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Très peu de choses contribuent autant à définir notre identité canadienne que notre passion pour le hockey — le roi des sports d’hiver au Canada. Si l’attention du public est souvent rivée sur la Ligue nationale, l’engouement pour la simple pratique du hockey est encore très vif. Il n’y a qu’à voir la quantité de patinoires qui occupent nos arrière-cours et le nombre croissant de parties de hockey qui s’organisent spontanément dans les rues et ruelles du pays.
Dans cet épisode, je vais m’entretenir avec l’auteur et spécialiste du hockey, Paul Kitchen, qui nous parlera des origines du hockey, de son évolution, et de ce que cette passion pour le hockey nous révèle à propos du caractère des Canadiens. Paul nous parlera de la mine d’informations sur le hockey que possède Bibliothèque et Archives Canada, et nous dira à quel point ces ressources ont été essentielles à ses écrits et à son travail à la Société internationale de recherche sur le hockey.
Bonjour Paul, merci d’avoir accepté notre invitation.
Paul Kitchen : C’est moi qui vous remercie.
AA : Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser au hockey?
PK : Je ne sais pas trop; je crois que c’est venu tout naturellement. J’ai grandi à Ottawa. Les hivers étaient rigoureux. Pour moi, l’hiver, c’est l’aventure; j’aimais beaucoup jouer dehors quand j’étais enfant. Et dehors, il y a la glace et la neige; ça vous donne juste envie de chausser vos patins. Il y avait une école avec une patinoire à un coin de rue de chez moi; j’allais souvent patiner à cet endroit. Ensuite, j’ai fait partie de l’équipe de mon école, mais les hivers étaient beaucoup plus rudes dans ce temps-là. La rivière se couvrait de glace très tôt dans la saison. Nous pouvions y jouer toute la journée, et c’est ce que nous faisions. J’imagine que c’est ce qui m’a donné le goût du hockey.
AA : Et ensuite, vous vous êtes intéressé à l’histoire du hockey, à ses origines, à des sujets comme cela?
PK : Oui. Je me suis toujours intéressé aux joueurs, aux arénas, aux équipes. Nous écoutions les parties de hockey à la radio et nous essayions d’imaginer de quoi avaient l’air les joueurs. Il n’y avait pas de télévision dans ce temps-là; c’est seulement dans le journal qu’on pouvait voir la photo d’un joueur, à l’occasion. Alors je m’intéressais à tout cela, mais j’ai vraiment commencé à faire des recherches historiques quand les Sénateurs d’Ottawa sont revenus en 1992. Les journaux ont publié quelques articles sur l’emplacement des anciennes patinoires et j’ai constaté qu’il y avait des erreurs, alors j’ai étudié la question. Dans mon premier article, j’ai identifié les patinoires où les anciens Silver Sevens d’Ottawa avaient joué; c’est comme ça que tout a commencé.
AA : Je comprends que vous avez beaucoup écrit sur le hockey; tout récemment, vous avez publié un livre pour lequel vous avez fait de nombreuses recherches à Bibliothèque et Archives Canada. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire à propos des documents que vous avez consultés? Qu’est-ce que vous cherchiez en particulier? Qu’est-ce que nous avons qui vous intéressait?
PK : Eh bien, j’ai fait pas mal de travaux pour des périodiques et pour l’encyclopédie officielle de la Ligue nationale de hockey. J’ai aussi écrit un livre sur l’histoire des Sénateurs d’Ottawa. Ce livre a été publié par les éditions Penumbra Press, dans la série Canadian Archives of Culture and Heritage, ce qui me plaît beaucoup parce que l’idée de ce livre n’était pas de présenter uniquement des faits et des chiffres pour savoir qui a marqué tel but ou quelle équipe a gagné, mais bien de replacer le sport dans son contexte historique, de restituer en quelque sorte l’esprit de l’époque. C’est ce que je voulais faire. Pour ce qui est de Bibliothèque et Archives Canada, je dirais qu’environ 90 pour cent des documents que j’ai rassemblés proviennent d’ici, de cette institution.
AA : Vraiment? Quatre-vingt-dix pour cent?
PK : N’oubliez pas que les journaux sont une source d’information très importante sur le hockey parce qu’on y publiait des comptes rendus de parties. Ces comptes rendus étaient rédigés par des observateurs qui assistaient aux rencontres; on peut dire que c’est de l’information de première main. J’ai aussi consulté toutes sortes d’autres documents d’archives, notamment des documents gouvernementaux. La collection P. D. Ross, par exemple, m’a été très utile. Philip Dansken Ross était un homme très en vue. Il a été l’éditeur du Ottawa Journal depuis les années 1890 jusqu’au milieu du 20e siècle. Il a aussi été le premier fiduciaire de la coupe Stanley; avant cela, il avait joué pour le Club de hockey d’Ottawa. Tous ses documents sont conservés ici aux Archives, quelque chose comme six ou sept boîtes incluant son journal personnel, un journal qu’il a tenu minutieusement chaque jour, année après année. Il y a aussi des documents très importants concernant la première coupe Stanley et les autres activités qu’il a menées en lien avec le hockey.
AA : Tout cela nous donne vraiment une bonne idée de ce qui se passait à l’époque.
PK : Il y a un autre personnage : Thomas D. Green. C’était un autochtone de Brantford, en Ontario, un membre des Six Nations. Il a étudié au Collège McGill, aujourd’hui l’Université McGill, au début des années 1880. Il a obtenu un baccalauréat en sciences appliquées, ce qui correspondrait aujourd’hui à un diplôme d’ingénieur. Il n’y a eu que sept diplômés cette année-là. Green a cherché du travail à Ottawa, mais il était refusé partout; à cette époque, il y avait beaucoup de discrimination raciale. Si vous consultez les dossiers d’emploi du gouvernement et que vous cherchez sous Thomas D. Green, vous y découvrirez une véritable mine de renseignements. Si je vous raconte cela, c’est parce que Thomas D. Green faisait partie du Club de hockey d’Ottawa qui a été formé en 1883 et qui a joué sa première partie à Montréal en 1884 durant le Carnaval d’hiver. Green a souffert de discrimination professionnelle, mais pas en tant que joueur de hockey. Il était le capitaine de son équipe. Lorsque deux ans plus tard, la première ligue de hockey au monde a été mise sur pied, il représentait son club à la réunion de Montréal. C’est lui qui a été élu président de cette première ligue. C’est ce genre d’information qu’on trouve dans les documents gouvernementaux à Bibliothèque et Archives Canada.
AA : Bibliothèque et Archives Canada a un site Web portant sur le hockey, intitulé « Regard sur le hockey ». Vous étiez le conservateur pour ce site Web; qu’est-ce que les Canadiens peuvent apprendre sur le hockey en consultant ce site?
PK : D’abord, je dois dire que c’était un projet formidable. Ce que l’institution a fait, c’est qu’elle a reconnu que le hockey était un véritable sujet de recherche historique et démontré comment le hockey pouvait être mis en relation avec les conditions de l’époque, ce que les gens faisaient de leurs temps de loisir alors que les journées de travail étaient très longues, ce genre de choses. Ce projet nous a donné l’occasion d’intégrer l’histoire du hockey dans l’histoire plus générale de la société. Nous avons utilisé des comptes rendus de journaux, la collection photographique ici aux Archives et les collections de manuscrits. Je pense que toute personne qui visite ce site aura une très bonne idée de ce que le hockey a signifié pour les gens au cours des ans. Il y a une petite histoire vraiment extraordinaire par rapport à cela. Je peux la raconter?
AA : Mais bien sûr.
PK : La fameuse Série du siècle entre le Canada et la Russie a eu lieu en 1972, au Canada et en Union soviétique. Quand nous préparions le site Web, il y a environ dix ans, j’ai consulté les archives de Hockey Canada ici et j’ai trouvé pas mal de renseignements sur la formation de l’équipe canadienne. Il y a eu une grosse controverse à l’époque parce que Bobby Hull, un joueur étoile de la LNH, n’était pas autorisé à jouer. En dépouillant les documents ici, nous avons découvert une lettre toute simple, écrite en 1972 par un jeune garçon de huit ans, Alan Johnston. La lettre avait été envoyée à Hockey Canada. Dans sa lettre, le garçon recommandait que Bobby Hull soit autorisé à jouer pour l’équipe canadienne contre les Russes. Merci beaucoup. Signé Alan Johnston, Powell River, Colombie-Britannique, 1972. Nous voulions absolument publier cette lettre sur le site Web. Elle est formidable. Les petits génies qui travaillent ici aux Archives ont réussi à retracer sa mère en Colombie-Britannique. Elle nous a mis en contact avec son fils qui avait 48 ans à l’époque. Il a accepté que sa lettre soit publiée sur le site. C’est ce que nous avons fait; il a 58 ans maintenant et il est immortalisé.
AA : C’est fantastique.
PK : C’est ce genre de petite anecdote qui donne un brin de fantaisie au site.
AA : Quand les gens ont-ils commencé à jouer au hockey?
PK : Bien, ils ont commencé dans des temps immémoriaux… ou alors en mars 1875, tout dépend comment vous définissez le hockey. Différentes versions de ce sport ont été pratiquées dans tous les pays nordiques depuis des centaines d’années. Ce n’était pas le hockey tel qu’on le connaît aujourd’hui avec des règlements et tout, mais simplement des garçons, des hommes, des femmes qui patinaient sur la glace, avec un bâton pour pousser une balle ou un bloc de bois. Si vous voyez les choses de cette manière, il n’y a aucun moyen de savoir quand le hockey a commencé. Par contre, si vous considérez le hockey comme un sport bien structuré, avec un règlement et des équipes, il est possible de fixer une date et un lieu, soit le 3 mars 1875 au Victoria Skating Rink à Montréal. Ce jour-là, deux équipes ont joué ce qui est considéré comme la toute première partie de hockey. Les équipes étaient bien identifiées, le résultat a été dument enregistré et il y avait quelques règles de base qui ont été respectées. D’autres parties ont suivi, ainsi que des règles codifiées. On peut dire que cette rencontre a réellement marqué le début du hockey tel que nous le connaissons aujourd’hui.
AA : Est-ce que nous savons de quoi avait l’air cette partie? Si nous avions été là pour la voir?
PK : À quoi elle ressemblait? Eh bien, il y avait neuf joueurs dans une équipe et huit dans l’autre. Ils ont joué dans un aréna, le Victoria Skating Rink, sur de la glace naturelle; c’était froid. Il n’y avait pas de bandes, rien pour clôturer la patinoire; il y avait simplement une plateforme surélevée. Il n’y avait pas de filets comme nous les connaissons aujourd’hui, seulement deux poteaux piqués dans la glace. La rondelle était constituée d’un morceau de bois plat. Avant, les gens se servaient d’une balle, mais les balles avaient tendance à s’envoler dans les airs et à heurter les spectateurs. Quelqu’un a pensé qu’en prenant un morceau de bois plat, il ne s’envolerait pas; alors voilà à quoi ça ressemblait. Les joueurs n’avaient pas d’uniforme, pas de protections, rien de tout cela. Leurs patins étaient plutôt rudimentaires; les lames n’étaient pas fixées en permanence aux bottes. Les lames étaient attachées à l’aide d’une courroie à n’importe quelle botte d’hiver que vous aviez aux pieds. C’est à peu près à cela que ressemblait cette première partie de hockey.
AA : Quelle est la différence entre le hockey libre et le hockey organisé?
PK : Je dirais que le hockey libre, c’est ce qui est le plus amusant dans le hockey. Ça rappelle vraiment de bons souvenirs. C’est tout simplement avoir du plaisir sans aucune organisation, tout le monde peut participer. La partie peut commencer à huit heures du matin n’importe où, sur la rivière ou sur une petite patinoire. Quand les joueurs arrivent, ils se joignent à l’une ou l’autre équipe. L’idée est toujours la même : il suffit d’avoir des patins, un bâton et une rondelle. Et d’essayer de mettre la rondelle dans le but de l’équipe adverse. C’est juste du plaisir sans organisation, on peut même dire que c’est complètement désorganisé.
AA : En fait, c’est le hockey de ruelle qu’on voit partout au Canada.
PK : C’est bien cela, le typique hockey de ruelle. Mais ensuite, vous avez la version plus officielle, avec des équipes et un règlement. Aujourd’hui, le hockey est passablement différent de ce qu’il était autrefois.
AA : De quelle manière a-t-il changé au fil des ans?
PK : Eh bien, il a changé à plusieurs points de vue. Les règlements ont été codifiés et enrichis à mesure que les techniques de jeu des hockeyeurs se sont perfectionnées. Les patins se sont améliorés. John Forbes était un machiniste de Halifax; il a inventé ce qu’il a appelé le patin à ressort Acme et l’a fait breveter en 1866 par le Nova Scotia Patent Office. C’était des patins qui étaient fixés à votre botte; il y avait une manette de verrouillage. Au début, tout le monde utilisait ce genre de patins. Maintenant, regardez ce que nous avons aujourd’hui, des patins à la fine pointe de la technologie. En ce qui concerne l’équipement, il y a eu des progrès énormes. Les surfaces de glace sont de bien meilleure qualité qu’autrefois. La glace artificielle est habituellement plus dure que la glace naturelle et grâce aux Zambonis, la surface peut être maintenue en très bon état. L’équipement a évolué. Autrefois, les joueurs portaient des chandails de laine assez lourds; à mesure que la partie avançait, ils transpiraient de plus en plus, en particulier quand la rencontre avait lieu à l’intérieur.
AA : C’est ce que j’allais dire; ils devaient beaucoup transpirer.
PK : En effet, les chandails devenaient lourds et humides. Un soir, Buck Boucher jouait au Madison Square Garden avec les Sénateurs d’Ottawa. Après la rencontre, il s’est plaint au propriétaire du Garden, le meilleur aréna au monde, qu’il faisait trop chaud là-dedans. Le propriétaire avait maintenu la température à plus de 15°C parce qu’il avait des partisans de la haute société…
AA : J’allais dire des invités.
PK : À l’époque, le hockey était plutôt un sport d’élite et on voulait que la patinoire soit à une température confortable. Buck Boucher s’est plaint au propriétaire en lui disant qu’il avait pesé son équipement avant et après la partie. Après, il pesait trois livres de plus.
AA : Ça m’étonne qu’il n’ait pas tout simplement enlevé son chandail sur place. Pouvez-vous nous parler des débuts de la Ligue nationale de hockey?
PK : La Ligue nationale de hockey a été créée à l’hôtel Windsor de Montréal le 26 novembre 1917. Elle succédait à l’Association nationale de hockey, qui était aussi une ligue professionnelle. Il y avait eu des conflits avec un des propriétaires de l’Association, à tel point que les autres propriétaires ont dissout la ligue et expulsé celui qui leur causait des problèmes; ensuite, ils ont mis sur pied cette nouvelle association, la Ligne nationale de hockey. La première partie… enfin, les deux premières qui ont été jouées dans la Ligue nationale l’ont été à Montréal et à Ottawa. Le 19 décembre 2012 marque le 95e anniversaire de la première partie de hockey de la Ligue nationale. Ce soir-là, les Canadiens de Montréal affrontaient les Sénateurs d’Ottawa à l’ancien aréna Dey au centre-ville d’Ottawa, pendant qu’une autre équipe de Montréal croisait le fer avec les Arenas de Toronto à Montréal. La rencontre qui avait lieu à Ottawa a créé une certaine controverse parce que plusieurs des joueurs d’Ottawa ont refusé de venir sur la glace pour commencer la partie. C’était la première rencontre de la nouvelle ligue et les joueurs avaient signé des contrats pour un calendrier de 22 parties, alors que le calendrier adopté en comptait 24. Les joueurs voulaient que cette modification soit ajoutée à leur contrat avant de sortir sur la glace. Finalement, ils se sont pointés à la mi-temps de la partie, mais l’équipe de Montréal a gagné 7 à 4. Ce n’était pas un très bon départ pour les Sénateurs d’Ottawa. C’est comme cela que la Ligue nationale de hockey a commencé. Au début, il n’y avait que quatre équipes, mais avec le temps, comme nous le savons, elle a pris de l’expansion. La Ligue a intégré des équipes américaines en 1924-1925 et elle compte maintenant 30 équipes.
AA : Quelle différence voyez-vous entre la Ligne nationale de hockey à ses débuts et celle que nous avons aujourd’hui?
PK : Je pense qu’il n’y a vraiment aucune comparaison. Au début, il n’y a pas de doute, les joueurs étaient de merveilleux athlètes, ils étaient bourrés de talent, mais par rapport au type de jeu qui se pratique aujourd’hui, ils étaient handicapés par leur équipement. Les patins avaient habituellement des lames très longues, ça les rendait lourds et moins maniables, ce qui fait que les joueurs évoluaient avec beaucoup moins d’aisance que ceux d’aujourd’hui, avec leurs patins légers et leurs lames recourbées. Maintenant, la plupart des joueurs de la Ligue nationale de hockey utilisent cinq ou six paires de patins durant une saison, alors qu’à l’époque, un joueur pouvait porter les mêmes patins pendant deux, trois ou quatre ans. Il y a une très grosse différence entre l’équipement de ce temps-là et l’équipement actuel.
AA : Ce sont les progrès techniques dans le hockey qui ont fait la différence.
PK : À part cela, le hockey professionnel est devenu une si grosse entreprise commerciale que les joueurs demandent des salaires énormes; mais en retour, on exige davantage d’eux dans leur contrat et leur préparation au jeu. Autrefois, le camp d’entraînement, c’était l’endroit où les joueurs se mettaient en forme. Aujourd’hui, quand vous arrivez au camp d’entraînement, on s’attend à ce que vous soyez déjà en forme et là vous devez vous battre pour votre emploi contre d’autres gars qui sont aussi dans une forme incroyable. Vous avez des programmes d’entraînement qui n’existaient pas à l’époque. C’est une autre différence importante entre le hockey d’aujourd’hui et celui qui se pratiquait dans le temps.
AA : Bibliothèque et Archives Canada possède un livre très rare intitulé Canada’s Royal Winter Game, qui a été numérisé et mis en ligne. Racontez-nous l’histoire de ce livre.
PK : Arthur Farrell était un joueur de hockey qui évoluait avec les Shamrocks de Montréal. L’équipe a gagné la coupe Stanley en 1899, je crois. C’était un vrai passionné de hockey; à l’âge de 22 ans, il a écrit ce livre, Canada’s Royal Winter Game. C’est un livre extraordinaire. Il explique en détail toutes les positions au hockey et comment elles devaient être jouées; il parle des ligues, des règles du jeu, ce genre de choses. L’ouvrage a été publié en 1899. Arthur Farrell est décédé 10 ans plus tard de la tuberculose, à l’âge de 32 ans. Le livre n’a pas eu une très large diffusion; il n’en existe pratiquement plus aucun exemplaire au Canada. Il y avait quelqu’un à Montréal qui possédait un exemplaire, cette personne l’a donné à un journaliste sportif. Le journaliste a contacté le premier ministre en cherchant un endroit où conserver ce livre. L’organisation dont je fais partie, la Société internationale de recherche sur le hockey, s’est intéressée à la question et nous avons recommandé aux Archives d’acquérir cet ouvrage; nous pensions que ce serait sans doute un bon endroit pour le conserver. Les Archives ont contacté le propriétaire du livre, ainsi que le premier ministre, parce que le livre lui avait été prêté par le propriétaire. Par la suite, les spécialistes des Archives ont restauré l’objet, qui était en assez mauvaise condition; ils en ont fait deux facsimilés et ont numérisé l’original. La version numérisée a été mise en ligne; tout le monde peut la consulter. Les facsimilés ont été emballés avec goût, c’est remarquablement bien fait. Un de ces facsimilés a été offert au premier ministre, l’autre a été gardé ici aux Archives. L’original a été retourné à Montréal; il est conservé à la Bibliothèque de l’université Concordia dans la collection Irish Studies. Comme le premier ministre est aussi membre de la Société internationale de recherche sur le hockey, lorsqu’il a reçu son facsimilé, il l’a remis à notre organisation, et depuis, nous le conservons dans nos archives. Tout le monde sort gagnant de cette histoire.
AA : En effet. Quel genre de travail cette société fait-elle?
PK : La Société internationale de recherche sur le hockey a été fondée à Kingston il y a 20 ans. Ses membres sont des historiens du hockey, des chercheurs, quelques journalistes et d’autres personnes qui ont un intérêt pour ce sport. Nous avons à peu près 500 membres à l’heure actuelle. La majorité des membres réside au Canada, mais il y en a plusieurs qui vivent aux États-Unis et dans d’autres pays : Suède, Finlande, Allemagne, France, Grande-Bretagne. Nous avons même un membre en Australie et deux au Japon. La Société essaie de faire des recherches novatrices sur le hockey, en particulier sur les origines de ce sport; notre organisation est surtout reconnue pour son expertise dans ce domaine. Si vous voulez semer le trouble, tout ce que vous avez à faire, c’est d’affirmer que c’est dans votre ville que le hockey a commencé…
AA : Exact.
PK : ….parce que tout le monde a des prétentions à cet égard.
AA : J’allais dire, à propos de Montréal… Vous avez dit que le hockey a commencé à Montréal. Pas sûre, moi!
PK : Vous avez raison, il y a aussi Windsor en Nouvelle-Écosse qui est dans la course; vous avez aussi Deline dans les Territoires-du-Nord-Ouest. Halifax a déjà été candidate, mais elle a finalement reconnu sa défaite. C’est comme ça, de temps à autre une nouvelle ville surgit et prétend être à l’origine du hockey.
AA : C’est vrai.
PK : Ces prétentions sont souvent basées sur des histoires typiques de chambres de commerce. Celles-ci veulent être capables de mettre un panneau promotionnel dans leur ville. Ce que nous faisons, c’est que nous évaluons ces prétentions et nous décidons si elles sont fondées ou non. Jusqu’à présent, aucune n’était fondée. C’est essentiellement ce que nous faisons, nous sommes surtout reconnus pour nos recherches sur les origines du hockey. Mais nous nous intéressons aussi à l’équipement, par exemple, le plus ancien bâton de hockey au monde. Quelqu’un s’est présenté un jour en disant qu’il avait le plus vieux bâton de hockey au monde; nous l’avons fait dater au carbone 14. Ce morceau de bois a 600 ans; vous auriez donc le plus ancien bâton de hockey au monde. Mais ce n’était peut-être pas un bâton de hockey, même s’il y ressemble. Ce genre de demandes nous arrive et nous les étudions, mais je pense qu’en général, nous ne sommes pas très populaires quand nous remettons nos recommandations.
AA : Vous savez que le hockey a été choisi de façon non officielle comme le sport préféré des Canadiens. Qu’est-ce que cela révèle à propos de notre caractère?
PK : Eh bien, Angèle, je suppose que ça signifie que nous sommes des gens vigoureux qui aimons les activités robustes. Je veux dire que nous devrions sûrement être comme cela dans un climat nordique. Il faut être fait fort pour vivre au Canada en hiver, et les hivers ont tendance à durer longtemps, peut-être moins qu’autrefois, mais ils sont encore assez longs. Il faut l’accepter, et avoir du plaisir.
AA : Et en profiter au maximum.
PK : En profiter au maximum. Exact.
AA : On dirait que les Canadiens n’arrivent pas à se rassasier du hockey en hiver, surtout que maintenant les hivers sont plus doux; alors ils jouent au hockey dans les rues le reste de l’année. Qu’est que vous en pensez? Est-ce que c’est du hockey? Est-ce que c’est différent?
PK : Oui, c’est du hockey. C’est un sport qui peut se pratiquer à longueur d’année, de deux manières. D’abord, comme vous l’avez mentionné, on joue au hockey dans les rues pendant l’été, mais aussi, avec le nombre de patinoires en glace artificielle que nous avons, les enfants peuvent s’adonner à leur sport favori même en plein cœur de l’été. Wayne Gretzky croit que les enfants jouent trop au hockey et qu’ils devraient pratiquer d’autres sports pendant l’été pour développer leurs capacités athlétiques, leur agilité et leur coordination; ensuite, ils devraient utiliser ce qu’ils ont appris durant l’été lorsqu’ils arrivent sur la patinoire en automne. Je pense aussi qu’il y a un sentiment de propriété par rapport au hockey. Les Canadiens ont l’impression que ce sport leur appartient. C’est vrai que d’une certaine manière, c’est nous qui l’avons inventé et fait évoluer, mais le hockey est notre cadeau au monde. Lorsque vous donnez quelque chose, il ne vous appartient plus, n’est-ce pas? J’aime à penser que le hockey canadien est un cadeau; je n’aime pas associer le hockey à la notion de propriété. Je n’aime pas cela, quand nous n’acceptons pas que d’autres pays puissent avoir de bons joueurs ou s’intéresser au hockey. Nous le leur avons donné.
AA : D’après vous, qu’est-ce qui fait que les Canadiens aiment tant le hockey?
PK : Eh bien, d’abord, nous sommes très fiers d’être le pays qui a créé et développé ce sport. Ensuite, c’est un sport très robuste, un sport rude, et il est probable que beaucoup de Canadiens se perçoivent comme des gens robustes, endurants. Il y a aussi la vitesse du jeu; c’est très excitant de regarder une partie de hockey. Je ne connais aucun sport qui puisse rivaliser avec le hockey pour ce qui est du spectacle visuel. C’est un grand sport. Ne serait-ce que pour le patinage; il y a beaucoup d’habileté et de grâce.
AA : Oui, ça a l’air si facile quand on les voit patiner.
PK : Quand je vais à une partie de hockey, je m’organise toujours pour arriver longtemps à l’avance parce que moi, quand les joueurs évoluent sur la glace pendant la période d’échauffement avant la partie, ça me donne des frissons rien qu’à voir la grâce et la fluidité de leur coup de patin, tournant à gauche, tournant à droite, explosant soudainement. C’est certain, n’importe quel spectateur peut voir cette grâce; on dirait un ballet. À première vue, si vous combinez grâce et agressivité, les deux semblent s’opposer, mais en réalité ils fusionnent et au final vous avez un sport absolument spectaculaire.
AA : C’est vrai, c’est impossible de ne pas s’enthousiasmer en regardant une partie de hockey. C’est tellement rapide, on est complètement captivé.
PK : Il y a autre chose, s’ils pouvaient seulement éteindre la musique avant que la partie commence, on pourrait entendre le bruit que font les patins. Le son des lames de patin sur la glace, un son cristallin… c’est comme de la musique à mes oreilles.
AA : Je crois que nous connaissons tous ce son, nous pouvons l’entendre dans notre tête. Eh bien, merci beaucoup, Paul, d’être venu nous parler du hockey.
PK : Merci à vous, c’était un plaisir.
AA : Pour en apprendre davantage sur l’histoire du hockey au Canada, je vous invite à consulter notre site Web Regard sur le hockey à www.collectionscanada.gc.ca/hockey.
Merci d’avoir été des nôtres. Ici Angèle Alain, votre animatrice. vous écoutiez Découvrez Bibliothèque et Archives Canada—votre fenêtre sur l’histoire, la littérature et la culture canadiennes. Je remercie notre invité d’aujourd’hui, Paul Kitchen.
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