Transcription de l’épisode 3 : « Tout le monde à bord du palais roulant »
Richard Provencher (RP) : Cette émission contient des termes offensants pouvant causer un préjudice psychologique pour faire référence aux communautés noires au Canada. De plus, certains témoignages décrivent des actes de violence physique et verbale difficiles à supporter.
Découvrez Bibliothèque et Archives Canada présente « Confidences de porteurs ». Cette minisérie décrit les expériences vécues par des hommes noirs du vingtième siècle qui ont travaillé comme porteurs de voitures-lits pour les chemins de fer Canadien National et Canadien Pacifique. Les porteurs, leurs femmes et leurs enfants racontent des histoires d’adversité, mais aussi de résilience.
Bienvenue à la première saison de Voix dévoilées, une série qui donne la parole aux communautés sous-représentées et marginalisées grâce à la vaste collection d’histoire orale de Bibliothèque et Archives Canada. Les récits sur les injustices, les conflits, la persévérance et la résolution de problèmes aident à comprendre l’influence du passé sur la vie présente. Ils nous incitent aussi à chercher de nouvelles voies pour un avenir meilleur.
Ici Richard Provencher, votre animateur pour la première saison de Voix dévoilées. Je suis ravi de vous présenter les histoires qui sont au cœur de la minisérie « Confidences de porteurs ».
Stanley G. Grizzle (SG) : Alors… Qu’est-ce que vous pensiez de la pratique du pourboire?
George Forray (GF) : Ce que je pensais de la pratique?
SG : Est-ce que ça vous offensait? Est-ce que vous aimiez recevoir un pourboire, ou...?
GF : Oh, je ne dirais pas que ça m’offensait … Mais des fois, on se pliait en quatre et on en faisait plus que le client en demandait, alors naturellement … Ça nous encourageait à bien faire notre travail.
SG : … Euh, qu’est-ce que vous pensiez de la pratique du pourboire?
Charles Allen Milton Hog (CH) : C’était ce que c’était … C’était dégradant dans une certaine mesure, mais on s’y attendait quand on commençait à travailler. La moyenne des gens ne pensait pas à l’aspect dégradant de … euh… du comportement, parce qu’en fait, on était beaucoup à avoir accepté le travail de porteur par nécessité. Je ne veux même pas … C’est comme nettoyer mes propres chaussures. Je payais pour faire nettoyer mes chaussures, mais il fallait que je nettoie celles des autres pour avoir un niveau de vie décent et subvenir aux besoins de ma famille, parce qu’à l’époque, je n’avais aucun débouché. Je suis venu ici avec mes diplômes mais je n’ai pas pu trouver un emploi décent … Alors j’ai dû aller là où je pouvais gagner un peu d’argent et maintenir le niveau de vie auquel j’étais habitué, euh, chez moi.
SG : La prochaine question est qu’est-ce que vous pensiez de la pratique du pourboire?
Leonard Oscar Johnston (LJ) : … Le pourboire, la pratique du pourboire, c’est très humiliant. C’est une partie … Ça fait partie de l’esclavage. Le N*** de service …
Willis Richardson (WR) : Notre salaire n’était pas assez élevé pour qu’on puisse décider de ne pas accepter les pourboires, parce que les pourboires à l’époque, dans les premiers temps, c’était une bonne partie de mes revenus.
SG : Oui …
WR : J’avais besoin des pourboires, peu importe leur montant …
SG : Quelle est votre attitude par rapport, euh, au fait de donner un pourboire au porteur, de recevoir des pourboires des passagers? Quel était votre … Comment vous sentiez-vous par rapport à cette pratique, pour ou contre?
Roy Williams (RW) : En ce qui concerne les pourboires, en fait, on n’avait pas le choix parce que ça faisait partie de notre salaire. Surtout quand … avant qu’on se syndique, si on n’avait pas eu les pourboires, on n’aurait pas, euh, on n’aurait pas pu survivre. On avait besoin des pourboires …
SG : Oui …
RW : Parce que ça nous a … ça nous enlevait beaucoup de dignité dans nos façons de penser et nos façons de faire. Il fallait être plus … Un peu plus humble pour que ça fonctionne, pour qu’on nous donne le pourboire dont on avait besoin pour survivre.
Eddie Green (EG) : À l’époque, on gagnait plus avec les pourboires qu’avec les salaires, parce que les salaires étaient très bas, et, euh … on se faisait pas mal … Avec un aller-retour, on pouvait en vivre assez bien … En fait, beaucoup de porteurs ont acheté leur maison et leur auto, et ont envoyé leurs fils et leurs filles à l’université grâce au chemin de fer. Beaucoup d’employés de bureau se demandaient comment ils faisaient, mais euh, ils réussissaient, et leurs enfants étaient bien habillés, bien nourris, et euh, ils sont devenus de bons citoyens.
RP : Jusqu’au milieu du vingtième siècle, le travail de porteur était une des rares possibilités d’emploi qui s’offraient aux hommes noirs en dehors de leurs communautés au Canada. Il offrait une certaine sécurité d’emploi, mais les salaires étaient intentionnellement bas. Le travail rappelait le modèle de servitude dominant à l’époque de l’esclavage avant la guerre de Sécession. Les porteurs des voitures-lits, en particulier, s’inscrivaient dans un univers fantaisiste qui permettait aux clients blancs de s’imaginer à une époque où le travail des Noirs était inhumain et fondé sur l’exploitation. La grande dépendance envers les pourboires déshumanisait encore plus les hommes et renforçait l’inégalité des rapports de force. Mais comme le demande Saje Mathieu, professeure agrégée d’histoire à l’Université du Minnesota et auteure de North of the Color Line: Migration and Black Resistance in Canada, 1870–1955 : quels autres choix avaient-ils?
Saje Mathieu (SM) : Les Afro-Américains, les Antillais et les Noirs nés au Canada qui se sont retrouvés à travailler pour les chemins de fer ont appris à faire durer chaque sou au maximum, à presser … je ne me souviens plus qui a dit ça, mais j’ai récemment entendu quelque chose comme, si quelqu’un apporte des citrons, vous donne des citrons, trouvez quelqu’un qui a de la tequila, et c’est pas mal ça qu’ils faisaient. Alors en fait, ils n’ont jamais gagné un salaire viable. Ça n’a jamais été … ce n’était même pas un travail garanti, mais par comparaison aux autres emplois que pouvaient exercer les Noirs, ça valait la peine de se battre. Quels étaient leurs autres choix? Le travail agricole, la culture du coton, la culture de la canne à sucre dans les Caraïbes … Peut-être le conditionnement des viandes. Ce sont des emplois éreintants, où il faut travailler de longues heures dans des conditions difficiles, et honnêtement, où on peut facilement se faire tuer en plus. Alors, pour ceux qui avaient la chance d’obtenir ce travail, ça valait la peine de trouver un moyen de s’y accrocher.
RP : Le refus de rémunérer correctement les hommes pour leurs services allait de pair avec la nature abusive des tâches qui leur étaient confiées. Cette situation était rendue possible par le racisme envers les Noirs qui soudait notre société et par la culture institutionnelle discriminatoire qui était au cœur de l’exploitation des chemins de fer canadiens.
Melvin Crump, porteur ayant travaillé pendant dix-huit ans à la division de Calgary du Chemin de fer Canadien Pacifique, nous fait vivre une journée de travail typique. Il explique ici ce que signifiait l’offre d’un service de luxe à bord du palais roulant.
Melvin Crump (MC) : Eh bien, les conditions dans lesquelles il fallait travailler, je … Je n’avais jamais vécu ce type de conditions de travail de toute ma vie. Euh, il fallait plus ou moins … Il fallait se soumettre à des obligations très rigoureuses pour garder notre emploi au Chemin de fer Canadien Pacifique. Ce que je veux dire, c’est … Par exemple, quand on avait fini de préparer le train pour la nuit, de faire les lits le soir pour que nos passagers puissent aller se coucher … On pouvait avoir vingt-sept lits à faire, et ensuite il fallait … Il fallait continuer de travailler et cirer les chaussures de chacun des passagers qui en avaient besoin. Il fallait cirer ces chaussures, toutes les chaussures. Et après, il fallait nettoyer les toilettes, aussi bien celles des hommes que celles des femmes. On prenait toutes les serviettes sales et on les rangeait dans des sacs. Et après … Après avoir nettoyé les éviers et tout, il fallait sortir des serviettes propres et un savon neuf pour les clients pour le lendemain matin. À ce moment-là, il était environ une heure du matin, mais on n’avait pas encore fini. Et on était épuisé parce qu’on avait commencé à sept heures le matin. Donc on était épuisé, mais on ne pouvait pas aller se coucher ou se reposer avant le début de notre période de repos. Et ma période de repos pouvait commencer à minuit, pour d’autres, c’était une heure du matin, mais si … Si je pouvais aller me reposer à minuit, il fallait que je me lève après deux heures et demie environ, j’avais deux heures et demie de sommeil avant d’être de nouveau de garde. Et quand on était de garde, tout le monde dormait, mais il fallait s’assurer que personne ne se lève pendant la nuit ou ne dérange les passagers qui dormaient, que personne des autres voitures ne vienne causer des problèmes. C’était notre travail de nous assurer que ça n’arrive pas. Même si on dormait pratiquement debout pendant qu’on se promenait dans la voiture pour faire les vérifications et les tests, on tombait de sommeil, mais on ne pouvait pas y faire grand-chose, parce que ça faisait partie de nos fonctions et de notre travail.
RP : Mme Mathieu ajoute une autre responsabilité à la liste de tâches établie par M. Crump :
SM : C’est difficile à imaginer, mais il arrivait que des gens achètent un billet pour leur enfant de cinq ans, par exemple, et le mettent sur le train pour un trajet de huit heures pour aller voir sa grand-mère à Calgary. L’enfant montait, disons, quelque part en Saskatchewan, et il devenait la responsabilité du porteur. Vous imaginez? Ils ne pouvaient pas discipliner ces enfants. Certains pouvaient avoir peur. Ils avaient probablement peur. Certains étaient énervés. Et ils devaient aider les petites filles à aller aux toilettes, par exemple. Un vrai terrain miné! Et ce n’était pas leur travail …
RP : Mais s’occuper des enfants et prodiguer des soins, en particulier aux passagers âgés ou en état d’ébriété, faisait implicitement partie de leur travail. Roy Williams, qui a été porteur pendant trente ans et qui, comme M. Crump, travaillait pour la division de Calgary du Chemin de fer Canadien Pacifique, explique en quelques mots les exigences imposées aux porteurs.
RW : … En fait, il fallait être touche-à-tout … Être capable de faire n’importe quoi.
RP : Et bien sûr, comme il le fait remarquer, les journées étaient interminables.
RW : Eh bien, les … les heures n’étaient pas comptées, on travaillait, c’est tout, c’était … euh, 24 heures sur 24 …
SG : Mm-hmm …
RW : Quand on était de garde, on pouvait avoir besoin de nous à n’importe quelle heure. Il n’y avait pas de limite de temps.
SG : Je vois.
RW : C’était des journées complètes.
RP : Comme vous pouvez l’imaginer, ces longues journées pesaient lourd sur les porteurs. Le manque de sommeil était un élément fondamental des pratiques de travail oppressives employées par les chemins de fer canadiens à cette époque. Écoutez Eddie Green raconter sa première traversée du pays, très désorientante, à une intervieweuse nommée Kay. Nous en savons très peu sur cette femme, mais ses conversations avec les porteurs font également partie de la collection de Stanley G. Grizzle de Bibliothèque et Archives Canada.
EG : … Ce qui nous manquait le plus, c’était le sommeil, parce qu’on avait trois heures pour dormir pendant la journée. Et on voyageait de Montréal ou Toronto à Vancouver, et c’était tout ce que les nouveaux pouvaient trouver comme travail, parce que les plus anciens faisaient les trajets locaux.
Kay : Mmm.
EG : Donc on partait de Toronto ou de Montréal et on passait quatre nuits et quatre jours en route vers Vancouver. Et c’était vraiment dur.
Kay : J’imagine.
EG : La première fois que je suis allé à Vancouver, j’étais convaincu d’être rendu en Chine quand je suis arrivé …
Kay : Vraiment?
EG : Ça m’avait paru tellement long.
Kay : Oui …
EG : Je pense que je me suis couché vers, euh, dix heures du matin quand je suis arrivé à Vancouver, et je me suis retourné à vingt-deux heures, et je me suis levé à dix heures le lendemain.
Kay : Oh … Et ensuite, vous reveniez tout de suite, ou ...?
EG : Nous avions une journée à Vancouver, et après on repartait.
Kay : Mm … Mais c’est pendant que vous étiez … sur la route que vous dormiez très peu, c’est ça?
EG : Oui. Euh … On avait … Ils nous donnaient trois heures sur vingt-quatre.
Kay : Ah ...
EG : Et euh, c’était tout.
Kay : Mm-hmm …
EG : Quand on se levait, on était supposé rester réveillé toute la journée. Et s’occuper des passagers.
Kay : Il n’y avait pas de remplaçant? Il y avait un seul homme par voiture? Pas de …
EG : Un homme par voiture pour tout le trajet.
RP : Les points de démérite, que certains appelaient aussi « brownies », régissaient le comportement des porteurs sur les trains du Canadien Pacifique. Ce système de discipline réprimandait les hommes pour toutes sortes de manquements, de manière pas toujours juste. Tout était pris en compte, de la disparition de serviettes aux plaintes des clients sur le service (justifiées ou non) en passant par l’ivresse sur le lieu de travail et les infractions aux règles sur le port de l’uniforme. Les porteurs qui s’endormaient lorsqu’ils étaient de garde étaient également réprimandés. Si un homme atteignait soixante points de démérite, il était licencié. Il n’y avait aucun processus d’appel.
Les hommes faisaient donc tout en leur pouvoir pour conserver leur emploi, évitant par tous les moyens de recevoir un blâme. Au cours d’une autre conversation animée par Kay, un ancien porteur du nom de Philip révèle jusqu’où il allait pour éviter les points de démérite, en particulier en ce qui concerne le sommeil.
Philip : Je trichais un peu … Je gardais un œil ouvert et je fermais l’autre, et je tapais du pied. [Rires]
RP : Au Canada, les compagnies ferroviaires se souciaient peu de la santé et du bien-être des porteurs. Elles considéraient le corps des Noirs comme un bien dont elles pouvaient disposer à leur guise. Il y avait toujours quelqu’un d’autre prêt à faire les sacrifices importants qu’exigeait ce travail en échange d’une possibilité d’ascension sociale. Outre le manque de sommeil, le travail comportait de nombreux autres risques : blessures au dos dues à la manipulation des lourdes couchettes et au transport de bagages volumineux, exposition à la fumée de cigarette des passagers et à l’épaisse poussière qui pénétrait par les fenêtres, brûlures causées par le transport de nourriture et de boissons chaudes, affrontements avec des passagers ivres et chahuteurs, et déraillements de trains.
Comme si cela ne suffisait pas, les porteurs avaient peu de temps pour se reposer entre deux trajets, généralement moins de vingt-quatre heures. Ceux qui travaillaient pour le Canadien Pacifique étaient logés dans des hôtels, des pensions gérées par l’entreprise ou des maisons privées. Raymond Coker nous explique à quoi ressemblait l’hospitalité à certains de ces endroits.
Raymond Coker (RC) : On restait dans des maisons privées ou, euh, à certains endroits, au YMCA, et, euh, [rires] ça laissait beaucoup à désirer, croyez-moi … les logements et les maisons privées étaient vraiment désagréables. Il pouvait y avoir, par exemple, une seule salle de bain pour peut-être 15 ou 20 hommes, une seule salle de bain, vous imaginez ce que ça donnait …
RP : En plus des risques physiques associés à ces pratiques de travail fondées sur l’exploitation, des interactions profondément troublantes entre les porteurs et leurs passagers exacerbaient encore davantage les difficultés rencontrées par les hommes noirs sur les trains. Harry Gairey Sr. nous raconte une situation vécue avec une dame âgée qui avait été confiée à ses soins par son fils.
Harry Gairey Sr (HG) : Pour moi, quand je travaillais, l’argent n’était pas important. J’avais besoin d’argent. J’avais de l’argent, mais … C’est l’humain qui était le plus important. Et, euh, je l’ai emmenée dans une chambre. On est partis, et tout s’est bien passé jusqu’à ce qu’on arrive à Kenora. Et puis à environ vingt-deux heures le lendemain soir, notre prochain arrêt était probablement Winnipeg. Donc c’était le matin à Kenora. Elle voulait que j’envoie un télégramme. Elle m’a donné le télégramme à Fort William et, euh, elle m’a donné un billet de vingt dollars … Vingt dollars. J’en prenais toujours note, je l’ai mentionné devant elle, mais elle répétait : « Voici vingt dollars ». « D’accord, Madame. » Alors, euh, je suis sorti envoyer un télégramme, et le télégramme coûtait soixante-cinq cents. J’ai donc rapporté sa monnaie, dix-neuf dollars trente-cinq. J’ai vérifié, dix-neuf dollars trente-cinq. Quand on est arrivé à Winnipeg, je suis allé lui chercher son déjeuner à la voiture-restaurant, parce qu’elle ne pouvait pas quitter sa chambre. J’ai demandé son déjeuner … et le serveur l’a apporté dans sa chambre. Mais apparemment, elle n’arrivait pas à trouver assez d’argent. Elle ne trouvait pas … Elle avait dû cacher son argent et oublier où elle l’avait mis, vous savez? Alors, j’ai pris les plats vides, parce que les employés de la voiture-restaurant étaient occupés, j’ai rapporté les plats vides jusque là. Quand je suis arrivé, le steward m’a dit « La dame t’accuse d’avoir volé son argent. Elle dit qu’elle n’a pas d’argent pour payer son repas. » J’ai dit : « Quoi? ». J’étais vraiment fâché. J’ai répété « Quoi? ». Oh, j’étais … j’étais vraiment bouleversé … Terriblement bouleversé …
RP : On ne sait pas si M. Gairey a fait l’objet d’une réprimande officielle de la part de son superviseur pour cet incident. Un bruit sec dans le fichier audio semble indiquer qu’il a raconté le reste de cette histoire en confidence. Quoi qu’il en soit, ce récit met en évidence le pouvoir que les Blancs exerçaient sur les porteurs, la facilité avec laquelle de telles accusations pouvaient être formulées et le préjudice durable que ces mots pouvaient causer à un homme et à sa réputation, par ailleurs excellente.
Il est toutefois important de rappeler que les porteurs n’ont pas toujours été impuissants dans ce type de situation. Ce n’était pas sans risque, mais certains, comme Thomas Lawrence Williams, ont riposté au besoin, ne souhaitant pas supporter les agressions dont ils étaient victimes.
Thomas Lawrence Williams (TW) : Une autre femme que j’ai eue comme cliente était originaire des États-Unis, une touriste américaine. Elle m’a demandé de préparer son lit. Alors j’ai fait son lit pendant qu’elle allait aux toilettes. Quand elle est revenue, elle a dit que j’avais volé sa montre. Et j’ai dit : « Non, je n’ai pas vu votre montre. » Nous avions un chef de voiture Pullman très gentil sur ce train, qui faisait la liaison entre Vancouver et Chicago à l’époque. Et, euh, je suis allé le chercher. Il a dit : « Moi, écoutez, écoutez, je connais cet homme. Je sais qu’il n’a pas pris votre montre. » « Oh oui, il l’a pris. Je l’avais laissée ici, sur le lit, là. » Il a dit : « Écoutez, laissez-moi vérifier dans votre valise. » Elle ne voulait pas, mais il a dit « Je vais quand même vérifier. Et dans votre sac à main aussi, et si vous ne l’ouvrez pas pour moi, je vais l’ouvrir moi-même, je vais aller chercher le chef de train. » Il est donc allé chercher le chef du train. Ils sont revenus. Ils ont ouvert la valise de la cliente, et sa montre était là.
RP : Répliquer à un passager comme l’a fait M. Williams était à la fois audacieux et dangereux. Si la montre n’avait pas été retrouvée, il est probable qu’il aurait été licencié pour son comportement. S’il a refusé de se taire et d’accepter ce mauvais traitement, il a toutefois dû, il est important de le souligner, faire appel à des hommes blancs, soit le chef de voiture Pullman et le chef du train. Sa disposition à conserver le pouvoir dans cette situation, en particulier si le train se trouvait en sol américain, était limitée, et il aurait pu subir des représailles physiques. Une grande partie des violences collectives et des lynchages qui ont eu lieu aux États-Unis tout au long du vingtième siècle ont commencé par de fausses accusations comme celle décrite par M. Williams. La présence de témoins blancs dignes de confiance, en position d’autorité, était absolument nécessaire pour résoudre cet incident.
Les historiens Michele A. Johnson et Funké Aladejebi nous rappellent qu’il est important de dépasser le « … mythe des Blancs bienveillants, profondément ancré dans l’imaginaire de notre pays (3) ». Bien que le Canada n’ait jamais institué de lois « Jim Crow » comme celles des États-Unis, qui imposaient la ségrégation raciale, il est certainement faux de croire que notre pays a toujours été un lieu d’équité et de tolérance raciale et culturelle.
Les récits des porteurs qui racontent leur vie dans les trains et hors des trains, comme Oliver Charles Davis, révèlent la nature profondément enracinée et souvent invisible du racisme canadien.
SG : Parlez-moi … parlez-moi des repas. Il me semble que quand on n’était pas à la maison … Je me rappelle … Je me rappelle d’avoir été à Vancouver et de ne pas avoir pu manger dans le restaurant, d’avoir dû manger dans le commissariat. Ça vous dit quelque chose?
Oliver Charles Davis (OD) : Oui, tout à fait. La première fois que j’ai vécu ça, c’était à Calgary.
SG : Oui …
OD : C’était la première fois que j’allais à Calgary, je n’y avais jamais été avant, évidemment. On, euh … On a fini par trouver le bureau où signer le registre de sortie. Quand on est arrivé là, on a demandé où on pouvait prendre le petit déjeuner. On nous a dit d’aller au sous-sol, qu’il y avait une cuisine pour manger. Et c’est vraiment ce qu’il fallait faire. C’était… on était mis à part.
SG : Effectivement.
OD : On ne pouvait pas manger dans les restaurants à l’étage … dans les restaurants principaux de la gare du Canadien Pacifique à Calgary.
SG : Pendant le voyage …
OD : J’ai aussi vécu ça à Regina. On ne pouvait même pas– je me souviens qu’on m’a dit non, qu’on n’a pas voulu que je mange dans des restaurants à Regina.
SG : Où … où avez-vous mangé, à Regina?
OD : On n’a pas mangé– on a seulement mangé le lendemain matin.
SG : Vraiment?
OD : Oui, vraiment. On … La première fois que je suis allé à Regina– j’étais souvent passé par là, mais ce n’était pas un des arrêts du train, comme vous le savez …
SG : Mmm.
OD : … pour les transporteurs de l’est. Mais, pour ce voyage-là, on était allé … On était allé à New York et on avait embarqué des troupes avant d’aller directement à Regina, après. On était arrivé à vingt-deux heures et, évidemment, les porteurs voulaient manger quelque chose avant d’aller se coucher.
SG : Oui.
OD : Il n’y avait rien pour nous, là. Pas de logements pour les porteurs à Regina. On allait devoir dormir dans les voitures. Et quand on est monté en ville, on nous a dit qu’on ne pouvait pas manger parce qu’on ne servait pas les Noirs.
SG : Mmm. [silence]
OD : Pas le choix, on est retourné dans les voitures.
RP : La quête d’un juste milieu entre les perceptions et les réalités qui définissent depuis longtemps le Canada a toujours fait partie intégrante de l’expérience des Canadiens et des immigrants noirs. Comme le souligne Cheryl Foggo, autrice, réalisatrice de documentaires, scénariste et dramaturge canadienne primée dont la famille a des liens étroits avec le métier de porteur, mieux vaut parfois un danger que l’on connaît qu’un danger que l’on ne connaît pas.
Cheryl Foggo (CF) : … le Canada avait une place importante dans le récit de la terre promise qui revenait très souvent dans notre musique et dans ses canons. Même si le Canada n’était pas nommé explicitement dans les chansons, toutes les références à la terre promise, au paradis, à la traversée du Jourdain ou à la terre de Canaan étaient rattachées à la croyance qu’on pouvait trouver refuge au nord, voire spécifiquement au Canada … Et pourtant, les gens savaient au fond d’eux qu’ils ne pourraient pas aller à certains endroits, qu’il y aurait des défis et qu’ils se faisaient rouler quand ils emportaient leurs récoltes au marché. Ils le savaient, ça. Et quand c’est clair comme ce l’était dans la société qu’ils avaient quittée, c’est possiblement plus facile de trouver un moyen de contourner la situation comparativement à quand on est en situation de non-dit.
Musique en arrière-plan : quatuor de femmes noires non identifiées, « Peace in the Valley ».
RP : Il est important de souligner que les Canadiens noirs, comme M. Davis, qui ont vécu une ségrégation oppressive n’ont pas été les seuls à faire face à ces injustices. Voici des explications de Cheryl Foggo.
CF : … Il y avait de la solidarité entre les Noirs et les membres d’autres communautés racisées. Avant que les Noirs établissent leurs propres restaurants à Calgary, ils avaient tissé des liens étroits avec les Chinois qui, eux, avaient déjà des restaurants et savaient qu’ils pouvaient aller manger là, qu’on ne les empêcherait pas d’entrer et qu’on ne les ferait pas poireauter sans venir les servir. Il y avait une solidarité entre les communautés noire et chinoise, avec les immigrants chinois. Et aussi avec les Sikhs; même chose. Beaucoup de personnes se sont mariées avec des gens de la communauté sikhe, déjà ici depuis longtemps. Je pense que beaucoup de gens croient que l’histoire des Noirs est binaire, qu’il y a les Noirs et les Blancs. On n’a pas souvent la chance de parler du fait qu’il y avait une grande solidarité entre les Noirs et différentes communautés immigrantes ou racisées. Le plus grand soutien venait parfois de relations entre ces personnes.
RP : Cheryl Foggo ajoute que la résilience est aussi au cœur de la relation que les Canadiens noirs entretiennent depuis longtemps avec les Autochtones.
CF : Pour ce qui est de la solidarité entre les Noirs et les Autochtones, c’est une relation très complexe. Je sais rarement comment répondre quand il est question de la vie des Noirs dans les Prairies, parce que c’est difficile d’imaginer une famille noire sans membre autochtone. Il y a eu tellement d’amitiés et de mariages entre les Noirs et les Autochtones … c’est un peu comme se demander s’il y avait de l’air à respirer. Il y avait un soutien énorme et beaucoup de compétences de survie enseignées pour cet endroit-là, en particulier, mais ce n’était pas nécessairement deux groupes, à des endroits différents, qui se visitaient pour se montrer des choses. Dans certains cas, il y avait un vrai sentiment d’appartenance qui a mené à des mariages. Ces relations se poursuivent aujourd’hui.
RP : En plus de cette solidarité interraciale, les porteurs formaient une communauté, ce qui les aidait à surmonter le racisme épouvantable vécu au travail ou le reste du temps. Dans les entrevues de Stanley Grizzle avec différents porteurs, on parle souvent des liens que ces hommes ont tissés avec d’autres porteurs, et du fait que ces amitiés solides ont duré toute une vie. Les porteurs se donnaient des surnoms, généralement inappropriés. Leurs plaisanteries amicales allégeaient le travail et leur rappelaient que la vie ne se résumait pas qu’à l’entretien de voitures-lits. Les porteurs avaient des familles et une communauté élargie qu’ils laissaient derrière pendant longtemps, mais qu’ils n’oubliaient pas. Les porteurs s’efforçaient aussi de « décoder » la personnalité des passagers. L’apparence des passagers ou les échanges avec eux inspiraient d’autres surnoms et des histoires rocambolesques. Les ragots, bons ou mauvais, aidaient les porteurs à tenir le coup pendant les longues traversées du pays. Ce sont ces potins sur les conditions de travail difficiles qui ont uni les porteurs et répandu les idées qui, plus tard, serviraient de fondements à la solidarité nationale et, en fin de compte, à la syndicalisation. Les récits des porteurs démontrent qu’ils étaient humains, comme nous.
Il est donc important de mettre en lumière les exploits de ces hommes au-delà du chemin de fer. Ces hommes n’étaient pas définis par la somme des abus qu’ils ont subis, et leur vie ne se limitait pas non plus à l’entretien de voitures-lits. Pour reprendre leur pouvoir, ils ont dû tracer leur propre voie en faisant des choix en dehors du travail. Certains ont choisi de quitter le métier de porteur en début de carrière comme les exigences étaient tout simplement trop élevées. D’autres, prêts à prendre des risques, ont vu ce travail comme un point de départ pour la réalisation de rêves longtemps mis de côté, comme le note Saje Mathieu.
SM : Le travail de porteur et les différents moyens pour les porteurs d’augmenter leurs revenus, ce qui, encore une fois, ne correspond pas nécessairement à ce que veulent entendre les gens qui préfèrent parfois les belles parties de l’histoire ou les bouts plus flatteurs. Il y avait des porteurs de voitures-lits qui vendaient de l’alcool de façon illicite ou en faisaient la contrebande. Ils écrivaient là-dessus et se vantaient que, surtout à Montréal, c’était une bonne façon de faire plus d’argent, ce qui contribuait à la mobilité des porteurs. C’était aussi une manière pour les travailleurs de dire « au diable les salaires bas et toutes les autres formes d’exploitation subies ».
RP : Même si on a souvent décrit la communauté noire de Montréal, établie dans le quartier Saint-Antoine, comme vivant dans des conditions de pauvreté, c’est important de souligner que c’était un des foyers de culture les plus riches du Canada. La prohibition, qui a duré de 1920 à 1933 aux États-Unis, a favorisé cette croissance. Comme le Québec a été la dernière province canadienne à adopter des dispositions similaires en 1918 et la première à les abroger, un an plus tard, la ville de Montréal, près de la frontière américaine, est devenue attrayante, surtout pour ceux qui faisaient la contrebande d’alcool ou son trafic entre les deux pays.
Dans la collection d’entrevues de Stanley Grizzle, on note l’absence de récits sur la vente clandestine ou la contrebande d’alcool à Montréal. Mais, cette histoire-ci, racontée par Bill Overton qui a travaillé pendant trente-cinq ans pour la division torontoise du Canadien Pacifique, nous donne une perspective de première main sur le rôle du chemin de fer dans les activités commerciales illégales, mais très payantes, qui ont mené à l’ouverture à Montréal d’importants espaces créatifs pour les talents noirs.
Bill Overton (BO) : … Je me souviens de deux des ... de … [petits rires] de moments de la contrebande d’alcool. Il y avait un homme dans la région de Windsor qui, euh, qui, quand il était petit, vendait des journaux dans le train. Bien sûr, c’est vraiment un travail propice aux activités illégales. Il a diversifié ses activités et s’est mis à faire la contrebande d’alcool. Il s’est bâti une clientèle assez importante. Il achetait son alcool à Montréal et l’expédiait par train. Il faut se rappeler qu’il n’y avait pas de voitures dans le temps, et que les camions étaient très lents. Les routes n’étaient pas faites pour ça. Il … Il expédiait l’alcool par train avec l’aide de porteurs, surtout, mais aussi de garçons des voitures-restaurants qui, euh ... s’en occupaient pour lui. Tout le monde avait la patte graissée, et ça a commencé à déplaire à de gros bonnets qui lui ont mis des bâtons dans les roues et l’ont tabassé plusieurs fois. Et bien, ça l’a mis en colère. Il est allé à Détroit et s’est concentré sur les loteries illégales. On a fini par en entendre parler et on a mis sa tête à prix, c’est-à-dire qu’on a demandé à quelqu’un de le tuer.
Interviewer : On parle ici d’un Noir ou d’un Blanc?
BO : C’était un Blanc.
Interviewer : Mmm.
BO : Mais voilà, il est revenu, et, à bord du train, on le connaissait.
Interviewer : Mmm.
BO : Mais voilà, il est revenu, et, à bord du train, on le connaissait … C’était un de nos bons clients … Il était bien parce qu’il nous donnait toujours un dollar ou une pinte de whisky. Ça n’avait pas d’importance que vous buviez ou non. Il est parti pour l’Angleterre, mais ne n’est jamais rendu parce qu’il a été jeté par-dessus bord, dans l’océan. Tout le monde savait que c’était ça parce qu’il est parti en pleine santé. Bien sûr, le rapport dit qu’il s’est suicidé, mais c’est parce qu’ils l’ont eu. Il essayait de s’échapper … Mais, euh, lui, il contrôlait la contrebande, là-bas, et beaucoup de nos hommes qui faisaient des allers-retours faisaient de la contrebande … Mais, il y a de nombreux garçons qui ont fait beaucoup d’argent avec la contrebande, mais, euh, pas moi ... je n’ai pas fait beaucoup d’argent avec ça. Non, pas beaucoup. Peut-être, disons, 40 ou 50 dollars en tout, parce qu’ils me donnaient de l’argent juste pour que je regarde ailleurs. C’est tout. Je ne suis pas entré là-dedans. Je n’étais pas chanceux. Je ne me sentais pas assez chanceux pour faire ça. Et c’est pourquoi je n’ai rien aujourd’hui – certains ont fait beaucoup d’argent parce qu’ils avaient de la chance.
RP : Des années 1920 à 1950, l’argent lié à ces activités illicites a fait connaître Montréal dans le monde entier comme ville ouverte avec une vie nocturne dynamique. Mais, comme le souligne Nancy Marrelli dans son livre Stepping Out: The Golden Age of Montreal Night Clubs, la géographie raciale de la scène des boîtes de nuit montréalaise était faite de relations complexes fondées sur la race, la classe sociale, la langue et certaines limites territoriales.
Les boîtes de nuit du « centre-ville » étaient sur la rue Saint-Antoine où beaucoup de Noirs habitaient parce que c’était proche des chemins de fer et que beaucoup d’hommes travaillaient comme porteurs. La scène musicale était vivante dans la communauté noire, malgré qu’on y ait vu beaucoup de discrimination dans les syndicats jusqu’au début des années 1940 et que les groupes mixtes avec des musiciens noirs et des musiciens blancs étaient rares. Par moment, les musiciens noirs et les spectacles de groupes noirs ont été « tendances », surtout dans les boîtes de nuit de l’est de la ville, mais la politique des hôtels permettait seulement les Blancs, et, dans les premières années, cette pratique était aussi courante dans les boîtes des quartiers chics. Les boîtes de nuit du centre-ville accueillaient généralement les musiciens et les animateurs noirs et avaient des politiques d’entrée très ouvertes. On y trouvait presque toujours de la bonne musique, et c’est là que les musiciens allaient jouer après leurs spectacles dans des théâtres ou des boîtes d’autres quartiers de la ville.
Parmi les boîtes de nuit du centre-ville mentionnées par Mme Marrelli, notons le Rockhead’s Paradise et le Café St-Michel, situés au cœur de la communauté noire de Montréal. Ces deux boîtes, qui appartenaient à d’anciens porteurs, ont offert aux musiciens noirs du Canada et d’ailleurs des scènes sûres où se produire. Selon la rumeur, les propriétaires de ces boîtes avaient eu le capital nécessaire pour lancer ces entreprises parce qu’ils avaient fait la contrebande d’alcool pendant la prohibition.
Montréal a rapidement proposé une version canadienne de la scène de musique jazz de Harlem, à New York, ouvrant la voie à de grands artistes noirs canadiens comme Oscar Peterson et Daisy Peterson Sweeney, Steep Wade, Oliver Jones, Joe Sealy et Milton Sealy. D’ailleurs, tous ces artistes avaient comme parents des employés des compagnies de chemins de fer. Le fait de savoir qu’ils créaient un monde plus équitable pour la prochaine génération a aidé les porteurs à tolérer plus facilement les réalités et les risques du quotidien.
Ceux qui se sont intégrés à l’univers criminel de l’époque et qui s’en sont sortis indemnes ont pu s’affranchir des conditions de travail abusives liées aux chemins de fer. Cela étant dit, la grande majorité des hommes n’ont pas participé à ces activités risquées. Les enjeux étaient tout simplement trop importants et les coûts, trop élevés. Pour la plupart des hommes, la syndicalisation était le seul moyen d’améliorer les conditions de travail, les salaires et, en fin de compte, la qualité de vie. Comme le raconte Leonard Oscar Johnston, le statut social élevé des porteurs dans leurs communautés et les contributions qu’ils y apportaient ont conduit à une solidarité qui a rendu le changement possible.
SG : Est-ce que les porteurs et leur syndicat avaient un statut dans la communauté en général?
LJ : Oh oui. Oui … Certainement. Parce qu’à l’époque, euh, le seul ... le cœur de la communauté était ... l’élite de la communauté, c’était les porteurs. Parce que même pendant la Dépression, c’étaient les porteurs qui ramenaient la nourriture à la maison, vous voyez? Ils avaient un rôle très important dans la communauté. Ils n’étaient pas méprisés.
SG : D’après vous, quel pourcentage des ménages ... des ménages noirs étaient nourri par des porteurs, plus précisément grâce au salaire des porteurs?
LJ : Oh, je dirais que leur salaire servait à nourrir environ 90 % de ces gens …
RP : Dans le quatrième épisode de « Confidences de porteurs », nous allons explorer la longue lutte menée par les porteurs pour obtenir des droits et un respect au travail, ainsi que la façon dont leurs efforts collectifs ont créé des conditions propices à la syndicalisation de la main-d’œuvre.
SG : Une des grandes leçons à tirer des porteurs de voitures-lits et de tous les hommes noirs, c’est qu’ils n’ont pas besoin d’aide. On a organisé un syndicat sans subventions gouvernementales. Malgré notre piteux salaire, on s’est débrouillé, on a fondé un syndicat … Alors les porteurs nous enseignent, et c’est important de raconter leur histoire, que vous avez la capacité, si vous le désirez, de briser les chaînes de l’esclavage et de vous libérer.
RP : Abonnez-vous à Découvrez Bibliothèque et Archives Canada pour entendre d’autres entrevues de Stanley Grizzle avec des porteurs de voitures-lits. Vous recevrez les épisodes à mesure de leur diffusion et ferez ainsi connaissance avec ces hommes, leurs femmes et leurs enfants. Ensemble, ils offrent un aperçu de la vie des Noirs au vingtième siècle, du quotidien sur les chemins de fer et en dehors de ceux-ci. D’éminents chercheurs et des historiens noirs nous aident à contextualiser ces expériences pour nous permettre de comprendre les nombreux obstacles auxquels ont dû faire face ces gens qui n’ont pas abandonné pour autant.
Musique en arrière-plan : quatuor de femmes noires non identifiées, « I’ve Been Working on the Railroad ».
Merci d’avoir été des nôtres. Ici Richard Provencher, votre animateur. Vous écoutiez « Confidences de porteurs », la première saison de la minisérie Voix dévoilées.
Nous remercions tout particulièrement nos invités : Saje Mathieu (Ph. D.) et Cheryl Foggo. Vous trouverez leurs biographies dans les notes de l’émission. Vous y trouverez également une transcription de l’épisode avec des horodatages intégrés qui renvoient au contenu original de l’entrevue dans la collection de Grizzle. N’hésitez pas à écouter ces récits et à en parler à d’autres!
Merci également aux personnes dont on entend la voix hors champ en français : Roldson Dieudonné, Gérard-Hubert Étienne, Gbidi Coco Alfred, Lerntz Joseph, Euphrasie Mujawamungu, Frédéric Pierre, et Christelle Tchako Wommasom.
La chanson thème de « Confidences de porteurs », Jazz Dance, a été composée par Paul Novotny, musicien et producteur de renommée. La musique de Joe Sealy, célèbre pianiste de jazz et fils d’un porteur, a également été utilisée pour cet enregistrement.
Toutes les autres pièces de musique figurant dans cet épisode proviennent de la bibliothèque sonore de BlueDotSessions.com.
Cet épisode a été produit, écrit et monté par Tom Thompson, Jennifer Woodley et Stacey Zembrzycki.
Pour écouter nos épisodes en français, consultez notre site Web ou ouvrez votre application de balados préférée. Il vous suffit de chercher « Discover Library and Archives Canada ».
Pour obtenir plus d’information sur nos balados, rendez-vous sur la page d’accueil du site Web de Bibliothèque et Archives Canada, entrez « balado » dans la barre de recherche du coin supérieur droit et cliquez sur le premier lien. Si vous avez des questions, des commentaires ou des suggestions, communiquez avec l’équipe du balado à l’adresse électronique indiquée au bas de la page de l’épisode.
Références
Michele A. Johnson and Funké Aladejebi, “Introduction,” in Unsettling the Great White North: Black Canadian History, eds. Michele A. Johnson and Funké Aladejebi (Toronto: University of Toronto Press, 2022), 3–27.
Cheryl Foggo, John Ware Reclaimed (National Film Board of Canada, 2020).
Cecil Foster, They call me George: The Untold Story of Black Train Porters and the Birth of Modern Canada (Windsor: Biblioasis, 2019).
Steven High, Deindustrializing Montreal: Entangled Histories of Race, Residence and Class (Montréal et Kingston: McGill-Queen’s University Press, 2022).
Nancy Marrelli, Stepping Out: The Golden Age of Montreal Night Clubs (Montréal: Véhicule, 2004).
Saje Mathieu, North of the Color Line : Migration and Black Resistance in Canada, 1870-1955 (Chapel Hill: University of North Carolina Press, 2010).
Dorothy W. Williams, Blacks in Montreal, 1628-1986, An Urban Demography (Montréal: Les Éditions Yvon Blais inc., 1989).
Dorothy W. Williams, The Road to Now: A History of Blacks in Montreal (Montréal: Véhicule Press, 1997).