privées et du Patrimoine publié (anciennement archiviste d'art)

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