Transcription de Trésors dévoilés épisode 1
Théo Martin (TM) : Bienvenue à Découvrez Bibliothèque et Archives Canada : votre histoire, votre patrimoine documentaire. Ici Théo Martin, votre animateur. Joignez-vous à nous pour découvrir les trésors que recèlent nos collections, pour en savoir plus sur nos nombreux services et pour rencontrer les gens qui acquièrent, protègent et font connaître le patrimoine documentaire du Canada.
Bienvenue à Trésors dévoilés!
Dans cette nouvelle série de balados, nous vous présenterons certains objets de la collection de Bibliothèque et Archives Canada (BAC). Dans chaque épisode, nous discuterons avec un employé de BAC qui mettra en lumière un élément qui, à son avis, représente un véritable « trésor » dans notre collection.
Il peut s’agir de pièces rares, parfois inhabituelles ou précieuses, ou d’articles ayant une importance historique. Peut-être nos experts auront-ils également une histoire intéressante, voire fascinante à vous raconter! Tous mettront certainement en valeur notre vaste et riche collection qui constitue le patrimoine documentaire partagé par tous les Canadiens.
Pour ce premier épisode, intitulé « Le lait et l’argent du lait », nous recevons Emily MacDonald, archiviste à BAC.
Mais avant de l’accueillir, j’aimerais donner quelques renseignements sur BAC pour placer ce premier épisode et l’ensemble de cette série dans leur contexte.
Bibliothèque et Archives Canada est une institution fédérale responsable de l’acquisition, de la préservation et de l’accessibilité du patrimoine documentaire du Canada. Sa collection, qui arrive au quatrième rang mondial en matière de taille, témoigne de toute l’histoire du pays et de son peuple. Elle contient des documents en tous genres ayant de la valeur pour le Canada, qu’ils aient été créés ici ou à l’étranger.
Peu de gens savent que la collection de BAC a été créée en 1872 dans le cadre d’un programme de collecte des archives publiques du ministère de l’Agriculture. En 1912, ce programme devient un organisme autonome qui prend le nom d’Archives publiques du Canada, une entité rebaptisée Archives nationales du Canada en 1987. En 2004, ses collections, ses services et son personnel sont fusionnés avec ceux de la Bibliothèque nationale du Canada, fondée en 1953. Cette fusion donne naissance à Bibliothèque et Archives Canada.
Sir Arthur George Doughty, archiviste du Dominion de 1904 à 1935, considère les archives comme une ressource historique essentielle pour le peuple canadien. Pour lui, le travail de l’archiviste consiste à recueillir tous les documents, quel qu’en soit le support, et à fournir des services aux historiens et au grand public.
Une de ses déclarations les plus citées décrit l’importance pour un pays de bien conserver des archives nationales exhaustives :
« De toutes les richesses d’une nation, les archives sont les plus précieuses. Le soin porté à ce cadeau légué de génération en génération reflète notre égard envers notre propre civilisation. En général, un document est rarement utile au-delà de sa réception et de son utilisation première. Par contre, une fois que tout lien avec une époque donnée est dissolu, les archives acquièrent une importance surprenante puisqu’elles donnent une voix aux disparus. » [Traduction]
Dans cette série (comme dans beaucoup de nos épisodes, d’ailleurs), vous entendrez souvent le terme « fonds ». Un fonds ressemble à une collection, car il s’agit dans les deux cas de regroupements de documents. La différence réside dans la manière dont on les rassemble. Dans une collection, on regroupe intentionnellement des éléments qui partagent certaines caractéristiques : ils ont appartenu à une même personne, sont associés à un thème particulier ou sont tous de même nature, par exemple des timbres. Un fonds, à l’inverse, se forme plutôt de façon organique. On y trouve des documents et des archives de divers types, créés ou accumulés sans intention particulière pendant une période donnée (comme la vie ou la carrière d’une personne), que ce soit par un particulier, une organisation ou une institution.
Emily MacDonald (EM) : Bonjour, je m’appelle Emily MacDonald, et je suis archiviste principale à Bibliothèque et Archives Canada depuis 6 ans.
TM : Bonjour, Emily! Pouvez-vous nous parler du trésor que vous avez choisi?
EM : Il s’agit d’un document tiré du fonds des Archives nationales, l’entité qui gérait les archives canadiennes avant la fusion de 2004 ayant mené à la création de Bibliothèque et Archives Canada.
Ce document date de 1908. Il provient d’un livre de copies de lettres qui appartenait à Arthur Doughty, l’archiviste du Dominion. Avant l’arrivée de méthodes de copie efficaces, les gens utilisaient souvent ce type de livres pour conserver la trace ou les copies de lettres qu’ils avaient rédigées. Le document dont je vous parle aujourd’hui est une lettre qu’Arthur Doughty a envoyée à son supérieur, le sous-ministre de l’Agriculture.
Dans cette lettre, M. Doughty parle d’achats qu’il a faits. Ces dépenses sont pour le moins inhabituelles dans ce genre d’archives : il demande à être remboursé pour l’achat de plusieurs pintes de lait. Mais pourquoi? Il explique que des bâtiments voisins de celui des archives publiques ont récemment été détruits, et que les souris qui y vivaient se sont réfugiées aux archives. Pour éviter que ces souris ne détruisent les documents et les livres de la collection, il a eu recours à des chats. Et il faut du lait pour les nourrir! M. Doughty semble conscient du caractère insolite de sa demande : dans sa conclusion, il convient qu’une telle demande pourrait susciter son lot de commentaires si elle venait à s’ébruiter.
TM : Comment cette lettre est-elle sortie de l’ombre? Comment l’avez-vous découverte?
EM : En fait, ce sont des collègues qui sont tombés dessus. Cette lettre semble assez populaire, car un de mes collègues l’a même affichée dans son cubicule! On peut la lire en passant, vous voyez l’idée. La lettre intéresse les gens... ce qui n’est pas si surprenant quand on sait à quel point les chats sont populaires!
TM : Sir Arthur Doughty, archiviste et historien, est né le 22 mars 1860 à Maidenhead, en Angleterre. Il fait ses études dans ce pays, puis immigre au Canada en 1886. Il travaille pendant quelques années comme journaliste et dans la fonction publique québécoise, où il occupe le poste de cobibliothécaire à la bibliothèque de la législature. En 1904, il devient archiviste du Dominion, succédant à Douglas Brymner.
Le fonds Arthur George Doughty, conservé à BAC, comprend des documents textuels, plus de 900 photographies et de 50 aquarelles, ainsi que plusieurs médailles, dont la médaille Flavelle, décernée par la Société royale du Canada, et celle du Chevalier Commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique.
En 1908, M. Doughty découvre que plusieurs documents d’archives ont été endommagés par des rongeurs. Il juge que cette situation a assez duré et amène trois chats pour régler le problème. Évidemment, pour que les chats restent, il doit les nourrir! C’est pour cette raison qu’il écrit au sous-ministre de l’Agriculture, George F. O’Halloran.
Est-ce qu’on sait s’il a eu une réponse à sa demande de remboursement?
EM : C’est là le problème des lettres archivées : nous n’avons parfois qu’un des deux côtés de l’histoire. D’après ce que je sais, il n’a pas reçu de réponse, mais je n’ai pas mené de recherches poussées à ce sujet. Si je me souviens bien, il dit dans sa lettre qu’il est disposé à payer lui-même, mais qu’il pose la question au cas où.
Ce qui est assez intéressant, c’est que l’on comprend qu’il veut dire : « Bon, je sais que vous ne pourrez peut-être pas me rembourser, mais j’ai payé ce lait. Je suis prêt à payer, mais j’aimerais mieux être remboursé si possible. » Ça pique notre curiosité!
TM : Vous brûlez sûrement d’envie de connaître le contenu exact de cette missive. Voici donc la traduction du texte intégral de la lettre envoyée en décembre 1908 à M. George F. O’Halloran, sous-ministre de l’Agriculture.
Narration :
Cher Monsieur O’Halloran,
Depuis que les maisons en face des Archives ont été démolies, l’édifice est envahi par les souris, et souvent, le matin, nous avons constaté que des livres avaient été détruits, et que des feuilles de papier avaient été grugées sur les bords. Comme le problème semblait grave et que je n’avais toujours pas reçu les chats que j’attendais, j’ai demandé au garçon d’en apporter trois aux Archives. Cela semble avoir fonctionné; toutefois, il a fallu nourrir les chats, et depuis un certain temps déjà je leur donne une pinte de lait tous les matins. L’homme m’a apporté aujourd’hui la facture ci-jointe, que j’ai payée; je suppose que nous devrons continuer à acheter du lait pendant quelque temps, jusqu’à ce que nous soyons certains qu’il n’y a plus de souris. Je ne doute pas qu’une telle facture risque de susciter des commentaires, et peu m’importe que je sois remboursé ou non. Quoi qu’il en soit, je pense avoir simplement fait mon devoir pour nous débarrasser des souris.
Cordialement vôtre,
A. G. Doughty
Archiviste du Dominion
TM : Emily, pourriez-vous nous dire pourquoi cette lettre d’Arthur Doughty est un trésor à vos yeux?
EM : Pour moi, cette lettre est spéciale parce qu’elle démontre bien que certaines choses ne changent pas, même en un siècle. Aussi étrange que ça puisse paraître, je vois un lien entre notre travail actuel et le problème qu’a connu M. Doughty. Évidemment, nous n’avons plus besoin de nourrir des chats pour assurer la préservation de nos documents, mais nous avons tout de même du travail à faire pour les protéger. Heureusement, nous pouvons compter sur des systèmes et des processus de préservation très sophistiqués, sur des installations de pointe, et sur une équipe dévouée qui veille à ce que nos archives demeurent accessibles à tous au fil du temps.
TM : Pour en savoir plus sur nos édifices à la fine pointe de la technologie, écoutez notre balado et lisez nos billets de blogue portant sur le Centre de préservation à Gatineau. Vous pouvez aussi prendre connaissance des dernières nouvelles sur les travaux de construction de notre plus récente installation de préservation. Pour voir des images de la lettre d’Arthur Doughty et même du bâtiment d’archives original de la promenade Sussex, à Ottawa, rendez-vous sur la page Flickr de BAC : vous y trouverez un album intitulé
Trésors dévoilés. À chaque épisode, nous y publierons des photos des archives présentées. Vous trouverez un lien vers cet album dans la section
Liens connexes de cet épisode.
Merci d’avoir été des nôtres. Ici Théo Martin, votre animateur. Vous écoutiez « Découvrez Bibliothèque et Archives Canada – votre fenêtre sur l’histoire, la littérature et la culture canadiennes. » Nous remercions chaleureusement notre invitée d’aujourd’hui, Emily MacDonald. Merci également à Isabel Larocque pour sa contribution à cet épisode.
La chanson thème de ce balado est tirée de la banque Blue Dot Sessions.
Cet épisode a été produit et conçu par David Knox.
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