Transcription de ReTrouver – Dawson City - Ruby au coeur d'or
Josée Arnold :
Chers auditeurs, nous avons quelque chose de très spécial pour vous aujourd'hui ! Pour célébrer la Journée des parcs nationaux, nous nous sommes associés à nos amis de Parcs Canada pour diffuser un épisode captivant de leur nouveau balado sur l'histoire et l'archéologie, ReTrouver, dans notre fil d'actualité. Si vous aimez ce que vous entendez, ReTrouver est disponible partout où vous dénichez vos balados, ainsi que sur parcs.canada.ca/retrouver. Si vous souhaitez découvrir d'autres trésors sur le sujet, n'oubliez pas de consulter l'épisode 67 de notre balado " BAC est une mine d'or ! ".
Voix :
Vous écoutez un balado signé Parcs Canada. This podcast is also available in English.
Christine Boucher (CB) :
Territoire du Yukon, 1896.
Voix :
De l’or!
CB :
San Francisco, 1897.
Voix :
Des sacs d'or en provenance du Klondike
CB :
C’était la une du San Francisco Chronicle.
Voix :
Un demi-million de dollars en poussière d’or sur un seul bateau à vapeur.
CB :
En 1898, des dizaines de milliers de personnes – dont de nombreuses femmes intrépides – bravent des difficultés inimaginables pour se rendre à Dawson, au cœur des champs aurifères du Klondike.
Seule une poignée de gens feront fortune. Par contre, tous ces gens sont une véritable mine d’or pour les hôtels, restaurants, salles de danse et saloons qui s’élèvent dans le pergélisol… sans oublier plusieurs bordels. Et, dans les années 1970, Parcs Canada fait l’acquisition de l’un d’eux!
Karen Routledge (KR) :
Bonne question : Pourquoi Parcs Canada est-il propriétaire d’un bordel?
CB :
Je m’appelle Christine Boucher et vous êtes à l’écoute de ReTrouver – Ruby au coeur d’or : Trésor du Klondike.
Parcs Canada est connu dans le monde entier comme un chef de file de la conservation de la nature, mais nous faisons bien plus que cela. Avec nos partenaires, nous commémorons les personnages, les lieux et les événements qui ont façonné le pays que nous appelons maintenant le Canada. Rejoignez-nous pour rencontrer des experts de tout le pays et explorer les lieux, les récits et les artéfacts qui donnent vie à l’histoire.
Aujourd’hui, nous visitons le lieu historique national du Complexe-Historique-de-Dawson, situé à Dawson, au Yukon, pour découvrir l’histoire de l’un de ses lieux les plus scandaleux : Ruby’s Place, qui était, au milieu du XXe siècle, une maison de prostitution sous la gouverne d’une femme extraordinaire, Madame Ruby Scott.
Petit avertissement : Dans cet épisode, nous parlerons de prostitution, sans toutefois entrer dans les détails. Le balado est donc destiné à un public averti.
Dawson, appelée le « Paris du Nord », est à une époque la plus grande ville à l’ouest de Winnipeg. Certains y font fortune, alors que d’autres y perdent tout. La ville est située au Yukon, à quelque 100 kilomètres de la frontière de l’Alaska, au confluent du fleuve Yukon et de la rivière Klondike.
Bien avant l’arrivée des premiers colons au XIXe siècle, la région que l’on appelle aujourd’hui Dawson est habitée par les peuples autochtones Tr’ondëk Hwëch’in.
Depuis des millénaires, ils y pêchent le saumon et chassent le caribou tout en entretenant une relation réciproque avec la terre et ses occupants.
La ville est bordée de montagnes et de sapins. Au nord, une colline garde les traces d’un ancien glissement de terrain. Le site est appelé Ëdhä dädhëchą, ou Moosehide Slide en anglais. Cela fait des siècles que ce site sert de point de repère aux voyageurs qui arrivent par la rivière, et il figure dans de nombreuses histoires orales des Tr’ondëk Hwëch’in.
Dawson n’est qu’à 250 kilomètres au sud du cercle arctique. La ville est connue pour son soleil de minuit en été, tandis que l’hiver, seules les aurores boréales percent l’obscurité de la nuit polaire.
Aujourd’hui, la majorité des rues sont en gravier, à l’exception de la rue Front, qui a été asphaltée en 2009. Les trottoirs sont des promenades en bois surélevées, et les commerces du centre-ville cadraient tout à fait dans un western.
Ruby’s Place, l’ancien bordel, se trouve sur la Second Avenue, tout juste au sud de la Bank of British North America et de l’hôtel Downtown de Dawson. Le bâtiment en bois de deux étages est blanc avec des ornements vert foncé et compte deux grandes fenêtres en saillie qui donnent sur les chambres de l’étage supérieur. On peut facilement imaginer les travailleuses du sexe installées à la fenêtre, regardant la rue sous leurs pieds et attendant le prochain client avec quelques pièces à dépenser.
Mais, avant que soient érigés la ville et ses bâtiments, ces terres marécageuses ont été le théâtre d’une épidémie : la fièvre de l’or.
KR :
Dans les années 1800, en Amérique du Nord, chercher de l’or est une activité importante. Les gens ratissent les quatre coins du continent en quête d’or.
CB :
Voici Karen Routledge, historienne à Parcs Canada.
KR :
L’or est perçu comme une richesse très stable et une qui, si l’on parle d’or placérien, c’est-à-dire l’or que l’on trouve sous forme de pépites dans les ruisseaux, en théorie, une que n’importe qui pouvait trouver et extraire. C’est pour ça que, dès les années 1870, des mineurs arrivent au Yukon à la recherche d’or.
CB :
En 1896, la découverte d’un important gisement d’or dans le ruisseau Rabbit, près de Dawson, là où se trouve désormais le lieu historique national de la Concession-de-la-Découverte, donne le coup d’envoi à la ruée vers l’or du Klondike.
L’été suivant, le San Francisco Examiner publie la nouvelle, évoquant des navires remplis de pépites d’or trouvées au Yukon. La frénésie est instantanée. À la fin de l’année 1897, des dizaines de milliers de personnes sont déjà débarquées au port de Skagway, en Alaska, déterminées à franchir le périlleux chemin qui les mènera à Dawson.
Pour la plupart des nouveaux venus, le premier d’une longue série d’obstacles est la piste Chilkoot, une importante voie commerciale pour les Tlingit. Ce chemin de 53 kilomètres, aujourd’hui un lieu historique national et une destination de choix pour les grandes randonnées pédestres, serpente de Skagway jusqu’au lac Bennett, qui chevauche la limite de la Colombie-Britannique et du Yukon, en passant par le col Chilkoot. Ainsi, les prospecteurs d’or transportent à pied du lourd matériel et beaucoup de provisions en plus de traverser des rivières profondes et d’affronter des blizzards, des avalanches et des températures polaires.
Arrivés au lac Bennett, ils construisent des radeaux et des bateaux pour descendre le fleuve Yukon jusqu’à Dawson, un périple de 800 kilomètres.
Pour de nombreux prospecteurs, les épreuves qu’ils doivent endurer ont raison d’eux. Des quelque 100 000 prospecteurs qui se sont lancés dans l’aventure, moins de la moitié parviennent jusqu’à Dawson.
KR :
Si Dawson est où elle est aujourd’hui, ce n’est pas parce que c’était l’emplacement idéal pour y fonder une ville. La région est plutôt marécageuse et est inondée de nombreuses fois. C’est plutôt parce que c’est le meilleur endroit où construire un embarcadère pour bateaux à vapeur le plus près possible des champs aurifères. Et toute la marchandise transitait par bateau à vapeur.
CB :
Au plus fort de la ruée vers l’or, Dawson compte 30 000 habitants.
KR :
Lorsqu’on regarde des photos de l’époque, on voit que le versant de la colline est envahi de tentes. Chaque parcelle de terre est occupée.
CB :
Aujourd’hui, la population n’y est plus que de 2 300 habitants permanents.
Les prospecteurs, en majorité des hommes, viennent de nombreux milieux différents. Mais il y a bien quelques femmes très déterminées qui bravent la piste Chilkoot.
Nancy McCarthy (NM) :
Il y a eu Martha Black, il y a eu Emily Tremblay, et il y en a de nombreuses autres qui sont venues à Dawson pour faire fortune.
CB :
On accueille Nancy McCarthy, conservatrice à Parcs Canada. Elle s’est intéressée de près à la collection d’artefacts du complexe historique de Dawson.
NM :
Il y a les danseuses de french cancan, il y a les prostituées et il y a les femmes qui ouvrent des hôtels ou d’autres commerces légitimes. Ce n’est pas seulement l’or qui les attire, elles veulent faire fortune dans la ville grâce à la ruée vers l’or.
CB :
Un moyen fiable – quoique techniquement illégal – de gagner sa vie dans la ville champignon ou “Boomtown” qu’est Dawson à l’époque est en faisant ce que l’on appelle familièrement « le plus vieux métier du monde ».
NM :
Beaucoup d’hommes sont devenus des millionnaires du jour au lendemain. Ils cherchent à s’occuper. Donc, ils boivent, fréquentent les bars et les saloons et cherchent la compagnie des femmes.
CB :
La prostitution fait partie intégrante de l’histoire des villes champignons d’Amérique du Nord.
Nous avons discuté de l’histoire des maisons closes dans le Nord-Ouest canadien avec L.K. Bertram, de l’Université de Toronto.
LK Bertram (LKB) :
Les historiens s’accordent à dire que, de 1873 à 1914, il y a eu tout un système économique basé sur le travail du sexe dans l’Ouest canadien qu’on appelle la tolérance du vice, c’est-à-dire que les policiers créaient des quartiers réservés qu’ils géraient avec diverses entités, dont des maquerelles, des partenaires commerciaux et des propriétaires fonciers.
CB :
Une maquerelle est la propriétaire et exploitante d’un bordel.
LKB :
Ces secteurs étaient créés dans différentes villes pour que les gens puissent s’y rendre et dépenser leur argent. On croyait que ces secteurs étaient essentiels, et qu’une ville sans quartier réservé était condamnée à l’échec, que les gens ne voudraient pas y rester, que la plupart iraient dans la ville voisine pour dépenser leur argent.
CB :
Dans les premières années, les travailleuses du sexe sont les bienvenues à Dawson et travaillent pour la plupart dans le quartier réservé non officiel de la Second Avenue, communement connus comme “Redlight”.
Nombre d’entre elles travaillent dans des saloons, des maisonnettes privées ou dans la rue. Parfois, un commerce comme une blanchisserie ou un magasin de tabac sert de façade à des activités de prostitution.
Revenons à Nancy.
NM :
Ces lieux étaient réglementés et les travailleuses étaient examinées par un médecin chaque mois pour freiner la propagation de maladies, notamment les maladies vénériennes. De plus, elles devaient payer des amendes, mais n’y voyaient pas d’inconvénients, car l’argent était versé à une œuvre de charité.
CB :
Ces amendes servent en quelque sorte de droits de licence et permettent aux femmes de travailler librement. L’argent sert ensuite à payer les soins des patients dans les hôpitaux de Dawson.
Lorsque la ruée vers l’or s’essouffle en 1899, la population chute et Dawson devient une ville habitée par des mineurs saisonniers et leurs familles. Cette transition change la façon dont les travailleuses du sexe sont perçues.
NM :
La population de Dawson se stabilise, des commerces ouvrent leurs portes et les épouses rejoignent leur mari. Dawson devient une communauté. L’attitude change et on les surnommes les “brazen women” Elles travaillent dans ce qu’on appelle le « Paradise Alley » de la Second Avenue, et les commerçants n’aiment pas les voir traîner dans le coin, Ils lancent une campagne pour chasser ces femmes du quartier, et leurs efforts sont fructueux.
CB :
Les descentes policières et les amendes astronomiques forcent les travailleuses du sexe à quitter le centre-ville. Un bon nombre d’entre elles s’installent en périphérie de la ville pendant plusieurs années, dans un secteur de l’autre côté de la rivière Klondike connu à l’époque sous le nom de Klondike City, ou sous le nom plus péjoratif de Lousetown, qui signifierait « ville de voyous ».
Or aucun de ces noms ne correspond au nom original. Les Tr’ondëk Hwëch’in appellent cette région Tr’ochëk et l’utilisent comme camp de pêche saisonnier depuis des générations… jusqu’à ce que les nouveaux arrivants les déplacent. Du milieu de l’été à la fin de l’automne, les Tr’ondëk Hwëch’in y pêchent et font sécher le saumon chinook et le saumon kéta, tannent des peaux d’orignaux et de caribous et préparent la nourriture pour l’hiver. Aujourd’hui, le paysage culturel de Tr’ochëk est reconnu comme un lieu historique national.
Lentement, le visage démographique de Dawson se transforme et les petits prospecteurs indépendants font place aux salariés de grandes sociétés minières. Par le fait même, le modèle d’affaires des travailleuses du sexe change lui aussi.
Fini le modèle selon lequel les femmes offrent elles-mêmes leurs services et, dans les années 1930, les maisons closes, ou bordels, c’est-à-dire des lieux où plusieurs femmes travaillent pour une maquerelle, deviennent la norme.
Construit en 1902, après que la majorité des bâtiments de la 2e Avenue ont été ravagés dans un incendie, Ruby’s Place est à l’origine une blanchisserie et une maison de chambres et non un bordel.
De nos jours, Ruby’s Place convient parfaitement à l’esthétique de Dawson et, pour les personnes qui n’en connaissent pas l’histoire, l’endroit se confond avec les autres bâtiments commerciaux et résidentiels qui occupent les rues principales.
Shelley Bruce (SB) :
Lorsqu’on approche de Ruby’s Place, on remarque que c’est un joli bâtiment à deux étages. La façade est accolée sur le trottoir en bois.
CB :
Nous discutons avec Shelley Bruce, conseillère en patrimoine bâti à Parcs Canada. Son travail consiste à comprendre l’histoire des édifices patrimoniaux et d’en garantir la conservation pour les années à venir.
SB :
Le bâtiment a une fausse façade, une caractéristique architecturale fort intéressante qu’on retrouve généralement dans les petites localités et plus particulièrement dans le Nord. En fait, le mur de devant s’élève plus haut que le reste du bâtiment.
CB :
Une fausse façade est un élément décoratif qui sert à donner l’impression qu’un bâtiment, lorsqu’on le regarde de la rue, est beaucoup plus grand qu’en réalité. C’est une solution beaucoup plus économique et rapide que de bâtir toute une structure d’une grande qualité.
SB :
Sur la façade avant il y a deux portes, une à gauche, une à droite. C’est très symétrique comme façade. Au second étage, on remarque des oriels, de grandes fenêtres en saillie sur la façade que la plupart des gens appelleraient aujourd’hui des « baies vitrées ».
CB :
En 1935, Ruby Scott achète le bâtiment.
On en sait très peu sur la vie de Ruby avant son arrivée à Dawson. Née dans le Nord de la France dans les années 1880 sous le nom de Mathilde de Lignères, elle a travaillé à divers endroits, notamment à Paris, à Strasbourg, à San Francisco, à Honolulu et à Keno City, une autre localité minière du Yukon. Elle a tenu des maisons closes dans quelques-unes de ces villes.
Peu après avoir acheté le bâtiment, elle ouvre les portes de sa maison close, faisant concurrence à d’autres maquerelles de Dawson, dont Bombay Peggy.
Ruby est une femme généreuse et opulente, et devient un visage familier dans la ville minière grâce à sa personnalité plus grande que nature.
NM :
On voit sur les photos que Ruby était, dans sa jeunesse, une femme éblouissante. Avec l’âge, elle ressemble à n’importe quelle autre grand-mère. Il y a des photos d’elle dans sa maison, avec ses napperons en dentelle. Sur une photo, on la voit en train de faire un gâteau avec un enfant. Elle donnait l’image d’une personne très chaleureuse, attentionnée et protectrice.
CB :
Nous avons discuté avec deux personnes qui ont grandi à Dawson et qui ont des souvenirs d’enfance de Ruby.
Le grand-père de Marvin Dubois s’est installé à Dawson en 1897, et 50 ans plus tard, ses parents ont acheté l’hôtel Downtown, à quelques pas de Ruby’s Place.
Marvin Dubois (MD) :
Ruby est entrée dans nos vies très naturellement.
Nous étions très jeunes, nous n’avions pas encore commencé l’école. Ruby habitait tout près. Elle connaissait ma mère et mon père, elle nous connaissait nous et on la connaissait. Elle avait un petit chien appelé Chi Chi.
CB :
Marvin vit maintenant en Belgique, mais il vient souvent rendre visite à ses deux sœurs, qui habitent toujours Dawson. Enfants, ils savaient que des femmes travaillaient pour Ruby, mais ils ne connaissaient pas la nature de leur travail. Ce dont Marvin se souvient le plus, c’est de la générosité de Ruby.
MD :
C’était l’été, on s’amusait tout le monde ensemble et on a su entre les branches que si on offrait des fleurs à Ruby, elle nous donnerait une tablette de chocolat. À ce moment de la saison, il y avait des fleurs sauvages partout. On a donc fait un gros bouquet, puis on est passé par la ruelle, c’est là qu’on jouait habituellement, et on a frappé à sa porte arrière. Elle a ouvert et on lui a offert les fleurs. Je ne me souviens plus des détails, mais je suis certain qu’elle a dit qu’elles étaient magnifiques, puis elle nous a donné notre récompense. On était aux anges.
CB :
Lenore Calnan est propriétaire de Raven’s Nook, un magasin général situé tout près de Ruby’s Place.
Lenore Calnan (LC) :
Dawson était un endroit génial où grandir. On pouvait aller où bon nous semblait. On était en sécurité. On n’avait peur de rien, juste des animaux sauvages occasionnels.
CB :
Lenore a de beaux souvenirs de Ruby.
LC :
Ruby était très connue à Dawson. C’était une femme aimée et respectée. Quand j’étais enfant, elle nous invitait souvent à prendre le thé et à manger des biscuits chez elle. J’ai un souvenir clair de la décoration excessive de sa salle de séjour. Il y avait des napperons en dentelle et des petites figurines en porcelaine partout. J’étais terrorisée à l’idée d’accrocher quelque chose et de casser une figurine. Mais Ruby était une femme charmante.
CB :
Les adultes la connaissaient pour son extravagance. On la voyait souvent avec des manteaux de fourrure coûteux et des bagues en diamant, mais elle était aussi incroyablement généreuse. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a envoyé des colis aux hommes de Dawson qui étaient dans les Forces armées. Elle était connue pour ses talents culinaires et invitait régulièrement ses voisins à des soirées où elle servait des vins français et de l’oie ou de la dinde rôtie.
Ruby savait aussi comment s’amuser. Elle allait au bar du coin, payait la tournée à tout le monde et clamait :
Voix hors champ :
Je gagne mon argent grâce aux hommes, et bien, je le dépense avec eux!
CB :
L’être qu’elle aimait le plus au monde était son petit pékinois blanc, Chi Chi. Elle le tient dans ses bras sur presque toutes les photos. Ruby l’apportait à l’église, et quand Chi Chi est mort, elle a convaincu le prêtre de la laisser enterrer son chien à côté du cimetière.
Si nous en savons peu sur le passé de Ruby, nous en savons encore moins sur les femmes qui ont travaillé pour elle, car elles sont rarement mentionnées dans les documents historiques.
En tant que maquerelle, Ruby avait la responsabilité de ses employées. Elle en avait de deux à huit en tout temps. Elles arrivaient généralement pour la saison minière au printemps et partaient à l’approche de la longue et sombre saison hivernale. Nous savons qu’au moins deux d’entre elles se sont installées à Dawson et ont épousé des hommes du coin. Certaines sont revenues pendant plusieurs années, mais la plupart ne restaient qu’une saison au Ruby’s Place.
Nous avons demandé à L.K. pourquoi il y a si peu d’information sur ces femmes.
LKB :
C’est une question très importante dont la réponse reste mystérieuse. Une partie de cette réponse est que ces femmes ne voulaient pas qu’on sache ce qu’elles faisaient. Elles se cachaient. Elles cachaient leur véritable identité. C’était une façon de protéger leur avenir.
L’argent qu’elles faisaient pouvait dépasser l’entendement, mais pouvait aussi être terrible. C’était une société très inégalitaire à l’époque, en particulier pour les femmes qui étaient abandonnées par leur mari et avaient parfois des enfants à nourrir. Aucun autre travail ne leur aurait procuré autant d’argent. Les salaires proposés dans les économies dites légitimes étaient à bien des égards des salaires de misère. De nombreuses femmes en venaient donc à la conclusion que ce type de travail était leur meilleure option. Ce que beaucoup d’entre elles avaient en commun était tout simplement une stratégie financière. Ces histoires sont peu connues, car ces femmes dissimulaient où elles vivaient après leur saison comme filles de joie.
CB :
Nous avons toutefois un indice de la façon dont elles dépensaient leur argent : un artefact, une robe des années 1930 qui a été découverte dans les murs de Ruby’s Place pendant des travaux de restauration. Cette robe, probablement utilisée comme matériau d’isolation, aurait été à la mode à l’époque de Ruby. Il est impossible d’en connaître la propriétaire ou l’endroit où elle a été achetée, mais elle relate une histoire intéressante sur la mode dans le Nord.
SB :
Cette robe qui a été trouvée dans les murs est une robe d’été légère pour femme. C’est une robe pleine longueur à manches courtes avec un ruban qui s’attachait à la taille. Elle a une série de boutons le long de l’encolure. Elle est d’une jolie couleur violet pâle ou lavande et a un motif de damier.
CB :
Sur l’étiquette, il est indiqué que la robe est de la marque Billie Burke Sportswear. L’actrice Billie Burke est surtout connue pour son rôle de Glinda, la gentille sorcière du Nord, dans le film Le Magicien d’Oz et, comme c’est le cas de nombreuses célébrités aujourd’hui, elle avait sa propre ligne de vêtements.
Nous avons quelques informations concernant deux des femmes qui ont travaillé pour Ruby le plus longtemps : Cecile Hebit a reçu une amende de 50 $ en 1962 à l’issue d’une affaire judiciaire consignée dans les registres de la ville. La seconde, connue sous le nom de Liberty, a marqué l’épouse d’un agent de la GRC, qui l’a qualifiée de « jolie » et « gentille ». L’épouse de l’agent avait ceci à dire à propos de Liberty :
Voix hors champ :
Ces femmes sont un cadeau du ciel. Il y a tellement d’hommes et elles rendent la ville beaucoup plus sécuritaire.
CB :
Ruby’s Place n’était pas qu’un bordel. L’endroit servait aussi de salon où se réunissaient les gens du coin pour boire et discuter. Et, comme l’explique L.K., les maisons closes, ou maisons de débauche, comme celle de Ruby, jouaient un autre rôle important.
LKB :
Ces maisons servaient presque d’écoles d’éducation sexuelle, ce qui faisait la fierté des tenancières et des travailleuses. C’était une société très réprimée sur le plan sexuel. Ainsi, les travailleuses enseignaient aux gens les bases de la sexualité, ce qu’elles voyaient comme une sorte de travail humanitaire. Certaines travailleuses se voyaient même comme protectrices des autres femmes. Beaucoup de jeunes hommes se rendaient dans les maisons de débauche pour y avoir leur première expérience sexuelle. Les travailleuses pensaient qu’en leur enseignant les bonnes bases et en leur transmettant certaines connaissances sur la sexualité et certains de ses aspects les plus importants, comme la prévention des maladies et la contraception, elles protégeraient non seulement ces jeunes hommes, mais aussi les femmes qu’ils fréquentaient.
CB :
Le quotidien des travailleuses du sexe dans les villes champignons était souvent bien loin du mythe créé par Hollywood.
LKB :
Il est important de ne pas idéaliser la vie de la majorité des gens de cette époque. La vie était très dure, en particulier pour les travailleuses du sexe, qui avaient une relation précaire avec les autorités. La police pouvait se retourner contre elles à tout moment. Un client pouvait se retourner contre elles à tout moment. Une journée pouvait passer de bonne à mauvaise à horrible. Par exemple, certains des mémoires écrits par des maquerelles et des filles de joie relatent souvent des journées ennuyeuses où les femmes ne faisaient qu’attendre qu’un client se présente.
CB :
Nous ne savons pas d’où venaient ces femmes ou comment Ruby s’y prenait pour attirer de nouvelles recrues chaque année. Nous ne savons pas non plus si des femmes autochtones ont travaillé pour elle, mais L.K. croit que c’est peu probable…
LKB :
Vous savez, lorsque je parle de mon travail aux gens, lorsque je leur dis que j’étudie l’histoire du travail du sexe au Canada, on veut immédiatement me parler des femmes autochtones. Ce que les gens ne savent pas, c’est qu’il y avait une forte ségrégation dans les économies du travail du sexe dans le Nord-Ouest canadien. Dans la plupart de ces villes, il était strictement interdit aux femmes autochtones de mettre les pieds dans ces établissements.
Je pense que cela s’explique par le fait que les économies de prostitution étaient synonymes d’argent et que l’argent était synonyme de pouvoir à cette époque.
De plus, ça créait cette grande proximité avec les hommes européens, ce qui, aux yeux du gouvernement canadien, était très dangereux. On craignait que les femmes autochtones et les hommes européens puissent créer le genre de liens qu’on établit dans les maisons de débauche, qui étaient comme des clubs sociaux, qu’ils finiraient par connaître des gens. Certains tombaient amoureux parfois, d’autres devenaient des partenaires commerciaux. Si les femmes autochtones tissaient ce genre de liens avec les hommes européens, ils auraient pu devenir des alliés politiques.
CB :
Dans les années 1930 et 1940, les maisons de prostitution sont régies avec l’aide d’Allen Duncan, le médecin de Dawson, qui examine régulièrement les travailleuses pour diagnostiquer toute infection transmise sexuellement. S’il diagnostique une maladie, les femmes doivent rester à l’hôpital.
Dans ses mémoires, Medicine, Madams and Mounties: Stories of a Yukon Doctor, le docteur Duncan raconte l’histoire d’un homme qui est venu le consulter. L’homme lui raconte qu’il a été embauché pour remplacer les fenêtres de Ruby’s Place. Tout allait fort bien pendant l’installation des fenêtres du premier étage, mais lorsque le temps est venu de remplacer celles du deuxième, il n’a pu s’empêcher de regarder les femmes travailler et, en guise de paiement, il avait choisi de « passer du temps avec les femmes ». Malheureusement, il a contracté une infection qui l’a obligé à se présenter au bureau du médecin.
Au cours des années 1950, Dawson reconnait le rôle essentiel que jouent les maisons de prostitution dans la communauté, à condition qu’elles aient un permis de maison de chambres. Cette politique de tolérance prend fin lorsque le révérend Taylor de l’église St. Paul arrive à Dawson. Il est horrifié d’apprendre que des bordels exercent leurs activités ouvertement avec l’accord tacite des autorités et écrit au premier ministre Louis St-Laurent pour s’en plaindre, car la prostitution est, techniquement, une infraction fédérale. L’intervention de la GRC qui s’ensuit entraîne l’imposition d’amendes et d’accusations qui nuisent aux revenus de Ruby.
Pendant ce temps, la population de Dawson continue de diminuer, chutant à 881 habitants au début des années 1960. De leur côté, les exploitations minières industrielles commencent à fermer, réduisant ainsi l’afflux de mineurs saisonniers.
Épuisée par tous ces obstacles juridiques et financiers, Ruby décide de fermer sa maison après 27 ans d’activité.
L.K. nous explique ce qui se produisait quand un bordel fermait ses portes.
LKB :
Quand une maison de débauche ferme ses portes, les hommes commencent à aller au bar pour trouver quelqu’un, n’importe qui, et l’aspect éducatif disparaît. On voit alors exploser les cas d’infections transmissibles sexuellement, notamment les infections graves, et le nombre de grossesses non désirées.
Le fait que Ruby soit restée en activité si longtemps démontre qu’elle offrait encore un service dans cette ville, un service que les gens jugeaient essentiel.
CB :
Ruby’s Place rouvre ses portes en tant que maison de pension, et Ruby y vit jusqu’en 1969. À 84 ans, elle emménage dans la résidence pour personnes âgées de Dawson, où elle continue à faire partie intégrante de la communauté. On la décrit comme « l’hôtesse officieuse » de la résidence. Chaque soir, pour le souper, elle enfile ses plus beaux vêtements.
Elle meurt cinq ans plus tard. Pendant ses années à Dawson, elle s’est liée d’amitié avec le prêtre local, le père Marcel Bobillier, qui se souvient d’elle affectueusement. Voici ce qu’il a écrit dans son journal après avoir célébré le service funéraire de Ruby :
Voix hors champ :
J’ai mis au repos l’âme de ma chère amie, Ruby Scott, originaire d’Amiens et vivant à Dawson depuis près de 40 ans.
Elle venait d’avoir 89 ans la veille de son décès. C’était une femme au cœur d’or que je visitais presque chaque jour. Je l’avais invitée au restaurant la semaine précédant sa mort. Elle est tombée dans sa chambre et s’est fracturé la hanche. Elle a été transportée à Whitehorse, mais elle est décédée pendant l’opération.
Elle était si bien connue et appréciée pour sa bonté que l’église était presque pleine. Même le père américain et le ministre anglican étaient présents à la messe d’enterrement.
CB :
Alors que Ruby met fin à ses activités et que l’industrie minière ralentit au début des années 1960, l’époque de la ruée vers l’or occupe une grande place dans la mythologie canadienne. Parcs Canada décide de jouer un rôle actif pour préserver cette histoire.
KR :
Dawson est commémoré en raison de son association avec la ruée vers l’or. La ruée vers l’or du Klondike a été l’une des dernières d’une série de ruées vers l’or qui ont eu lieu aux quatre coins du globe, principalement au XIXe siècle.
Les lieux historiques nationaux du Klondike regroupent plusieurs lieux de Dawson et des environs. Il s’agit entre autres du lieu historique du Complexe-Historique-de-Dawson, qui est essentiellement le centre-ville historique de Dawson, le S.S. Keno, un vapeur à roue, le lieu historique national de la Drague-Numéro-Quatre, situé tout juste à l’extérieur du centre-ville dans les champs aurifères et enfin le lieu historique national de la Concession-de-la-Découverte, là où le gisement d’or a été découvert en 1896.
CB :
Dans les années 1960 et 1970, Parcs Canada fait l’acquisition d’un échantillon représentatif de bâtiments pour donner aux visiteurs une idée de ce qu’était Dawson à son apogée.
Shelley, notre conseillère en patrimoine bâti, nous explique pourquoi Ruby’s Place fait partie de l’acquisition.
SB :
Ruby’s Place est un exemple tout à fait unique de ce à quoi ressemblait un commerce typique à Dawson entre 1896 et 1910.
Les bâtiments commerciaux de l’époque avaient parfois une fausse façade qui, d’une certaine façon, fait paraître le bâtiment plus grand et imposant que ce qu’il y a réellement. Ruby’s Place est un très bel exemple de cette technique.
Mais si ce bâtiment a été désigné, c’est surtout en raison de sa fonction la plus connue, une maison close, et c’était sa fonction principale de 1935 à 1962. Ruby’s Place est un des rares bâtiments de ce genre qui existent encore aujourd’hui.
CB :
Au rez-de-chaussée, on y trouvait une salle de séjour, une cuisine et un espace désigné à l’usage personnel de Ruby. À l’étage, il y avait une salle de bain et trois chambres à coucher – là où vivaient et travaillaient les employées de Ruby.
SB :
Je repense aux maisons de mes tantes et de ma grand-mère à l’époque.
CB :
Ruby’s Place représente le flair qu’avait Ruby pour l’extravagance.
SB :
Le rez-de-chaussée est une explosion de couleurs, de motifs et de textures. Les murs sont d’un rose tirant sur le pêche. Le plancher est recouvert d’un linoléum fleuri et les meubles sont recouverts d’une multitude de motifs floraux roses, bleus et de différents blancs. Même les coussins sont de couleurs contrastantes. Il y a plusieurs lampes accrochées au mur ou posées sur le mobilier.
Et cette explosion de couleur ne s’arrête pas au rez-de-chaussée. Les fauteuils et canapés surrembourrés du deuxième étage se déclinent eux aussi en divers imprimés floraux. Les chambres des employées sont garnies d’un lit à deux places, d’un fauteuil, d’une commode et de quelques lampes.
CB :
Les travaux d’entretien sont un défi de tout instant depuis que Parcs Canada a fait l’acquisition de Ruby’s Place.
Comme la majorité des localités du Nord canadien, Dawson est construit sur le pergélisol. Autrement dit, le sol est gelé en permanence, ou du moins il est censé l’être.
SB :
Le pergélisol est un sol qui reste en grande partie gelé tout au long de l’année. Alors que le climat change, on commence à voir certains de ses effets dans le réchauffement des températures. Ceci est préoccupant pour le pergélisol, car à mesure que les températures augmentent, le sol ne reste pas gelé de la même manière ni aussi longtemps.
CB :
Un bâtiment aux fondations instables risque fort de s’écrouler avant longtemps. Ainsi, Parcs Canada a lancé en 2018 un projet de conservation afin d’atténuer les conséquences du dégel du pergélisol.
On a alors déplacé temporairement Ruby’s Place et les fondations de bois ont été remplacées par des pieux fixés dans la roche-mère à plusieurs mètres dans le sol. Le pergélisol évoluera avec les années, mais la roche-mère, elle, demeurera un ancrage solide.
Pendant les travaux de conservation, les équipes ont trouvé de nombreux objets dans les murs de Ruby’s Place, dont la robe mentionnée plus tôt, ainsi qu’une édition de 1906 du San Francisco Examiner. Peut-être Ruby l’avait-elle ramené de son séjour à San Francisco, ou peut-être s’agissait-il d’une lecture de chevet d’une des femmes. Quoi qu’il en soit, ce journal est en quelque sorte un hommage approprié au sensationnalisme qui a déclenché la ruée vers Dawson.
Voix hors champ :
Des sacs d’or en provenance du Klondike.
CB :
Aujourd’hui, l’extérieur de Ruby’s Place ressemble beaucoup à ce qu’il était pendant ses plus belles années, si ce n’est que le bâtiment a été surélevél, en plus d’avoir un nouvel escalier pour dissimuler les pieux et une large vitrine qui raconte l’illustre histoire de ce lieu.
Ruby’s Place et l’héritage de Ruby Scott continuent de rayonner à Dawson.
KR :
Je pense qu’il est vraiment important de préserver Ruby’s Place parce que cet endroit témoigne d’un type de travail qui a toujours été présent à Dawson et qui était dominé par les femmes et géré principalement par celles-ci, et aussi parce qu’il y a si peu de traces des femmes qui ont été travailleuse du sexe. Ruby’s Place nous permet de découvrir un fragment de leur histoire même si elles ont laissé très peu de traces derrière elles.
CB :
Parcs Canada assure la conservation de près de vingt-quatre bâtiments à Dawson. Dans une ville champignon du Nord, où beaucoup de gens n’étaient que de passage, ces bâtiments sont une trace tangible de leur présence, de leur labeur, de leurs joies et de leurs difficultés.
SB :
Sans ces travaux de préservation, Dawson aurait aujourd’hui un visage bien différent. Vous n’auriez aucune idée de ce qu’était la vie dans une ville champignon rurale près de la frontière.
CB :
Il est important de se rappeler que la région de Dawson a une histoire qui remonte à bien plus loin que la frénésie de la ruée vers l’or.
KR :
C’est aussi un lieu important dans ce que nous appelons aujourd’hui l’histoire du colonialisme. Les Tr’ondëk Hwëch’in ont récemment soumis la candidature de Dawson et d’autres sites à proximité pour qu’ils soient inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, au motif que Dawson et ces lieux représentent une étape importante de l’histoire de l’humanité : celle de l’expérience autochtone de l’adaptation au colonialisme européen. Cet endroit a donc une signification différente pour divers groupes. Et une des choses que nous tentons de faire à Parcs Canada est de raconter une plus grande variété d’histoires que nous le faisions auparavant.
CB :
Dawson City est situé à 525 kilomètres au nord-ouest de Whitehorse. Vous pouvez y aller toute l’année en avion ou, si vous avez envie de voir du pays, vous pouvez vous y rendre en voiture; il vous faudra conduire environ 27 heures à partir d’Edmonton, en Alberta.
Les lieux historiques nationaux du Klondike sont ouverts aux visiteurs toute l’année, mais la plupart des activités et des visites sont offertes uniquement de mai à septembre.
Le balado Re :Trouver est une production de Parcs Canada. Un grand merci à Nancy McCarthy, Karen Routledge, Shelley Bruce, Marvin Dubois, Lenore Calnan, Jeff Thorsteinson, Dylan Meyerhoffer et L.K. Bertram. Pour en apprendre davantage sur le sujet, vous pouvez lire « The Other Little House », un article écrit par L.K. sur le travail du sexe dans les villes champignons du Canada et publié dans le Journal of Social History.
Pour une foule d’informations supplémentaires, dont une exposition sur Google Arts et Culture présentant des photos historiques de Dawson et de Ruby’s Place, consultez les notes du balado ou visitez le site parcs.canada.ca/retrouver. Vous trouverez aussi une visite autoguidée en voiture pour découvrir la région de Dawson sur l’application mobile de Parcs Canada.
Ici Christine Boucher. Merci d’avoir été des nôtres!