Transcription d'épisode 63
Josée Arnold (JA) : Bienvenue à Découvrez Bibliothèque et Archives Canada : votre histoire, votre patrimoine documentaire. Ici Josée Arnold, votre animatrice. Joignez-vous à nous pour découvrir les trésors que recèlent nos collections, pour en savoir plus sur nos nombreux services et pour rencontrer les gens qui acquièrent, protègent et font connaître le patrimoine documentaire du Canada.
Durant la Première Guerre mondiale, plus de 3 000 femmes s’enrôlent dans le Corps expéditionnaire canadien. Le gouvernement fédéral a créé cette force armée pour le service outre-mer. Les infirmières y occupent un rang d’officier à part entière, celui d’infirmière militaire, créé spécialement pour les femmes.
Surnommées « merles bleus » en raison de leur uniforme bleu et de leur voile blanc, les infirmières militaires canadiennes sauvent des vies en soignant les soldats blessés ou malades. Elles travaillent à proximité des champs de bataille, dans des conditions extrêmement difficiles. Le rôle qu’elles jouent dans la guerre leur vaut l’affection de milliers de soldats canadiens, la gratitude des familles des militaires et le respect de la population. Les infirmières militaires contribuent grandement à l’effort de guerre canadien grâce à leur dévouement envers leur travail, leur patrie et surtout, leurs patients.
Laura Brown (LB) : Je m’appelle Laura Brown, je suis archiviste des documents gouvernementaux à Bibliothèque et Archives Canada. Je travaille ici depuis quatre ans. Avant, j’étais chercheuse et aide-historienne au Musée canadien de la guerre. J’ai une formation en histoire et j’aime surtout étudier l’histoire canadienne.
JA : Dans l’épisode d’aujourd’hui, Laura Brown présente la contribution des infirmières militaires de la Première Guerre mondiale en abordant leur expérience de vie et en explorant les trésors que l’on trouve à Bibliothèque et Archives Canada.
En septembre 1914, soit 10 ans après sa création, le Corps infirmier militaire canadien compte moins de 30 infirmières, dont seulement cinq membres permanents. Quelques mois avant la guerre, Margaret MacDonald est nommée infirmière en chef du Corps infirmier placé sous l’autorité du Corps expéditionnaire canadien. Forte de son expérience d’infirmière pendant la guerre des Boers et dans des hôpitaux militaires du Canada, Margaret MacDonald est chargée de mobiliser des infirmières militaires qui iront servir en Europe.
On lance un appel, et moins de trois semaines après l’entrée en guerre du Canada, des infirmières diplômées de partout au pays se portent volontaires. Plus de 3 000 femmes s’enrôlent dans le Corps de santé royal canadien. La majorité d’entre elles sont envoyées outre-mer. Pendant la guerre, ces infirmières soignent près de 540 000 soldats, œuvrant près des champs de bataille en tant que membres à part entière du Corps expéditionnaire canadien. Elles travaillent au péril de leur propre vie, et 53 d’entre elles meurent d’ailleurs en service.
Certaines infirmières du Corps de santé ont étudié dans des écoles de soins infirmiers au Canada. D’autres ont été formées au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Bien qu’on les appelle « nursing sisters » en anglais, c’est-à-dire « sœurs infirmières », la plupart d’entre elles ne font pas partie d’ordres religieux.
Nous avons demandé à Laura de nous en dire plus sur le bagage de ces femmes et sur les qualifications requises pour devenir infirmière militaire.
LB : Il y a une liste de critères auxquels les candidates doivent répondre pour entrer dans le Corps de santé royal canadien. Elles doivent posséder au moins deux ans d’expérience dans une école de soins infirmiers reconnue. Elles doivent être célibataires, sujets britanniques et en bonne santé. Mais surtout, elles doivent avoir une formation, c’est primordial. À la fin du 19e siècle, les soins infirmiers commencent tout juste à devenir une profession au Canada. Jusqu’à ce moment-là, la profession n’était pas bien perçue pour les femmes respectables de la classe moyenne. Ce sont là les qualifications nécessaires pour entrer dans l’armée canadienne à cette époque.
Dans les autres pays, les exigences sont parfois moindres. En Grande-Bretagne, par exemple, le processus n’est pas le même. Les membres de leur service infirmier n’ont pas le rang d’officier, tandis que dans le Corps de santé royal canadien, toutes les infirmières sont considérées comme des officiers et se font appeler « lieutenant ». Elles jouissent d’un rang différent qui témoigne de leur formation rigoureuse. C’est vraiment remarquable que les femmes aient ce rang dans l’armée canadienne.
JA : Est-ce que c’est la même chose pour les infirmières d’autres pays pendant la guerre?
LB : Non, elles n’ont pas le rang d’officier. Dans le cas de la Grande-Bretagne, le service infirmier n’est pas intégré au Corps expéditionnaire britannique, alors qu’au Canada, les infirmières sont des militaires à part entière. Au début de leur carrière dans l’armée canadienne, les infirmières ont le rang de lieutenant. Celles qui sont responsables d’un hôpital ont le rang de capitaine. L’infirmière à la tête du service entier, l’infirmière en chef, est major. Ce sont vraiment de grandes avancées pour l’armée canadienne. La simple présence de femmes dans l’armée est déjà une première. Leur donner des rangs d’officier en plus est extrêmement important.
JA : En tant qu’officiers dans le service féminin des infirmières militaires, les Canadiennes ont plusieurs avantages, dont un rang militaire, des congés généreux et le même salaire que les hommes. Ce sont les premières femmes des forces alliées à recevoir un tel traitement.
L’infirmière en chef est responsable de toutes les infirmières du Corps de santé royal canadien. Margaret MacDonald obtient ce titre et devient la première femme major dans tout l’Empire britannique.
Parmi toutes les infirmières en service pendant la Première Guerre mondiale, seules les Canadiennes sont sous le contrôle direct de l’armée et détiennent un rang militaire. Jusqu’au milieu des années 1940, le Canada sera le seul pays à nommer des femmes officiers.
Nous avons demandé à Laura comment fut prise la décision d’intégrer les infirmières militaires dans l’armée avec le rang de lieutenant.
LB : Le Corps de santé royal canadien est créé en 1904. On a toujours prévu d’y intégrer les infirmières et de créer un service pour elles, mais il y a plusieurs facteurs qui mènent à la décision de leur donner le rang de lieutenant. C’est à cause de leurs grandes compétences et de leur formation rigoureuse qu’on leur donne un rang militaire élevé.
C’est aussi une manière de leur donner une place désignée dans la structure militaire. Grâce à leur rang, les infirmières qui travaillent dans des hôpitaux à l’étranger, par exemple, ont une autorité sur leurs patients. Elles ont aussi une autorité sur les aides-soignantes et sur le reste du personnel aidant, qui sont de simples soldats. En fait, cette structure aide les infirmières dans leur travail.
JA : Au début de la Première Guerre mondiale, en 1914, le Corps de santé royal canadien n’a qu’une poignée d’infirmières dans ses rangs. Leur nombre augmente rapidement, car bien des infirmières civiles veulent montrer leurs compétences dans un contexte militaire. Au total, 3 141 infirmières militaires s’enrôlent dans le Corps de santé royal canadien. 2 504 d’entre elles seront envoyées à l’étranger : en Angleterre, en France, en Belgique, en Russie et dans l’est de la Méditerranée, à Gallipoli, Alexandrie et Thessalonique. Les autres infirmières militaires restent au Canada pour soigner les soldats blessés dans des hôpitaux de convalescence.
Laura nous parle de la vie de ces femmes à l’étranger. À quoi ressemblaient leurs conditions de vie et de travail?
LB : Je pense qu’elles se rendent compte que, malgré toute la formation qu’elles ont reçue au Canada, rien ne pouvait les préparer aux conditions qui les attendaient en Europe. Sur le théâtre méditerranéen en particulier, les conditions sont très rigoureuses : les infirmières doivent parfois vivre sous la tente, et elles sont souvent confrontées à des situations extrêmement difficiles.
Une des infirmières sur qui j’ai fait des recherches plus approfondies s’appelle Ruby Peterkin. Bibliothèque et Archives Canada détient un fonds privé à son sujet. Ruby passe un très long séjour de 23 mois en Grèce. Pendant son déploiement, elle écrit beaucoup de lettres à sa sœur et à sa famille. Peu après son arrivée à Thessalonique, elle parle du froid et des conditions de vie rudimentaires à sa sœur Irene. J’ai ici une de ses lettres sur laquelle on voit un dessin qui montre Ruby avec un costume d’infirmière militaire peu orthodoxe. Elle me fait plutôt penser à un joueur de football moderne avec ses nombreuses couches de vêtements et ses grosses bottes. Je vais vous traduire un petit extrait :
Nous sommes arrivées directement de Malte, où le soleil brillait sur les côtes blanches toute la journée et où nous brûlions presque à midi. Lorsque nous sommes arrivées à Thessalonique, tout le monde portait son casque et ses lunettes de soleil, dans un climat désormais arctique. J’étais de service la deuxième nuit après notre arrivée, et c’est à ce moment que le mercure a commencé à chuter. Il fait beaucoup moins froid maintenant, et j’ai enlevé plusieurs couches de vêtements. Je ne porte plus que deux gros chandails en dessous de mon imperméable. Je porte aussi des bandes molletières, comme celles des soldats, qu’on enroule autour des jambes. Je ne voulais pas montrer mes bas au monde entier, et c’était la meilleure solution et la plus chaude. Je pourrais les porter jusqu’à la fin de mes jours.
Les bandes molletières dont elle parle sont de longs rubans de tissu portés par les soldats alliés pendant la Première Guerre mondiale. Elles réchauffent et soutiennent la jambe et la cheville. Dans sa lettre, Ruby parle d’une situation inhabituelle puisqu’elle ne porte pas son uniforme typique. Son petit croquis montre qu’elle porte plutôt des gants doublés de fourrure, deux chandails et des bandes molletières sur les jambes, ce qui est très rare pour une infirmière militaire. Ça montre que les conditions de vie et de travail des infirmières militaires sont spéciales pendant la Première Guerre mondiale.
Loin de la Méditerranée, les nombreuses infirmières déployées dans le nord de l’Europe ont des conditions de travail différentes. Elles sont parfois logées dans des cabanes ou des tentes. Par moments, elles travaillent très près des lignes de front, dans des postes d’évacuation sanitaire qui sont des unités chirurgicales plus ou moins mobiles. Ces postes-là deviennent plus fixes à mesure que la guerre avance, mais ils sont à la portée des tirs d’artillerie, ce qui est très dangereux. Les conditions sont très différentes de celles qu’on voit au Canada.
Les infirmières envoyées en Grande-Bretagne, par exemple dans la campagne anglaise, sont dans un contexte beaucoup plus familier. Elles sont généralement logées dans des casernes d’infirmières, qui peuvent être des tentes ou des bâtiments. Parfois, le Corps de santé royal canadien réquisitionne des églises ou des écoles pour en faire des hôpitaux.
JA : Les postes d’évacuation sanitaire que Laura mentionne sont des unités sophistiquées, situées près de la ligne de front, où les ambulances amènent les blessés pour qu’ils soient évalués, soignés ou évacués vers un hôpital. Les évaluations et les soins préliminaires sont très utiles pour traiter de grands groupes de soldats blessés. Par contre, la proximité des combats expose les infirmières militaires aux horreurs et aux dangers du front. Les zones avancées sont souvent la cible de raids aériens et de tirs d’obus qui menacent la vie des infirmières.
Maintenant, étudions un peu l’histoire de l’infirmière militaire Ruby Peterkin :
Née à Toronto en 1887, elle obtient son diplôme d’infirmière de l’hôpital général de Toronto en 1911.
Le 7 avril 1915, elle s’enrôle à l’Hôpital général canadien no 4, rattaché à l’Université de Toronto, et elle est mobilisée à Montréal.
Ruby sert à l’Hôpital général canadien no 5 en Grande-Bretagne et à l’Hôpital no 4 à Thessalonique, en Grèce.
Le fonds Ruby Peterkin de Bibliothèque et Archives Canada contient près de 300 photos de sa vie à l’étranger et plus de 60 lettres que Ruby a envoyées à sa sœur Irene et à d’autres membres de sa famille.
Dans ses lettres, Ruby décrit les camps militaires à Thessalonique et ses activités sociales. Elle évoque aussi les hôpitaux, les conditions de travail et les patients, ainsi que ses premières expériences dans l’armée, notamment la censure du courrier, les quartiers d’habitation et la routine quotidienne.
Dans une lettre envoyée à sa sœur Irene en janvier 1916, Ruby parle de sa rencontre avec un groupe d’infirmières militaires britanniques. Elle trouve que les rapports sont un peu tendus.
Je pense que les infirmières anglaises ne nous aiment pas. Nous avons deux étoiles alors qu’elles n’en ont aucune. Elles nous assurent qu’elles sont traitées comme des officiers, mais ce n’est pas aussi convaincant que nos deux étoiles.
JA : Ce passage soulève une autre question pour Laura. Comment les infirmières militaires sont-elles perçues par les soldats et les infirmières des autres pays?
LB : Les infirmières sont traitées avec beaucoup de respect par l’armée canadienne. Les militaires ne sont pas habitués d’avoir des femmes dans leur entourage. Dans des lettres, des infirmières militaires racontent qu’à bord des navires qui traversent l’Atlantique, les officiers sont surpris de voir toutes ces femmes autour d’eux et qu’ils ont du mal à s’habituer. Mais en général, les supérieurs et les patients ont un énorme respect pour les infirmières militaires et leur travail.
Par ailleurs, leur statut d’officier est surtout limité aux hôpitaux. À l’extérieur, elles deviennent de simples militaires. Mais à l’hôpital, elles jouissent d’une grande autorité en raison de la relation patient-soignante.
Pour ce qui est de la perception à l’extérieur des forces canadiennes, au sein des autres armées par exemple, des documents montrent qu’il y a un élément de jalousie parce que les Canadiennes sont des officiers. Ça ne veut pas dire que les membres des autres armées n’ont pas une bonne formation : elles possèdent aussi une solide expérience. Toutefois, le statut d’officier dont jouissent les Canadiennes et les deux galons ou les deux badges qu’elles portent sur leurs épaules sont des signes tangibles qui sont difficiles à ignorer.
Les lettres d’infirmières militaires dans notre collection évoquent parfois cette jalousie à l’égard des infirmières canadiennes.
JA : Est-ce que les infirmières ont des temps libres? L’occasion de voyager ou de s’amuser?
LB : Absolument! Bibliothèque et Archives Canada a le fonds d’une autre infirmière militaire, Alice Isaacson. Elle a laissé de merveilleux journaux personnels qui racontent son séjour en France en 1917 et 1918. Elle possède beaucoup d’expérience car avant d’entrer dans le Corps de santé royal canadien, elle a étudié aux États-Unis et a servi dans le Corps expéditionnaire britannique.
Dans ses journaux, Alice explique qu’elle profite de ses temps libres pour marcher dans la campagne française et qu’elle visite plusieurs destinations en Europe pendant ses congés. Elle a aussi laissé une grande collection de photos montrant des statues à Londres, des fleurs et des paysages urbains. Les infirmières aiment beaucoup voyager quand elles peuvent. Un des avantages d’avoir le statut d’officier est que les infirmières jouissent de congés généreux. Elles travaillent beaucoup, souvent 15 heures par jour, mais elles ont aussi deux semaines de vacances par année si les conditions de la guerre le permettent.
En plus des voyages, les infirmières militaires ont plusieurs divertissements. Elles prennent le thé avec d’autres infirmières et des officiers, elles vont à des danses et à des fêtes, et elles tentent généralement de s’imprégner le plus possible de la culture pendant qu’elles sont loin de chez elles. Bref, elles essaient d’en profiter au maximum.
JA : Un peu d’histoire sur l’infirmière militaire Alice Isaacson :
Alice est née en Irlande le 2 octobre 1874. Elle reçoit sa formation en soins infirmiers à l’hôpital St. Luke, à Cedar Rapids, en Iowa, et fait sa résidence au Chicago Lying-In Hospital.
Alice s’enrôle dans le Royal Army Medical Corps, puis elle se joint au Corps de santé royal canadien le 29 août 1916. À partir de septembre 1916, elle est envoyée en Angleterre et en France, à l’Hôpital général canadien no 2.
Le fonds Alice Isaacson à Bibliothèque et Archives Canada contient plus de 600 photos liées à son expérience pendant la guerre, à ses voyages et à sa vie personnelle. Il comprend aussi deux journaux personnels qui portent sur les années 1917 et 1918. Les journaux parlent du travail et des activités sociales d’Alice pendant ces deux années.
Dans ses journaux, Alice suit de près l’évolution de la guerre et raconte souvent comment le perfectionnement de la technologie militaire affecte son travail à l’hôpital.
De plus, elle exprime bien franchement son intérêt pour la participation des États-Unis à la guerre, et elle décrit ses voyages et ses découvertes en détail, de manière assez éloquente.
Une agglomération de scènes de guerre! Espérons que, d’ici quelques mois, ces scènes feront partie du passé et que les paysans français […] laboureront leurs champs et pourront élever leur petite famille dans la paix et la tranquillité! […] En retournant à Paris, nous avons traversé lentement la pauvre ville d’Amiens, en ruines. Quelle déplorable scène de destruction, quel gâchis! Nous n’avons vu aucune maison intacte — il y a des maisons coupées en deux et qui ont de grands trous dans le toit et les murs. Dans certaines d’entre elles, nous pouvions voir des meubles toujours en place ou partiellement abîmés et des tableaux de travers sur les murs.
JA : Voici la traduction d’un autre extrait de son journal :
Les jours et les nuits sont très occupés ici! Des convois arrivent à tout moment! Les hôpitaux de notre base sont surpeuplés. Les Britanniques font des gains considérables du côté de la crête de Vimy. Hier, les Canadiens sont sortis des tranchées et ont capturé 11 000 Allemands! Mais les victoires signifient aussi beaucoup de blessés : nous avons eu 1 810 patients aujourd’hui! Tout le personnel fait des heures supplémentaires OU travaille toute la nuit.
JA : Dans les derniers mois de son journal, Alice évoque souvent le climat politique et le cours de la guerre :
La Bulgarie s’est rendue aux Alliés, et l’Allemagne et l’Autriche ont réclamé des accords de paix. L’Autriche sollicite un armistice immédiat. Entre-temps, les Alliés remportent de grandes victoires. La Belgique et la France sont nettoyées, les villes qui étaient occupées par les troupes allemandes depuis quatre ans sont enfin libérées, et les réfugiés s’empressent de retourner chez eux.
LB : Les infirmières militaires travaillent-elles sur les lignes de front? Ont-elles des contacts directs avec l’ennemi?
Tout à l’heure, j’ai parlé des postes d’évacuation sanitaire. Ce sont des unités chirurgicales sophistiquées, qui font partie d’un système élaboré pour évacuer les victimes loin du front. Pour expliquer tout ça brièvement, disons que la Première Guerre mondiale est avant tout une guerre de tranchées et que la tranchée représente la ligne de front. L’armée, le corps médical, installe dans cette ligne de front des postes de premiers soins régimentaires et des postes avancés pour faire des pansements, qui sont les premiers soins offerts aux blessés.
Derrière, il y a les postes d’évacuation sanitaire. Il s’agit de l’endroit où les infirmières sont le plus près des lignes de front. Ces postes se trouvent à deux ou trois kilomètres des tirs d’artillerie. Les infirmières travaillent donc dans ces unités où elles rassemblent les blessés et leur prodiguent des soins. Les soldats qui ont besoin de plus de traitements sont envoyés encore plus loin des combats.
L’étape qui suit le poste d’évacuation sanitaire est l’hôpital fixe, qui peut accueillir de 100 à 400 patients environ. Dans ces installations, on offre plus de soins, les blessés peuvent rester plus longtemps et on effectue des chirurgies plus complexes. De là, les soldats sont transférés encore plus loin, dans les hôpitaux généraux canadiens. Ce sont de grands établissements qui peuvent accueillir jusqu’à 2 000 patients. Le Canada en a plusieurs. Des infirmières militaires comme Alice Isaacson travaillent à l’Hôpital général canadien no 2 à Le Tréport, en France, et plus tard à l’Hôpital général canadien no 6.
Ces hôpitaux sont bien loin des lignes de front. Les quelques infirmières militaires qui travaillent dans les postes d’évacuation sanitaire sont très contentes car il s’agit de postes convoités. Le fait de se trouver si près des tirs ennemis est terrifiant et impressionnant, et seules les meilleures infirmières sont sélectionnées.
JA : En 1918, le Corps de santé royal canadien exploite 16 hôpitaux généraux, 10 hôpitaux fixes et 4 postes d’évacuation sanitaire.
LB : Bien sûr, durant la Première Guerre mondiale, nos infirmières militaires traversent l’Atlantique avec l’idée qu’elles vont s’occuper de Canadiens blessés. La population, à cause de son idée du rôle traditionnellement féminin des infirmières, pense qu’elles ne sont pas vraiment en danger. Mais plus la guerre avance, plus il y a d’infirmières affectées aux postes d’évacuation sanitaire. Certains incidents surviennent, et les infirmières militaires courent de plus en plus de dangers.
JA : Nous avons demandé à Laura si des infirmières militaires ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions.
LB : Effectivement, 21 infirmières militaires du Corps de santé royal canadien sont tuées en service. En comptant celles qui sont mortes de maladies, le Canada perd environ 60 infirmières pendant la Première Guerre mondiale. Quelques incidents surviennent en 1917, mais c’est surtout en 1918 qu’il y a des pertes. Le premier incident a lieu à l’Hôpital général canadien no 1 à Étaples : un raid aérien allemand détruit une grande partie de l’hôpital et plusieurs hôpitaux des environs. La Canadienne Katherine MacDonald devient alors la première infirmière militaire tuée par une attaque ennemie, et deux de ses compatriotes infirmières sont également tuées.
JA : Les deux autres infirmières sont Gladys Wake et Margaret Lowe, qui succombent à leurs blessures peu après l’attaque.
LB : Cet incident est un choc terrible pour l’armée et pour les Canadiens. C’est un vrai signal d’alarme qui démontre à quel point ce travail est dangereux. Un peu plus tard en 1918, à la fin du mois de mai, un deuxième raid a lieu dans un hôpital canadien, à Doullens. Trois infirmières militaires sont tuées, dont Agnes MacPherson. Alice Isaacson parle de l’incident dans son journal : « Pauvre Mac! C’était vraiment une fille charmante! Tout le monde l’aimait! ». On peut comprendre pourquoi de tels incidents poussent les infirmières à réfléchir. Ce sont vraiment des temps incertains. Elles se rendent compte qu’elles courent un danger même si elles sont loin du front. Voilà le résultat des progrès technologiques de la Première Guerre mondiale, comme la guerre aérienne et la guerre sous-marine… Le danger pouvait frapper d’encore plus près.
JA : Voici un passage du journal d’Alice Isaacson conservé à BAC, dans lequel elle mentionne le bombardement de l’Hôpital fixe canadien no 3, à Doullens, en France, et le décès d’Agnes MacPherson. Le journal est daté du 6 juin 1918. À cette époque, Alice travaille à l’Hôpital général canadien no 6.
Dans le courrier d’aujourd’hui, une lettre de l’infirmière Wallace nous apprend le décès de Mlle MacPherson à Doullens. La salle d’opération a été bombardée à minuit, et trois infirmières, deux médecins, des patients et de nombreux sous-officiers, des hommes, ont été tués! Pauvre Mac! C’était une fille charmante! Bien élevée et douce! Tout le monde l’aimait ici, à l’Hôpital no 6.
JA : En plus d’Agnes MacPherson, deux autres infirmières militaires, Dorothy Baldwin et Eden Pringle, sont tuées lors du bombardement de l’Hôpital no 3 à Doullens.
La collection de Bibliothèque et Archives Canada contient des photos montrant l’après coup de ces deux événements tragiques. Nous en avons inclus quelques-unes dans notre album Flickr. Pour les voir, rendez-vous dans la section « Liens connexes » sur la page de cette émission et cliquez sur le lien de l’album.
Un mois plus tard, le 27 juin 1918, au sud de l’Irlande, un sous-marin allemand torpille le navire-hôpital canadien
Llandovery Castle qui revient en Angleterre avec uniquement du personnel médical à bord. Nous avons demandé à Laura de nous en dire plus sur cette tragédie.
LB : Le Canada a cinq navires-hôpitaux en service pendant la Première Guerre mondiale. L’un d’eux, le
Llandovery Castle, traverse l’Atlantique pour transporter des blessés avec du personnel médical à son bord, dont des infirmières militaires. Le navire a récemment quitté le Canada en direction du Royaume-Uni. Il se trouve au large des côtes irlandaises lorsque, dans la nuit du 27 juin 1918, un sous-marin allemand arrive près du navire. Il s’approche, et on croit que la marine allemande va arrêter le navire et le fouiller, comme elle est en droit de le faire. Mais le sous-marin torpille le
Llandovery Castle.
Le navire coule en 10 minutes. La grande majorité des 258 passagers périssent. Les 14 infirmières militaires réussissent à embarquer dans des canots de sauvetage. La scène se passe au beau milieu de la nuit, mais tout le monde garde son calme. Malheureusement, la succion créée par le bateau qui coule aspire certains canots dans les profondeurs.
De plus, des témoins affirment que l’équipage du sous-marin percute les canots de sauvetage et attaque les survivants. C’est une tragédie absolument épouvantable. La population canadienne est outrée et anéantie par cet événement. On fait beaucoup de propagande à ce sujet dans le but de rallier les Canadiens et de les inciter à appuyer l’armée davantage.
Le naufrage du
Llandovery Castle est un des événements de la Première Guerre mondiale qui affecte et terrifie le plus la population canadienne, bien qu’il ait lieu à des milliers de kilomètres du pays.
JA : BAC possède des documents sur cette attaque dans sa collection. Laura nous en parle plus en détail.
LB : Nous avons une affiche de propagande évoquant le torpillage du Llandovery Castle. Nous avons aussi au moins une photo officielle du sergent Knight, un des survivants. C’est une photo remarquable de lui dans un lit d’hôpital, le lendemain de l’attaque. Ses yeux sont vitreux, car il vient de subir un traumatisme dont il tente encore de se remettre. Cet homme, le sergent Knight, a essayé d’aider les infirmières. Il se trouvait lui aussi à bord des canots de sauvetage et a même été éjecté des embarcations, mais il est revenu trois fois à la surface pour prendre une bouffée d’oxygène. On a fini par le hisser à bord d’un autre canot, et il a survécu. Cette photo extraordinaire est liée à l’événement en question, mais c’est aussi un exemple de traumatisme causé par la guerre. C’est vraiment une photographie remarquable.
JA : Les dépouilles des 14 infirmières n’ont jamais été retrouvées. Le Monument commémoratif d’Halifax rend hommage à ces femmes courageuses. Il représente une Croix du Sacrifice en granit de 12 mètres de haut, montée sur une grande plateforme de granit. Les noms de ceux qui ont péri en mer sont gravés sur des panneaux de bronze.
Nous avons demandé à Laura si ces événements tragiques ont eu des répercussions sur l’enrôlement des infirmières militaires.
LB : J’aimerais faire une distinction importante au sujet de l’enrôlement. Au cours de la Première Guerre mondiale, surtout autour de 1917-1918, le Canada, comme les autres pays alliés, recherche désespérément des recrues, plus particulièrement des soldats masculins. Le cas des infirmières militaires est différent, car le nombre de volontaires dépasse toujours les besoins. Des documents d’archives du gouvernement montrent que, tout au long du conflit, des infirmières militaires écrivent pour s’enrôler, mais sont souvent refusées, faute de place.
Elles veulent s’enrôler pour toutes sortes de raisons : acquérir une expérience professionnelle, partir à l’aventure ou se rapprocher d’êtres chers qui servent aussi en Europe. Je ne sais pas si les tragédies qui ont causé le décès de plusieurs infirmières militaires en 1918 ont eu une incidence réelle sur l’enrôlement, mais je sais qu’ils ont marqué les infirmières militaires, car elles en parlent dans leurs lettres et leurs journaux.
À l’époque, la mentalité prédominante chez les infirmières militaires est : « Vous verrez des choses horribles. Vous verrez des blessures que vous n’auriez jamais imaginées, vous verrez des morts, mais ne baissez pas les bras. Vous devez rester stoïques et professionnelles. » Cette mentalité a perduré en apparence, mais les réflexions personnelles trahissent un certain trouble et une légère tristesse, dans les lettres d’Alice Isaacson, par exemple.
JA :Quels sont les types de documents que BAC possède au sujet des infirmières militaires canadiennes?
LB : Je vais commencer par nos fonds privés. Pour voir nos collections de lettres, d’albums photo et de journaux personnels, le meilleur endroit où commencer serait notre page sur le patrimoine militaire. Elle comporte un lien vers la section sur la Première Guerre mondiale. De là, on peut accéder aux pages sur les fonds Alice Isaacson, Ruby Peterkin ou Laura Gamble, par exemple. Ce sont de riches témoignages de l’expérience des infirmières. On y trouve toutes sortes de liens relatifs à ces collections.
Du côté des archives gouvernementales, nous avons aussi une tonne de ressources. Le premier endroit où regarder, pour faire une recherche sur les infirmières militaires canadiennes, serait les dossiers du personnel du Corps expéditionnaire canadien. C’est une merveilleuse base de données dans laquelle on retrouve les dossiers entièrement numérisés de toutes les personnes qui ont servi dans le Corps expéditionnaire pendant la Première Guerre mondiale. La base de données comprend les soldats, les aumôniers et les infirmières militaires.
Les dossiers du personnel sont des documents gouvernementaux standardisés, mais ils contiennent aussi beaucoup de renseignements personnels, comme on l’a mentionné dans un autre épisode du balado. On y trouve de l’information sur le lieu de naissance des infirmières, leurs études, leurs proches parents et leur formation. On peut voir les maladies dont elles ont souffert, les traitements reçus, la paye, etc. Les dossiers du Corps expéditionnaire canadien, qu’on appelle aussi dossiers de service militaire de la Première Guerre mondiale, sont une ressource extrêmement précieuse.
JA :Les dossiers des soldats, des infirmières et des aumôniers du Corps expéditionnaire canadien comprennent des documents sur l’enrôlement, la formation, les dossiers dentaires et médicaux, l’hospitalisation, la discipline, la paye, les médailles décernées et la démobilisation ou la notification de décès. Les dossiers comptent en moyenne de 25 à 75 pages.
BAC a récemment terminé la numérisation des 640 000 dossiers de service du Corps expéditionnaire canadien. Les internautes peuvent désormais accéder facilement et rapidement à une mine de renseignements généalogiques et historiques, et se faire une idée du service de ces femmes et des autres membres du Corps expéditionnaire pendant la Première Guerre mondiale.
Pour en savoir plus, écoutez le balado mentionné par Laura, publié en septembre 2014, qui s’intitule
Inscrivez-moi : Dossiers du Corps expéditionnaire canadien, 1914-1918.
LB : En fouillant dans les archives gouvernementales, on trouve beaucoup de documents administratifs sur les infirmières dans l’armée canadienne, comme des documents sur la paye et la liste nominale, c’est-à-dire la liste de toutes les infirmières qui ont servi.
Nous avons des journaux de guerre de plusieurs unités du Corps expéditionnaire canadien qui décrivent leurs opérations sur le terrain. Par exemple, si vous savez qu’une infirmière militaire a servi à l’Hôpital général canadien no 2, vous pouvez consulter le journal de guerre correspondant et trouver toutes sortes d’informations intéressantes. Les journaux de guerre contiennent des renseignements sur la météo, les mouvements des troupes et des événements inhabituels, comme les visites d’inspection de l’infirmière en chef. Ils ne donnent pas beaucoup d’informations personnelles, mais ils situent le contexte pour vos recherches.
En plus des archives comme celles-ci, nous avons d’importantes collections photographiques dans nos documents gouvernementaux militaires, dont beaucoup ont été numérisées. C’est une véritable mine de renseignements. Concernant les travaux de recherche sur les infirmières militaires canadiennes, il y a eu un bel essor dans les dernières années. Mélanie Morin-Pelletier, du Musée canadien de la guerre, a rédigé un ouvrage sur les infirmières militaires canadiennes. Cynthia Toman a réalisé des recherches approfondies sur les infirmières militaires des Première et Deuxième Guerres mondiales. Récemment, on voit aussi beaucoup de récits régionaux sur des infirmières, comme le livre de Katherine Dewar sur les infirmières militaires de la Première Guerre mondiale qui venaient de l’Île-du-Prince-Édouard. Ça vaut vraiment la peine de plonger dans ces ouvrages si le sujet vous intéresse.
JA : BAC a récemment fait l’acquisition de documents sur l’infirmière militaire Luella Blanche Lee, de Bradford, en Ontario. Ce fonds contient notamment plus de 1 000 photos et un journal. Durant son séjour de deux ans et demi à l’étranger, Luella a servi à Malte, en Italie, en Angleterre et en France.
Laura nous en dit plus long sur Luella Lee et sa collection conservée à BAC.
LB : Luella Lee est une infirmière formée à Toronto qui sert dans le Corps de santé royal canadien à partir de 1917. Ce qui est le plus intéressant à propos de son service, c’est la période qui précède, lorsqu’elle s’enrôle dans l’armée britannique. Luella est envoyée à Malte, où elle œuvre pendant un an dans un service britannique, le Queen Alexandra Imperial Military Nursing Service.
BAC possède une collection à son sujet. On y trouve de nombreux documents visuels, des photos ainsi qu’un magnifique petit album d’autographes, dans lequel Luella récolte les signatures de ses collègues et patients pendant son passage à l’hôpital militaire St. Andrew, à Malte. Cette collection contient des citations, des aquarelles détaillées et des dessins, et elle illustre les liens que tisse Luella avec ses patients durant son déploiement. Le fonds montre comment des relations et des amitiés se forment dans l’espace confiné d’un hôpital au milieu de la Méditerranée. Une grande partie des documents témoignent des liens noués par Luella à Malte.
L’infirmière tient aussi un petit journal, dans lequel elle parle surtout de son voyage du Royaume-Uni à Malte à la fin de 1916. Ce document montre que le voyage est une expérience extraordinaire. Elle est à bord d’un navire-hôpital et elle voit des pics enneigés lorsqu’elle passe au large de l’Espagne. Elle voit aussi un marsouin dans l’océan. Même si elle souffre d’un affreux mal de mer, elle réussit à profiter de ces moments de beauté et elle est consciente de se trouver dans un cadre magnifique.
Bien sûr, à son arrivée à Malte, elle doit se mettre immédiatement au travail, car elle est soudainement responsable de patients dans plusieurs unités. Elle note dans son journal qu’elle a l’impression de jouir d’un statut spécial en tant que Canadienne dans un hôpital britannique. De nombreux patients trouvent très intéressant le fait qu’elle ait une nationalité différente.
Les documents que Luella Blanche Lee nous a laissés montrent un autre point de vue, car elle n’a pas seulement servi dans l’armée canadienne. La majorité des documents couvrent la période qui précède son service dans le Corps expéditionnaire canadien, mais ils donnent un bon aperçu de la vie des infirmières.
JA : Les infirmières canadiennes peuvent donc s’enrôler dans d’autres armées pendant la Première Guerre mondiale?
LB : C’est une option. Dans le cas de Luella, elle s’est enrôlée dans l’armée anglaise quand les Britanniques ont lancé un appel pour attirer des infirmières. Je crois qu’elle a vu cette annonce à Toronto, et c’est ainsi que sa carrière a démarré. Vu que le Canada limite le nombre d’infirmières dans son armée, les infirmières canadiennes qui sont écartées empruntent parfois une autre route : dans le cas de Luella, elle est d’abord passée par l’armée britannique.
JA : En avril 2018, BAC a lancé Co-Lab, un outil qui permet au public de participer à des défis en transcrivant, étiquetant, traduisant et décrivant des documents numérisés dans la collection de BAC. Un des défis Co-Lab auxquels vous pouvez contribuer concerne les lettres, les journaux et les photos numérisés d’infirmières militaires canadiennes qui ont servi pendant la Première Guerre mondiale, comme Alice Isaacson et Ruby Peterkin. Laura nous en dit plus long.
LB : C’est un projet formidable que BAC a lancé. Le défi Co-Lab sur les infirmières donne accès à plusieurs fonds privés sur les infirmières militaires. Vous pouvez même consulter les journaux d’Alice Isaacson page par page et admirer de nombreuses photos de sa collection. Les membres du public peuvent aider à transcrire ses lettres. Des journaux qui ont une centaine d’années ne sont pas toujours faciles à lire, même si l’infirmière avait une superbe écriture. La transcription est donc très utile.
Les collaborateurs peuvent aussi étiqueter les documents pour faciliter la recherche et rendre ces précieuses archives plus accessibles au public.
JA : Le défi « L’appel du devoir : Les infirmières militaires canadiennes » est une excellente manière de découvrir les documents de BAC et de faire une contribution, peu importe où vous êtes.
En plus du défi Co-Lab, BAC a de nombreuses ressources pour approfondir vos recherches sur les infirmières militaires canadiennes. Sur la page « L’appel du devoir : Les infirmières militaires canadiennes » de notre site Web, vous pouvez lire la version numérisée de l’article de Geneviève Allard intitulé « Soigner au front : l’expérience des infirmières militaires canadiennes pendant la Première Guerre mondiale ». C’est une excellente introduction au sujet, qui contient de nombreuses biographies et photos. Vous trouverez plus d’information à ce sujet dans la section « Liens connexes » sur la page de cet épisode.
Nous avons demandé à Laura à quoi ressemblait la vie des infirmières militaires à leur retour au Canada.
LB : De nombreuses infirmières militaires ont servi à l’étranger pendant des années. Dans le cas de Ruby Peterkin, elle est déployée en Méditerranée pendant 23 mois, puis elle reste un an de plus en Europe. Elle est très malade vers la fin de la guerre. Ça montre que les infirmières passent souvent de très longues périodes loin de chez elles. Lorsque l’Armistice est conclu, l’armée prend un moment à s’organiser avant de rapatrier les troupes à la maison.
Quelques complications surviennent, comme l’épidémie de grippe espagnole à la fin de la guerre. Les infirmières doivent donc, en plus du reste, s’occuper des malades. Lorsqu’elles arrivent enfin au Canada, elles commencent à songer au prochain chapitre de leur vie. Beaucoup se marient et ont des enfants. Certaines intègrent le secteur de la santé publique, où elles font un excellent travail. D’autres travaillent dans des hôpitaux pour anciens combattants. Après la Première Guerre mondiale, le Canada met sur pied un système d’hôpitaux pour anciens combattants. Les infirmières sont au cœur de ce projet qui vise à soigner les blessures des nombreux militaires dont la guérison s’annonce longue.
Dans le cas d’Alice Isaacson, elle travaille dans un hôpital pour anciens combattants pendant quelque temps à son retour au pays. Puis, au début des années 1920, elle déménage aux États-Unis, un endroit qu’elle connaît bien pour y avoir étudié et vécu avant la Première Guerre mondiale. Elle se rend à l’Université Cornell, dans l’État de New York, et devient infirmière sur le campus, où elle soigne les étudiants. Elle travaille là-bas jusqu’en 1944, avant de prendre sa retraite.
En résumé, beaucoup d’infirmières tentent de garder un pied dans le domaine médical, mais bien d’autres mettent un terme à leur carrière d’infirmière militaire pour fonder une famille et commencer une nouvelle vie. Très peu restent dans l’armée. Après la Première Guerre mondiale, le corps d’infirmières de l’armée canadienne est presque entièrement démantelé, passant de près de 3 000 membres à quelques-unes seulement. Alors ce n’est pas vraiment une option pour les infirmières canadiennes qui reviennent au pays.
Mais je pense que la majorité des infirmières militaires voient cette période de leur vie comme une grande libération, une expérience extraordinaire, un moment où elles voient des choses qu’elles n’auraient jamais pu imaginer. Elles ont été témoin des répercussions d’une guerre hautement technologique, d’amputations, de blessures terribles, d’attaques au gaz. D’ailleurs, lorsque du chlore gazeux est utilisé sur le champ de bataille après la deuxième bataille d’Ypres, en 1915, de nombreux Canadiens sont affectés. Les infirmières qui traitent les soldats inhalent du gaz et souffrent elles aussi de problèmes respiratoires.
De nombreuses infirmières, de même que des soldats, souffrent de ce qu’on appelle aujourd’hui le syndrome de stress post-traumatique. C’est une chose qu’on oublie souvent. Quand on pense aux infirmières de la Première Guerre mondiale, on imagine l’infirmière avec son voile, sa belle robe et son tablier, en train de soigner les soldats. Elle travaille assidûment jour et nuit, et soigne d’énormes convois de soldats qui vont et viennent, mais on ne pense pas vraiment à ce que ces femmes ont vécu après la guerre et aux séquelles psychologiques. C’est pourtant prouvé que les infirmières militaires, tout comme les soldats qui se battaient dans les tranchées, ont beaucoup souffert.
JA : Pour voir d’autres ressources de Bibliothèque et Archives Canada sur les infirmières militaires canadiennes, rendez-vous à l’adresse bac-lac.gc.ca. Sur la page de notre épisode, vous trouverez plusieurs liens, dont des articles de blogue sur les infirmières militaires et le Llandovery Castle, ainsi que notre album Flickr contenant des photos de notre collection.
Merci d’avoir été des nôtres. Ici Josée Arnold, votre animatrice. C’était Découvrez Bibliothèque et Archives Canada, votre fenêtre sur l’histoire, la littérature et la culture canadiennes. Un grand merci à notre invitée d’aujourd’hui, Laura Brown. Merci également à Isabel Larocque, Geneviève Allard, Alex Comber et Karine Brisson pour leur contribution. La musique de cet épisode a été fournie par Blue Dot Sessions.
Cet épisode a été produit et réalisé par David Knox.
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